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14 / 03 / 2018 | 16 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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« L’enjeu économique immédiat, c’est de réduire les frais de fonctionnement » - Patrick Sagon, président de la Mutuelle Générale

Patrick Sagon, président de la Mutuelle Générale (MG), a bien voulu répondre à nos questions dans un environnement de la complémentaire de santé particulièrement « mouvementé ».

La Mutuelle Générale a annoncé être à la recherche d’un nouveau partenaire stratégique. Quelles en sont les raisons ?

La recherche d’un partenariat structurant n’a jamais été caduque pour La Mutuelle Générale. La mise en œuvre de la directive Solvabilité 2 a entraîné une petite pause dans le processus de concentration du secteur de l’assurance. Mais cette pause est derrière nous et les annonces de rapprochement se sont succédées, entraînant la création d’acteurs de taille très importante. La santé financière de ces groupes peut être plus ou moins solide, il n’en demeure pas moins que leur taille constitue une force en soi.

Nous avons également assisté à des rapprochements inédits, entre acteurs relevant de différents codes, celui de la mutualité, celui des assurances etc. Les deux années passées sous le régime de Solvabilité 2 nous ont permis d’évaluer la solidité des acteurs et d’analyser finement les configurations qui auraient le plus de sens pour notre mutuelle et pour ses adhérents actuels et futurs.

Quelle est votre analyse des forces et faiblesses des acteurs en présence ?

Si l’on regarde le secteur de l’assurance complémentaire de santé, les données fournies par la DREES sont édifiantes. Le nombre d’organismes complémentaires en santé a été quasiment divisé par 3 en une douzaine d’années. Les Mutuelles 45 demeurent l’acteur principal du marché de la complémentaire santé mais leurs parts de marché régressent, au profit des assureurs et des bancassureurs. Leur nombre diminue drastiquement et leur solidité financière se dégrade. Par ailleurs, les mutuelles sont historiquement positionnées sur la santé alors que Solvabilité 2 favorise la diversification des risques.

Si l’on élargit la focale à l’assurance de dommage et biens, on constate que les assureurs sont bousculés par l’arrivée de nouveaux acteurs : les GAFA bien sûr mais aussi les constructeurs automobiles, les bailleurs etc. et, bien sûr, les bancassureurs. Dans moins de dix ans, il pourrait ne rester qu’une dizaine de grands groupes.

En santé, l’ANI a mis les marges techniques sous forte pression et les produits financiers sont engagés dans un tunnel de décroissance. L’enjeu économique immédiat est de réduire les frais de fonctionnement et c’est ce que fait la Mutuelle Générale. Les frais de gestion sont également régulièrement pointés du doigt par les pouvoirs publics et ne facilitent pas les négociations.

Et comment va la Mutuelle Générale ?

Notre mutuelle présente une très bonne solidité financière. Elle dispose d’une marge de solvabilité de 235 %, ce qui est remarquable compte tenu du fait que nous faisons 80 % de notre activité en santé et 20 % en prévoyance. Nous nous développons sur le marché de l’assurance collective de personnes, tout en conservant une bonne résistance sur le marché individuel. Certes, nous présentons une relativement « petite » taille par rapport aux géants du secteur mais elle nous permet à l’inverse une certaine agilité. J’affirme que notre mutuelle n’a jamais été aussi attractive pour nos partenaires mais aussi pour nos clients. Nous avons beaucoup appris du projet puis de l’abandon du rapprochement avec Malakoff-Médéric. Nous faisons évoluer notre réseau commercial et notre service clients pour répondre à l’ensemble des besoins et des attentes de nos adhérents, de ceux qui souhaitent une relation entièrement numérique et dématérialisée à ceux pour lesquels une relation physique demeure incontournable. Tous ces enjeux sont évoqués dans notre plan stratégique.

Quels sont les fondements de ce plan stratégique ?

Nous avons une ambition forte : nous voulons être la mutuelle qui se réinvente et se dépasse au service de ses clients. Nous revendiquons notre appartenance au secteur de l’économie sociale et solidaire, dans une logique mutualiste et sans sélection. Tout en demeurant fidèles à ses valeurs, la Mutuelle Générale se transforme : l’ANI nous impose de déplacer notre centre de gravité de l’individuel vers le collectif ; nous développons notre offre de services et optimisons nos coûts de gestion.

Concernant les services, nous nous positionnons notamment sur la thématique du « bien-vieillir » et de la prévention de la dépendance. Ces services accompagneront à la fois nos adhérents les plus âgés mais aussi ceux d’entre eux (de plus en plus nombreux) qui sont dans une position « d’aidants », alors qu’ils sont bien souvent encore actifs. À travers la fondation de la Mutuelle Générale, nous soutenons des projets innovants, en particulier dans le champ de l’assistance à domicile, de la robotique et de la santé connectée. Ceci nous permet d’identifier de nouveaux partenaires, en nous assurant que les services proposés répondent à de réels besoins.

En même temps, nous opérons une plongée dans les données dont nous disposons, pour révéler leur valeur ajoutée. Notre objectif est de faire parler les signaux faibles, dans le respect de la déontologie et de l’esprit mutualiste. Nous prônons une utilisation raisonnable des données, nous souhaitons accompagner aux mieux nos adhérents en fonction de leur comportement et de leurs usages et non à des fins de sélection du risque.

Nous sommes dans la phase d’exécution de ce plan stratégique ambitieux, avec une mise en œuvre progressive dans le temps. À l’issue du plan, en 2020, la Mutuelle Générale ne ressemblera plus à la Mutuelle Générale d’aujourd’hui.

Comment appréhendez-vous les restes à charge « zéro » voulus par le gouvernement en optique, dentaire et audioprothèse ?

Nous abordons ces sujets de façon pragmatique. Nous préférons travailler à élaborer des solutions et réponses qui nous paraissent les meilleures pour nos adhérents et pour la préservation des valeurs mutualistes, plutôt que de subir des décisions prises sans concertation, comme cela a trop souvent été le cas par le passé. D’autant plus que l’on ne peut nier que, dans le domaine du dentaire et des audioprothèses, les restes à charge amènent certains à renoncer à se soigner ou à s’équiper. Nous participons donc, au sein de la Mutualité française, à l’élaboration de solutions pour aboutir à un véritable reste à charge, socialement équitable.

Les situations dans les domaines de l’optique et des audioprothèses sont bien différentes mais dans les deux cas, il faut travailler sur des tarifs d’équipements plafonnés pour éviter une mécanique inflationniste comme nous l’avons déjà connu en optique. La problématique dans le domaine dentaire est complexe. Il faudrait parvenir à rééquilibrer, dans notre pays, la part des soins préventifs ou conservateurs par rapport aux soins prothétiques. Il nous faut valoriser l’intérêt et les compétences des professionnels de santé mutualistes et de nos centres de santé.

Mais il nous faut aussi rappeler aux pouvoirs publics que, lorsque l’on dit que « ce sont les mutuelles qui paieront », ce seront nos adhérents qui supporteront des coûts supplémentaires à travers les cotisations au final. Les faibles marges actuelles et les contraintes financières et réglementaires ne permettront pas d’absorber toutes les charges additionnelles à tarifs constants, même si nous travaillons à optimiser les frais de gestion. D’autant plus que nous couvrons des populations plus fragiles et plus âgées.

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