Fusion entre la Macif et Aésio : et les salariés dans tout ça ?
La fusion est en route. L’employeur avance vite. Alors, qu’en penser lorsqu’on est salarié du groupe Macif si l’on travaille à l’UES santé prev, l’UES Macif SAM, l’UES transverse ou finance-épargne et en quoi est-on concerné ?
Créer un pôle mutualiste fort, oui mais à condition d'en défendre les valeurs...
Tout d’abord, qu’il s’agisse d’une fusion ou d’un rapprochement, l’argument massue de la direction est la création d’un pôle mutualiste fort ; 3 millions de personnes protégées pour Aésio et 5,5 millions de sociétaires ou adhérents pour la Macif, le groupe dépasserait en tout les 8 milliards de chiffre d’affaires (6 milliards pour la Macif aujourd’hui) et serait riche de 14 000 salariés (10 365 pour le groupe Macif actuellement).
Ce nouveau groupe a pour ambition de créer un pôle mutualiste fort, qui pèsera plus lourd sur le plan politique et sur le plan économique, nous dit l'employeur. L’idée est bonne car créer un pôle mutualiste fort revient à donner de la force aux valeurs de solidarité, d’autant que les deux groupes ont des activités complémentaires au niveau des métiers et sur le type d’adhérents et de sociétaires.
Cependant, quel est le contenu réel des valeurs mutualistes que l’on veut défendre lorsque, par exemple, le groupe Macif est passé du slogan « la solidarité est une force » à celui d'« essentiel pour moi ». Adieu la solidarité comme fondamental dans la réponse aux besoins et bonjour la seule prise en compte d’un intérêt personnel et immédiat.
Cette vision du monde réduite à la réponse au seul profit individuel avance dans le sens diamétralement opposé à celui des valeurs mutualistes. Il aurait été intéressant que cette question soit posée, cela aurait clarifié les ambitions du projet ; nous n’en avons pas vu la trace.
Et les salariés dans tout ça ?
Concernant les salariés, si l’employeur Macif écrit noir sur blanc que le projet de fusion n’apporte aucune conséquence sociale au sein des deux groupes, il est incapable de répondre à la CGT lorsque celle-ci lui demande : « Pendant combien de temps vous engagez-vous à ce qu’il n’y ait aucune conséquence sociale ? ». L’inquiétude de la CGT est tout à fait légitime car nous n’avons jamais vu de fusion, de concentration ou de regroupement qui ne soit payé par les salariés.
D’ailleurs, il y a déjà eu des conséquences sociales, ne serait-ce que le MSG (statut social de la Macif) signé en 2018 par la CFDT et la CFE-CGC. Le MSG a fini de casser un statut social déjà très endommagé en 2006 par la signature du nouveau contrat social (NCS). Le MSG visait (entre autres) à attirer des partenaires en leur présentant un statut social très peu contraignant pour l’employeur. Ainsi, 90 % des salariés du groupe ont vu leur statut social s’écrouler et les 10 % restants ont très peu gagné ; ils ont le plus souvent stagné et quelquefois même régressé.
Au niveau de la SAM, le projet ONE est une autre conséquence a priori du projet de rapprochement. En trois ans, Macif SAM est passée de 11 régions + le siège social à 1 seul établissement et 4 zones de RH. La centralisation du pouvoir résulte directement en une dégringolade du point de vue de la représentation du personnel, laquelle est passée de douze CE à un seul !
Macif mutualité n’est pas en reste avec la fusion Macif-Mutualité/Apivia Mutuelle/GIE couleurs Mutuelles dont les salariés s'inquiètent de leur avenir professionnel car des doublons vont très vite apparaître. Les inquiétudes sont fortes dans les services de soutien notamment.
Nos collègues d’Aésio, eux, connaissent en ce moment la fusion des trois mutuelles du groupe, laquelle apporte déjà un lot de bouleversements jamais à l’avantage des salariés.
Tous ces chamboulements ont de surcroît comme caractéristique d’être très brutalement orchestrés de sorte que, par manque de temps, aucune appropriation n’est possible, tout est incertain, les repères s’évanouissent. Le seul repère qui reste est qu’il faut trimer et rendre des comptes le plus souvent possible, le tout sans chercher à comprendre.
C’est la méthode « top-down » qui est assez simple au fond : le dirigeant décide, les autres exécutent. C’est l'obligation en matière de rapidité puisqu’on ne s’embarrasse ni de réflexion collective, ni de débat. Autre avantage pour l’employeur : ceux qui subissent les décisions ne sont pas ceux qui décident.
Où en est-on aujourd'hui ?
La direction a pris l’avis des élus au CSE de groupe en mars. La CFDT et la CFE-CGC ont voté pour, FO et l’UNSA ont refusé de participer au vote, considérant qu’ils n’étaient pas suffisamment informés. La CGT, elle, s’est prononcée contre la fusion, considérant au contraire que l’absence d’engagement protégeant les salariés vaut, hélas, réponse sur le sens (du point de vue social) que l’employeur veut donner à la suite de son projet.
En septembre, la direction a de nouveau pris l’avis du CSE du groupe, cette fois sur les conséquences du projet en termes d’organisation et de transfert de salariés entre la SGAM, la SAM Macif et Macifimo. Toujours pour les mêmes raisons, la CGT s'est de nouveau prononcée contre.
Les éléments apportés par l’employeur sont insuffisants, voire inexacts ou incohérents. Cela montre que les conséquences des décisions sur les gesn sont traitées de manière très approximative. Ce n’est visiblement pas si important pour l’employeur et cela ne présage rien de bon pour les collègues concernés s’ils ne s’entourent pas d’une organisation syndicale très impliquée. Il ne s’agit pour l’instant que des effets immédiats du projet.
Il est évident que la fusion aura d’autres conséquences sociales à plus ou moins long terme, tant pour les collègues issus du groupe Macif que pour ceux issus du groupe Aésio. Les fonctions de support seront les premières touchées. Le futur groupe vise des économies d’échelles, immobilières mais pas seulement. Agences en double sur un territoire, services en double, notamment entre Aésio et le futur Apivia/Macif Mutualité (A2M) sachant que de part et d’autres, les salariés sont déjà en pleine fusion.
Il y a sans doute des raisons objectives et valables à la fusion mais celles invoquées par l’employeur sont assez floues et générales. De plus, ce projet manque d’ambition sociale et mutualiste. En ce sens, il ne peut que coûter cher aux salariés. Quand l’ex-DRH affirmait que la direction d’Aésio trouvait que le statut social de la Macif était encore trop élevé pour Aésio, cela n’augure rien de bon pour l’ensemble des salariés du groupe. Un projet d’une telle ampleur nécessite du temps et des débats, l’employeur a refusé l’un et l’autre.