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15 / 12 / 2025 | 10 vues
Jean-Philippe Milesy / Membre
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Brandt liquidé, une leçon politique !

Durant la préparation de la loi du 31 juillet 2014, il avait été proposé un échevinage au sein des Tribunaux de commerce pour juger des procédures collectives devant lesquelles étaient présentés des plans de reprise impliquant une coopérative.

 

On avait constaté en effet des divergences, parfois profondes, entre le traitement en première instance de telles affaires par les juges consulaires — des entrepreneurs et commerçants « classiques » — et par les magistrats des Cours d’appel.

 

Cette proposition ne fut pas reprise dans la loi Hamon.

 

Aujourd’hui l’affaire Brandt illustre tragiquement notre proposition d’alors.

 

Rebaptisés, Tribunaux des affaires économiques, les anciens Tribunaux de commerce n’ont pas changé de nature et la décision Brandt le montre.

 

Bien évidemment, Brandt a été aussi liquidé du fait d’un manque d’engagement d’un gouvernement — qui claironne pourtant sa volonté de réindustrialisation— et de la défection d’une BPI dont les décisions interrogent chaque jour d’avantage ; faut-il rappeler ici la liquidation le 1er décembre de la start-up Ynsect qui avait été amplement soutenue par la banque de Nicolas Dufourcq ?

 

Mais l’affaire Brandt montre aussi une incompréhension, voire une hostilité de principe, des juridictions consulaires pour tout « entreprendre autrement ». Là encore faut-il rappeler le déni par le tout jeune MEDEF de toute légitimité à entreprendre de l’Économie « dite » sociale (sic) ?Depuis ce rapport Augustin, au-delà de discours ça et là, aucune évolution du syndicat patronal n’a été marquée.

 

Plus grave, est en cours une expérimentation de l’élargissement de la compétence des Tribunaux des affaires économique aux procédures collectives concernant les associations, et ce sans que soit changé la nature et la composition des TAE.

 

On sait que ce genre d’expérimentation est le plus souvent irréversible. Les associations vont se retrouver jugées par des entrepreneurs et commerçants le plus souvent ignorants de leur règles et conditions de fonctionnement en un temps où les secteurs solvables de l’action associative se retrouvent attaqués par des structures lucratives. Les récentes affaires dans le secteur des EPHAD et celui des crèches montrent les prédations que provoque l’irruption du profit financier dans des domaines qui devraient relever de la solidarité et de l’intérêt général.

 

Cette expérimentation est conforme aux nouvelles approches, tant européennes que nationales, qui, selon la doxa libérale, visent à imposer un modèle unique d’entreprendre à travers une normalisation forcée des modes solidaires, démocratiques et non-lucratifs qui prévalent au sein de l’Économie sociale et solidaire.

 

Alors que les stratégies des grands groupes US, chinois, des multinationales, sont des stratégies de monopoles ou de cartels, les instances européennes et les gouvernements nationaux cherchent à imposer un dogme de la « concurrence libre et non faussée » de même nature que celui du « ruissellement » qui de Schmidt à Macron entend justifier les développements actuels des inégalités.

 

À s’en tenir à ce dogme, les subventions aux associations peuvent, en cas de recours d’acteurs privés lucratifs, ou de libéraux forcenés, être regardées comme des aides illicites et on voit, alors que la loi Hamon avait cherché à définir et sanctuariser les subventions, un développement des appels d’offres et de la marchandisation associative. Les rapports du HCVA et du CESE (rapport HCVA Guillois-Bottalico d’octobre 2021et Avis du CESE Bobel-Joseph de juin 2024) montrent les dangers de cette marchandisation pour les associations entraînées dans des situations de concurrence mais, plus grave, pour leurs publics et en premier lieu les personnes les plus fragiles.

 

C’est dans ce contexte qu’intervient la dévolution aux TAE de nouvelles compétences en matière associatives. Elle est une nouvelle manifestation de la volonté d’imposer un modèle unique entrepreneurial dans une banalisation marchande des associations.

 

Alors que l’Avis du CESE sur les financements associatifs, adopté à l’unanimité de ses groupes, était sous-titré « une urgence démocratique », l’affaire Brandt en ce qu’elle révèle de la nature des TAE prend un tour éminemment politique. Il est urgent que toutes les parties prenantes de l’ESS et les groupes parlementaires de gauche s’en emparent.

 

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