Vous avez dit charlatan ?
Ca y est, le débat va changer de nature : il ne s’agit plus de savoir si le Professeur Didier Raoult est dans l’erreur médico-scientifique, mais s’il est digne de pratiquer la médecine ! On se croit revenu à l’époque de Pasteur confronté à la vindicte de l’Académie de médecine.
Le charlatanisme, par principe habituel, est le fait de non médecin (ce qui fut justement le cas de Pasteur) prétendant disposer d’un remède pour une maladie que jusque-là la médecine officielle ne sait pas guérir. En général ce sont les patients, trop crédules, mais souvent désemparés, qui se plaignent de ces pratiques qui se résument fréquemment à de la pure escroquerie. Certaines de ces pratiques, n’ayant pas fait la preuve scientifique de leur efficacité thérapeutique, sont cependant admises et même pratiquées par d’authentiques médecins auxquels on ne fait nul procès, l’homéopathie en est l’exemple le plus illustre.
Le Pr Raoult est, lui, un médecin dont le parcours scientifique honorerait surement bien des membres de l’Ordre qui s’autorisent aujourd’hui à faire son procès au nom de leur prétendue morale. Ils s’appuient, en fait, sur des arguments scientifiques développés par d’autres. Comment oublier que le progrès de la médecine s’est construit au fil des siècles sur la controverse et qu’il a fallu souvent beaucoup de persévérance et de courage à certains pour convaincre de leur vérité ! Les médecins d’aujourd’hui, qui se réclament exclusivement de la science, devraient toujours garder en mémoire l’épopée de Galilée …
Si le professeur Raoult a fait des erreurs au titre de la science médicale, c’est au tribunal de cette science ou à celui de l’Université, comme lui confère son titre de Professeur, qu’il devrait en répondre et non à celui de l’ordre des médecins.
Comment peut-on se satisfaire que ce soit cette instance qui va trancher un débat médical qui a mobilisé pendant plusieurs mois, non seulement les médecins du monde entier et les populations concernées, mais aussi tous les responsables politiques ? Le président de la République Emmanuel Macron n’a-t-il pas rendu publique sa visite au Pr Raoult en pleine crise de la Covid 19 ?
Comment les membres du Conseil Régional de l’Ordre de PACA peuvent-ils se considérer comme légitimes pour porter un jugement moral à leur collègue, lorsque la Cour des Comptes a, officiellement et publiquement, relevé des erreurs voire des fautes de gestion de cet organisme auquel chaque médecin est obligé de verser sa cotisation annuelle ?
C’est bien dans le style de l’ordre de poursuivre un collègue, au moment où notre pays connait une crise sanitaire d’une gravité sans précédent ! Comment ignorer que sur trois questions, essentielles et actuelles, l’Ordre s’est fait entendre par son silence assourdissant ?
- Au moment où les violences faites aux femmes sont considérées par les plus hautes autorités de l’Etat comme une grande cause nationale, au moment où le droit inaliénable des femmes à choisir librement le recours à l’IVG est remis en cause dans de nombreux pays, y compris au sein de l’Europe, pourquoi l’Ordre ne réclame-t-il pas, comme beaucoup de mouvements politiques et associatifs, la suppression de l’Article 6 de la Loi Veil ? Celui-ci (qualifié de « clause de conscience ») permet - et c’est le seul exemple dans la déontologie médicale - à un médecin d’imposer sa propre idéologie à sa patiente alors même que la loi dispose que c’est à la femme, et elle seule, qu’il revient de choisir de conduire ou non une grossesse jusqu’à son terme ?
- Pourquoi n’a-t-on pas entendu, au début de la crise sanitaire, les instances ordinales dénoncer publiquement et officiellement le manque de protection dont auraient dû disposer les médecins, pour soigner leurs patients atteints par la COVID 19, certains l’ont payé de leur propre vie. L’Ordre doit défendre l’honneur et la santé de tous les médecins.
- Comment l’Ordre qui a aussi pour mission la défense des individus et de la santé publique a-t-il pu laisser s’installer les déserts médicaux que notre pays connait aujourd’hui ? Cette réalité explique, pour une large part, les scandaleuses inégalités de santé de la population et les difficultés actuelles pour répondre à la crise virale qui a failli nous submerger. L’Ordre est pourtant la première instance officielle informée en permanence de l’évolution préoccupante de la démographie médicale.
Comment les Français peuvent-ils faire confiance à cette instance ordinale ? Tous les observateurs expliquent que notre démocratie se délite par défiance de la population vis-à-vis des différentes autorités -politiques , administratives, juridiques, policières- qui gèrent notre pays et dont la crise du COVID 19 a révélé les grandes insuffisances. En faisant de l’Ordre l’arbitre de ce différend médical cette crise de confiance risque encore de s’aggraver et l’élan de solidarité, qu’a connu notre pays au printemps dernier, risque de se transformer en colère et révolte de certains contre les autres !