« Je crois que c’est la première fois dans l’histoire industrielle qu’une entreprise est ainsi tailladée à la vitesse de la lumière », lâche Franck Zarbo, coordinateur FO chez Kem One. Huit mois après sa reprise pour un euro symbolique par le financier américain Gary Klesh, l’ancien pôle vinylique d’Arkema a été placé en redressement judiciaire le 27 mars par le tribunal de commerce de Lyon. Pour l’instant, seule la partie en amont de l’activité (la production de PVC) est sous observation pour six mois. Elle concerne 1 400 des 1 800 salariés du groupe. Mais le syndicat FO souhaiterait que la procédure englobe également les activités, en aval, de transformation.

L’annonce de la cessation de paiement avait été faite aux représentants du personnel en comité central d’entreprise  extraordinaire le 25 mars. Dès l’aube, FO avait organisé un rassemblement et brûlé des palettes et des pneus devant le site de Lavera.

« Aujourd’hui, notre plus grande préoccupation est de trouver de l’argent car les caisses sont vides. Gary Klesh se dit prêt à débloquer 17 millions d’euros sur la trésorerie, mais ça ne suffira pas à tenir six mois. Il n’était pas présent au CCE, je crois qu’il a déjà tourné la page », poursuit Franck Zarbo.

1 400 emplois menacés

Le tribunal de commerce a totalement écarté l’Américain de la gestion de l’entreprise. C’est désormais l’administrateur judiciaire, Maître Sapin, qui en prendra les rênes. Il sera assisté de deux experts. Dès la cession du pôle vinylique, les comptes s’étaient effondrés. Pourtant Arkema avait effacé les dettes et laissé 100 millions d’euros de trésorerie. FO soupçonne le financier d’avoir détourné une partie de cette somme via des comptes à Jersey.

« Nous avons le sentiment d’avoir été entendus par le juge. Maître Sapin est un ténor et grâce à l’expertise financière, nous allons enfin savoir où est passé l’argent », se réjouit Franck Zarbo. Mais FO veut surtout qu’Arkema prenne ses responsabilités en réintégrant son pôle vinylique.

« Klesh est un vampire. On savait que ça allait se passer comme ça. La direction n’a pas voulu nous écouter, maintenant elle doit assumer », dénonce le coordinateur. Arkema indique qu’une réintégration n’est pas à l’ordre du jour et préfère tirer à boulets rouges sur Gary Klesh. « On ne va rien lâcher et préparer des actions. Si la mobilisation est à la hauteur, on arrivera à renverser des montagnes », prévient le coordinateur FO.

Ce dossier est particulièrement brûlant pour le Ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, qui recevra les représentants du personnel le 8 avril.

Car dans l’industrie pétrochimique, toutes les activités sont interdépendantes.

La faillite de Kem One entraînerait la suppression d’au moins 10 000 emplois sur l’étang de Berre. « Des sous-traitants sont déjà partis, des CDD ne sont pas renouvelés. Le pire, c’est que Klesh est déjà en train de refaire la même chose en Italie, où il rachète deux aciéries », ajoute Franck Zarbo.