Participatif
ACCÈS PUBLIC
18 / 03 / 2009 | 11 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
Articles : 4197
Inscrit(e) le 16 / 11 / 2007

La France doit-elle mettre en place un « Ethnic monitoring » ?

Pour certains, refuser les statistiques ethniques relève de l'hypocrisie. La meilleure des façons de continuer à ne rien voir. Pour d'autres, cette revendication s'assimile à un « écran de fumée » qui présente de nombreux risques de dérives.  Pas besoin de statistiques pour faire évoluer les mentalités et les habitudes. Surtout que l'interprétation de ces derniers est souvent difficile.

  • Nous vous invitons à réagir dans la discussion lancée à partir de cet article qui rebondit sur les dernières déclarations de Yazid Sabeg.

Le commissaire à la diversité et à l'égalité des chances a en effet remis à l'affiche, sur Europe1 le lundi 9 mars, le débat sur les statistiques ethniques. Sujet sensible. Il a fallu que Yazid Sabeg se déclare favorable à une donnée qualifiant "le sentiment d'appartenir à une communauté" afin de mesurer la diversité et par conséquent les discriminations pour que SOS Racisme monte au créneau. L'association estime « que la ficelle est un peu grosse » parce que  derrière la « communauté », « c’est bien une assignation ethnico-raciale qui ressortira immanquablement. Il est grave qu’une personne s’exprimant au nom de la République construise un discours et d’éventuelles propositions qui favoriseraient un renforcement des assignations communautaires. »

Aux Etats-Unis, au Canada et plus récemment en Grande-Bretagne, l'« ethnic monitoring » s'impose pourtant. Un suivi qui se traduirait en France par la production par les entreprises de statistiques  ethniques sur leur personnel, mais « impliquerait également que soit posée une question sur l’ethnie d’appartenance dans le cadre du recensement » souligne un dossier de cadrage du Centre d'Analyse Stratégique d'octobre 2006.

  • Le dossier rappelle que « les directives communautaires n’imposent pas aux États membres d’intégrer dans leur appareil statistique les différents chefs de discrimination qu’elles énumèrent (origine ethnique, orientation sexuelle, handicap, convictions religieuses…). Pour le moment du moins.

 

Le sujet n'est pas nouveau

L'étude du Centre d'analyse Stratégique se fend d'un petite chronologie des recommandations en faveur d'un suivi statistique ethnique..

  • En 2004, Claube Bébéar proposait dans un rapport que « soit réalisée chaque année une « photographie statistique de l’entreprise » à partir d’un questionnaire anonyme où chaque salarié déclarerait sur une base volontaire son appartenance ou non à une « minorité visible ». 
  • Azouz Begag a lui aussi « suggéré » dans un rapport remis en 2004 au ministre de l’Intérieur de permettre à la Direction de la Police nationale de comptabiliser les recrutements et promotions des  agents issus de l’ « immigration visible » et souhaité voir se développer des statistiques reposant sur l’auto-déclaration. 
  • En 2005, le rapport Fauroux proposait de « développer les expérimentations de la mesure de la diversité ethnique dans les entreprises dans le strict respect des préconisations de la CNIL. »
  • En février 2005, le rapport Calvès sur la diversité dans la fonction publique d'Etat soulignait la nécessité que l’appareil statistique intègre la variable de l’origine.

Toujours les mêmes freins

le rapport Calvès précité estimait que le conseil constitutionnel s’opposerait vraisemblablement à une « reconnaissance » de catégories de population définies par une « origine commune ».

Du côté de la CNIL, on avance l'interdiction légale (loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978)  de collecte de « données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci ». Des données considérées comme « sensibles ».

SOS Racisme, voit dans toutes ses propositions un « invraisemblable rideau de fumée qui voudrait nous faire croire que l’alpha et l’oméga de toute avancée passerait par l’instaurations de statistiques ethniques ». Bref, un prétexte pour ne rien faire de plus. Surtout que les données ethniques récoltés lors d'enquêtes anonymes validées par la CNIL ne sont pas aussi éclairantes que cela.

  • Un peu comme les indicateurs de l'égalité hommes femmes que les partenaires sociaux sont bien en peine d'interpréter.

Les alternatives

Une association comme ISM Corum croit au suivi statistiques et à l'importance qu'il y a de mesurer. «Un certain nombre d'expérimentations récentes montrent cependant qu'il
est possible de se saisir de cette question et de construire des outils appropriés. Il s'agit d'abord de poser la question“pourquoi mesurer les discriminations?”, avant d'envisager les outils ou “comment mesurer les discriminations?” », explique ISM Corum.

C'est ISM Corum qui a par exemple conduit une enquête statistique sur la diversité au sein du groupe Casino à partir des patronymes des fichiers du personnel. 

  • A noter que Yazid Sabeg s'est déclaré défavorable à l'utilisation des patronymes dans les statistiques.


Outre les analyses à partir des fichiers du personnel, la réalisation d’enquêtes anonymes est en outre admise pour peu que les réponses soient détruites à l’issue de la phase d’exploitation. Une formule qui « permet de recueillir et de traiter des données indisponibles (car interdites) dans les fichiers de gestion du personnel, et en particulier la nationalité d’origine de l’individu et la nationalité ou le lieu de naissance de ses parents. »

Dans son intervention du 9 mars, Yazid Sabeg a précisé qu'il n'y aura "clairement pas de fichier".







Pas encore de commentaires