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24 / 11 / 2025 | 21 vues
Philippe Nadler / Membre
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La fiche de paye au net : contribution à une certaine cacophonie!

Une curieuse campagne du club Landoy se développe sur les réseaux dits sociaux qui, bien qu’encore marginale, mérite qu’on s’y arrête. À partir d’une non moins curieuse étude de l’institut ViaVoice, généralement mieux inspiré, il s’agit de dénoncer la complexité des fiches de paye. Cela part du constat que chacune et chacun peut faire d’une complexité certaine à la lecture du précieux document (de ceux que l’on devait conserver précieusement jusqu’au jour de la liquidation de la retraite) Mais sous couvert de simplification, de rationalisation et semblant témoigner d’une heureuse sollicitude à l’égard des salariés que nous disent l’étude, ses commentaires et la campagne Landoy ?

 

La première chose que l’on constate dans cet ensemble c’est l’absence des organisations syndicales qui, quoique semble en penser les promoteurs de la campagne, représentent ces salariés qu’a interrogé l’institut.

 

« Tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi » disait Gandhi

 

L’initiative Landoy se veut un exercice premier d’une « éducation financière » mais à bien la considérer, elle ne peut que jeter le trouble. Je m’arrêterai à la défense et illustration qu’en donne François Xavier Albouy, économiste... Il entend jouer avec les mots et intitule sa chronique « Un sale air pas très net ».

 

Alors jouons aussi sur les mots.

 

Le chroniqueur parle d’un « Moloch avide qui réduit le revenu disponible et pénalise les entreprises et les salariés ». Mais qui est ce Moloch ? On devine l’État ; mais quand on considère les soutiens à la campagne Landoy, ont-ils vraiment à se plaindre de celui-ci ? Répétons-le on ne peut que regretter la complexité des choses et celle de la fameuse « fiche de paye ».en participe. En cela l’étude ViaVoice produit des observations justes. Mais ne s’agit-il pas de jeter le bébé « protection sociale » avec l’eau, fut-elle trouble, du bain ?

 

Nous célébrons les 80 ans de la Sécurité sociale ; ce goût pour les commémorations nous impose une date alors que le processus de mise en œuvre de celle-ci s’est déroulé dans le temps et que si octobre 45 est la date de l’ordonnance Laroque-Parodi, la « Sociale », celle de Laroque-Croizat date d’avril 1946.

 

Cette « Sociale»—qui distingue le système français du système étatiste de Beveridge— est fondée sur les cotisations et la gestion démocratique par les cotisants, c’est à dire très majoritairement par les travailleurs salariés. Les cotisations sont alors pensées comme du salaire différé et socialisé et doivent être considérées comme le fruit du travail.

 

Jusqu’à l’apparition— certains disent la fabrique—du chômage de masse cet abondement par les cotisations constitue l’essentiel des ressources du système, même si les ordonnance de 1967 ont profondément modifié la gestion des caisses en imposant le paritarisme.

 

Dans les années 70, les premiers effets du choc démographique, les exigences croissantes en termes de couverture santé, les politiques libérales changent l’économie générale du système et provoquent les premières formes de fiscalisation du financement de la protection sociale.  La CSG au départ consacrée à la couverture « famille » est certes un impôt, mais il représente selon ses concepteurs une novation, celle d’un impôt strictement affecté à la protection sociale, prélevé par les Urssaf.   Malgré tout, comme le montre la dernière étude de la chaire TDTE, et contrairement à ce qu’affirme un peu vite François-Xavier Albouy (qui participe pourtant à la chaire) les cotisations sont encore majoritaires dans le financement de la protection sociale.

 

La suite est imposée par le maintien du chômage à des niveaux élevés, les inégalités salariales hommes-femmes, des politiques de contraintes sur les salaires. Jacques Rigaudiat, regardé comme le père de la CSG, affirmait récemment « la Sécu est malade du chômage ». Tout cela est propice à la diversification des modes de financement de la Sécurité sociale, ce qui contribue — sans parler du prélèvement à la source de l’IRPP— une complexification de la fiche de paye.

 

Mais se préoccuper de la lisibilité de celle-ci consiste à s’occuper de la lisibilité du thermomètre sans se préoccuper de la dégradation du climat.

 

Pour reprendre la métaphore de la chronique de FX Albouy « un sale air » on entend la cacophonie de l’exécution de partitions diverses qui toutes cherchent à remettre en cause la protection sociale ; les unes sont fondées sur une étatisation intégrale, les autres sur une libéralisation totale du marché de celle-ci avec des variations sur le maintien ou non des acteurs solidaires (mutuelles et Institutions de prévoyance), sur un abandon partiel voire généralisé de la répartition au profit de la capitalisation.

 

À l’occasion des 80 ans de la Sécu ce qu’il faut remettre au net, c’est la protection sociale, dans ses principes solidaires et démocratiques, plus que la « fiche de paye ».

 

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