Organisations
Le travail en 2022 : comment les grandes entreprises se mobilisent pour répondre aux mutations de l’économie et pour la qualité du travail ?
Le travail en 2022
Une série de chroniques à suivre sur Miroir Social
- Brigitte Dumont, directrice RSE d'Orange
À venir :
- Jean-Claude Delgenes, directeur général de Technologia
- Marie-Jeanne Fouqué, présidente déléguée de la mission locale de Toulouse
- Michel Debout, psychiatre et professeur de médecine
Retrouvez la chronique de :
- Anne-Julienne Tillay, secrétaire générale de l'UNSA Paris > Perspectives critiques
- Françoise Maréchal-Thieullent, avocate médiatrice chez Lawcean Selarl Interbarreaux > Retrouver la sérénité par les modes de règlement amiable des conflits
Une question d’engagement (des directions générales)
Parler d’engagement pour une grande entreprise multinationale devient une nécessité. Par sa culture d’entreprise, résultat de son histoire, le groupe Orange est une entreprise engagée. Son rôle comme celui de toutes les entreprises est en train de se transformer profondément sous l’influence des évolutions géopolitiques. Et le rôle des directions générales devient crucial. Elles doivent anticiper, s’engager pour l’avenir, au risque de laisser leur joyau disparaître ou de voir les jeunes délaisser leur entreprise. Il ne faut pas se le cacher les transformations géopolitiques sont lourdes de menaces : les inégalités explosent, creusent des fractures sociales sans précédent au vu et au su du monde entier derrière ses écrans, la défiance envers les institutions atteint des sommets qui font le lit de tous les déséquilibres. Les grandes entreprises ne peuvent pas rester indifférentes à la situation. Bien au contraire, leur expérience quotidienne les met au centre de ces évolutions. A plus forte raison, les opérateurs du digital, une technologie qui est en train d’impacter toutes les activités durablement.
La Responsabilité Sociale d’Entreprise a le projet d’anticiper et d’accompagner le mouvement de celles et ceux - nombreux dans les sociétés civiles - qui cherchent à innover. Car, dans cette période mouvementée, l’entreprise est devenue un acteur-clé des équilibres qui préservent l’environnement et le tissu social, un rempart contre les aventures politiques et ... économiques.
Par leurs dialogues avec leurs parties prenantes, les entreprises s’ouvrent aux sociétés où elles opèrent, réussissent à expliquer en toute transparence les contraintes de leur activité, devenant par là même des « institutions » de confiance, contrairement aux institutions politiques. Les études sociologiques le montrent bien. Les résultats de l’Observatoire des Français que Sociovision mène depuis 1975 parlent d’eux-mêmes : plus de la moitié de nos concitoyens pensent que la crise n’est pas terminée et va durer encore longtemps, 30 % même que c’est devenu la situation habituelle ! Cela entraîne une grande désillusion du politique : 79 % ont l’impression qu'aucun homme politique ne s'occupe pas vraiment des problèmes des gens comme eux, une personne sur trois pense que voter est inutile ! L’évolution du monde paraît de plus en plus incohérente. Face à cela, l’image de l’entreprise est un enjeu de plus en plus fort. La demande de RSE se confirme. On se tourne majoritairement vers l’entreprise pour la formation tout au long de la vie (69%), la protection sociale (64%), l’emploi des jeunes (60%), l’apprentissage des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (54%).
Et cela ne se limite pas à la France. L'étude GlobeScan « How purpose can build more societal trust in business » va dans le même sens.
Les entreprises servent aussi l'intérêt général
De plus en plus, les sociétés comprennent que les entreprises ne font pas qu’exploiter des savoirs faire et transformer des ressources naturelles plus ou moins renouvelables, mais que - si elles ont besoin de faire de la marge pour réinvestir dans leur système productif -, elles servent aussi l’intérêt général !
Parallèlement, les entreprises ont pris la mesure de leur impact et de leur nouvelles responsabilités, non seulement offrir des services pour améliorer la vie du plus grand nombre - comme le propose Orange depuis longtemps déjà -, mais aussi créer les conditions d’un développement économique qui empêcheraient les guerres (qu’on parle d’affrontements brutaux ou de terrorisme latent) et les migrations de populations qu’elles engendrent.
Le groupe Orange s’est ainsi engagé dans la poursuite des ODD (Objectifs du Développement Durable) de l’ONU avec la GSM Association (qui regroupe 850 opérateurs mobiles dans le monde entier), va signer la HCC (Humanitarian connectivity charter) pour gérer les catastrophes naturelles ou humaines dans les meilleures conditions,…
Pour aller de l’avant, Orange est particulièrement bien outillé ! En effet, quel que soit le secteur sur lequel l’attention se porte, le numérique s’avère un formidable déclencheur d’innovation. Temps réel, information en continu, le digital créée une profusion de nouvelles relations, de nouvelles opportunités. Profusion de contacts et sollicitations professionnelles, profusion de données et d’informations, combinée à l’accélération de l’ensemble des process, l’entreprise - en général et la nôtre en particulier - ne se ressemble plus. Et la société dans son ensemble n’y échappe pas.
Cette accélération, si elle est mal maîtrisée au quotidien, peut devenir une pression, un stress, un mal vivre. Pourtant les innovations qu’elle promet et permet dans les modes de travail sont porteuses de la promesse d’une meilleure qualité de vie et d’un meilleur usage des ressources partagées, qu’aucune entreprise ne peut laisser de côté dans l’intérêt de tous ! Il faut choisir, repenser les modes de travail. Le digital permet l’ouverture des frontières de l’entreprise, la collaboration avec nos parties prenantes, nos prestataires, nos fournisseurs, toute la société globalisée dans un écosystème mondial.
Il est un exemple emblématique de cette évolution : celui des plateformes numériques (Uber, Bla Bla Car, …). Elles sont porteuses de promesses et aussi d’angoisse, du pire et, … du meilleur pour autant que des régulations, comme l’a proposé le rapport Mettling, soient mises en place qui pérennisent le rôle régulateur et protecteur des entreprises et des législations étatiques et supra-étatiques.
La robotisation se répand dans tous les secteurs comme une traînée de poudre. La prospective sur les métiers devient la quête du graal. Trois quarts des enfants en maternelle aujourd’hui occuperont des métiers qui n’existent pas encore ! Comment l’emploi, préoccupation majeure de nos sociétés, va-t-il se transformer ? La deuxième révolution industrielle a concerné principalement les biens de consommation. L’automatisation va désormais s’étendre aux services, tous les services. Portée par l’introduction de technologies avancées (robotique, intelligence artificielle, impression 3D, Internet des objets, etc.), cette vague d’automatisation suscite de nombreuses controverses quant à son impact sur l’emploi.
Les activités les plus vulnérables seront -classiquement- celles qui manquent de flexibilité, avec une faible capacité d’adaptation et ne nécessitant pas d’interactions sociales. Outre les ouvriers des industries ou de la manutention seraient touchés différents métiers de services, parmi lesquels les agents d’entretien, les caissiers, les agents d’exploitation des transports, mais aussi certaines fonctions dans la banque, la comptabilité, le juridique et le médical. La blockchain peut faire disparaitre tous les notaires !
Si le récent rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi (janvier 2017) se montre moins pessimiste quant à ces destructions d’emplois (10 % des emplois seraient menacés), il rappelle qu’un emploi sur deux est susceptible d’évoluer.
Un bien commun économique
Sans une anticipation des chocs de métier à venir, sans prendre le temps de donner du sens et d’associer l’ensemble des salariés à ces changements, le risque est de vivre une situation critique. La formation au numérique et tout au long de la vie donne aux personnes, tant pour leur vie professionnelle que personnelle, des capacités d’adaptation et de rebond. Il faut l’amplifier.
Statutairement, les évolutions se matérialisent par un déclin du salariat, à travers un essor des travailleurs indépendants (free-lance, micro entrepreneurs) et des situations de poly-activité. Si l’indépendance est nourrie par le développement du télétravail, elle tend à être associée à la collaboration.
L’essor du travail indépendant et collaboratif s’accompagne de la création de tiers lieux, nouveaux espaces entre le bureau et la maison : espaces de coworking, fab labs, lieux d’accompagnement, tout cela rendu viable grâce au numérique et aux NTIC plus généralement. Face à ces bouleversements, l’enjeu sociétal sera de trouver un point d’équilibre entre salariés protégés et freelance précaires.
Et ainsi, la responsabilité des entreprises -jadis interpellées dans l’unique cadre de la sécurité des conditions de travail- est considérée aujourd’hui par nos concitoyens comme une sorte de bien commun des sociétés humaines, un bien commun économique.
Cela se reflète pour le groupe Orange. L’apport de notre secteur, nos investissements, plus prosaïquement notre contribution au budget des pays où nous opérons est essentielle pour le développement des activités. Nous l’avons oublié en France mais les études portant sur les pays d’Afrique le démontrent : les télécoms sont un vecteur de croissance et d’emploi. La modélisation économétrique (notamment menée à Columbia University par Raul Katz) sur l’impact des investissements télécoms montre que le déploiement des réseaux mobiles a un effet d’entrainement majeur sur la croissance du PIB des pays, en étant à l’origine de 10 à 30% de cette croissance.
Le poids du secteur est important, sa responsabilité d’autant plus. Les entreprises qui en portent la dynamique en sont conscientes.
Face au désordre mondial, les entreprises sont désormais interpellées pour créer les conditions d’une performance sociétale durable. Les Directions générales en sont venues à se préoccuper des obligations historiques des pouvoirs publics qui, subissant la lourdeur de la dette publique les ont laissé en stand-by : égalité salariale entre les femmes et les hommes, diversité, inclusion des personnes handicapées, les entreprises internalisent des pratiques qui en font des acteurs engagés pour l’intérêt général. Et … ne s’en contentent pas. Pour répondre au besoin crucial de créer de nouvelles activités pour parer aux enjeux sociétaux : chômage massif, vieillissement des populations en Europe, … elles vont plus loin et proposent des initiatives d’acculturation mutuelle entre grandes entreprises et start-ups. Ou encore des plateformes numériques de co-construction, de l’intrapreneurship pour ne laisser de côté aucune possibilité d’évolution en interne.
Ces nouvelles manières de travailler s’appuient sur des valeurs tournées vers la quête de sens pour les actifs, sur la capacité des entreprises à adapter leur organisation. « Entreprise libérée », open innovation, innovation managériale, « holacratie », s’imposent à la réflexion et aux pratiques. L’entreprise devient ainsi un lieu ouvert et le collaborateur un acteur plus autonome. Ce qui ne va pas de soi !
Ainsi, les entreprises ont un rôle majeur à jouer : concevoir l’avenir pour que les jeunes hyper-éduqués ne les boudent pas, pour que les jeunes des quartiers qui rêvent désespérément d’y être embauchés y trouvent leur place.
Une entreprise qui n’aurait pas compris que l’économie et le social sont indissociables - la condition incontournable d’une performance durable -, qui ferait l’impasse sur toutes les évolutions en cours est en danger ! Une « nouvelle frontière » se matérialise : penser, imaginer, créer une nouvelle société avec le numérique comme bien commun.
Voici venu le temps de l’entreprise « providence » comme l’affirme Sociovision.