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06 / 12 / 2024 | 53 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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L’accélération des risques extra-financiers pousse à repenser l'analyse ESG

Qu’est ce qui change pour un portefeuille d’investissements sur le long terme face à l’accélération des risques extra-financiers ? Luisa Florez, Directrice des recherches en Finance Responsable OFI INVEST AM, livre ses réflexions...

 

Il est indéniable que les risques environnementaux et sociaux augmentent en nombre et en ampleur. De nombreux organismes scientifiques internationaux nous alertent sur la survenance précoce de ces risques.

 

Le dernier rapport Planète Vivante de WWF dresse un constat accablant  : en 50  ans, la taille des populations d’animaux sauvages suivies a diminué de près de 75 % en moyenne(1).

 

Ce déclin des populations menace la résilience et la stabilité de l’écosystème. Les signaux d’alerte se multiplient, et les liens entre dégradations environnementales et risques macroéconomiques se formalisent(2), bien que certains continuent de nier l’existence de ces risques.

 

Depuis les années 2000, l’ESG (Environnemental, Social et Gouvernance) repose sur une approche des risques et opportunités. Souvent qualifiée de mesure de long terme, l’ESG prenait en compte des risques et opportunités se matérialisant sur un horizon supérieur à celui de l’investisseur.

 

Cependant, ces cinq dernières années, les risques se matérialisent plus rapidement que prévu. Par exemple, la sinistralité climatique impacte déjà les résultats des compagnies d’assurances. Il est donc crucial d’intégrer les enjeux ESG dans l’analyse, à la fois comme un risque et comme une condition préalable à l’activité économique.

 

Cela implique de réaliser que l’utilisation des matières premières et naturelles s’inscrit dans un cadre de ressources limitées, tout en vérifiant que les impacts générés ne dépassent pas les limites identifiées par la science. C’est un exercice à rendre systématique désormais.

 

Certaines activités ne pourront pas être menées car elles utilisent des ressources naturelles limitées ou ne respectent pas les conditions minimales pour un travail décent et libre.


Cela nous pousse à repenser l’analyse ESG. Plutôt que de privilégier les meilleurs acteurs de chaque secteur, il est préférable de choisir ceux qui ont revisité leur activité économique dans le cadre des limites imposées par la nature et par les êtres humains.

 

LES RISQUES SE MATÉRIALISENT PLUS RAPIDEMENT QUE PRÉVU, CE QUI NOUS POUSSE À REPENSER L’ANALYSE ESG

 

Le régulateur européen ESMA(3) a déjà proscrit certains secteurs économiques dès lors qu’un fonds est qualifié d’«  ESG  », «  ISR  », «  durable  » ou «  à impact  ». Il en va de même pour le Label ISR français. Pour l’ESMA, il s’agit des exclusions normatives et sectorielles définies par la Commission européenne pour les indices de référence alignés avec l’Accord de Paris.

 

Ces exclusions ont été reprises par l’ESMA en mai 2024 pour normer l’appellation des fonds durables en Europe. Cette petite révolution, passée presque inaperçue, marque la première tentative de définition et de mise en place des règles précises sur ce qu’est la durabilité.

 

Le Label ISR dans sa troisième version qui entrera en vigueur en janvier 2025, reprend ces exclusions comme prérequis pour la labellisation des fonds ISR. Il existe quelques différences entre l’ESMA et le Label, notamment pour les seuils et définitions liées aux énergies fossiles, à l’armement et les services aux collectivités.

 

Néanmoins le message est clair  : un fonds ISR/ ESG ne détiendra plus d’énergies fossiles, de tabac, d’armement et d’entreprises violant les 10 principes du Pacte Mondial. En d’autres termes, l’investissement socialement responsable reconnaît que certaines activités économiques, voire certains secteurs, ne sont plus en ligne avec nos limites planétaires et, pour cette raison, ils ne peuvent plus faire partie d’une stratégie durable.


Cette tendance marque un tournant important pour l’investissement responsable. Une volonté du régulateur européen et des labels français de mettre fin au manque de clarté et de cohérence marketing des fonds ISR. Nous attendons avec impatience la suite de cette évolution réglementaire avec la révision de SFDR. (4)

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(1) Le Rapport Planète Vivante WWF, 2024 WWF Rapport Planete Vivante 2024 - WWF France.pdf, page 24.

(2) Voir rapport FMI, Embbeded in Nature : Nature-related economic and financial risks and policy considerations. Charlottes Gardes-Landolfini, William Oman, Jamie Fraser, Mariza Montes de Oca Leon, Bella Yao. 3 octobre 2024.

(3) ESMA European Securities and Markets Authority, récommandations publiées en mai 2025 : ESMA Guidelines establish harmonised criteria for use of ESG and sustainability terms in fund names

(4) Le SFDR de l'UE vise à aider les investisseurs en leur offrant une information plus transparente quant au degré avec lequel les produits financiers prennent en compte les caractéristiques environnementales ou sociales, investissent dans des investissements durables ou ont des objectifs durables.

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