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Hinckley Point : le CA d'EDF adopte le projet contre l'avis des 6 administrateurs salariés, le gouvernement britannique temporise
Le conseil d’administration d’EDF vient d'adopter la décision d’investissement dans le projet controversé de deux réacteurs nucléaires d'Hinkley Point au Royaume-Uni. Ce vote intervient sans même attendre le résultat de l'action en justice de son comité central d’entreprise (CCE).Ceci témoigne de l'absence de considération de la présidence d'EDF pour le dialogue social, mais aussi du Président de la République qui a donné son feu vert à cette entrave.
Cette décision intervient alors que la filière nucléaire française a d’autres priorités que celle de mobiliser ses ressources financières sur ce seul projet dans un contexte d'incertitudes et de risques renforcé par le Brexit. Elle survient alors que la National Audit Office (équivalent britannique de la Cour des comptes) s’inquiète du coût pour le contribuable anglais du contrat d'achat garanti dont bénéficie Hinkley Point, démontrant ainsi la fragilité de ce contrat, pourtant censé être la pièce maîtresse du projet, de sa rentabilité et de son intérêt pour EDF.
Trois organisations syndicales d'EDF (CGT, CFE-CGC et FO) ont mené une bataille acharnée contre le lancement précipité d’un projet dont nous savons que les conditions de réussite ne sont aujourd’hui pas toutes réunies.
Outre les risques d’un financement en fonds ropres à un niveau jamais atteint dans l’histoire d’EDF (qui plus est hors de France), les incertitudes techniques liées au lancement du projet (avant même que le premier EPR ne soit en fonctionnement) comme le caractère irréaliste des délais de construction nous inquiètent fortement.
Nous savons également que ces deux EPR britanniques, très onéreux et avec des caractéristiques particulières liées à la Grande-Bretagne, ne serviront en rien le renouvellement du parc nucléaire français.
Le gouvernement britannique temporise jusqu'à l'automne.
En réalité, le gouvernement, tout à sa volonté de limiter la part du nucléaire en France, veut mettre en avant ce projet pour couvrir une politique énergétique indigente et faire croire qu’il a une politique industrielle à même de sauver la filière nucléaire. Au contraire, ce choix fait courir un risque à EDF et, au-delà, à la filière nucléaire elle-même. La décision du conseil d'EDF apparaît donc politique, traduisant sa volonté d'accompagner le gouvernement et non de défendre les seuls intérêts d’EDF. Pour nos trois organisations, la priorité d’EDF et de la filière nucléaire devrait être la réussite du grand carénage et la préparation d'un EPR optimisé destiné à assurer le renouvellement du parc français.
L’intersyndicale CGT, CFE-CGC et FO dénonce ce passage en force (inédit dans l’histoire de l’entreprise) alors que l'ensemble des administrateurs salariés ont voté contre un tel investissement. Elle soutient plus que jamais l'action du comité central d'entreprise d'EDF qui a saisi le juge des référés (audience prévue le 2 août) pour que celui-ci suspende la décision d'investissement jusqu'à ce que le juge rende sa décision sur le fond (audience prévue le 22 septembre) car un tel projet ne peut se faire et réussir contre le corps social de l’entreprise.
Sitôt l’annonce faite par EDF de l’adoption du projet Hinkley Point par la majorité de son conseil d'administration, nous apprenons que le gouvernement britannique se donne maintenant le temps de la réflexion jusqu’à l’automne. La précipitation d’EDF, la violation des droits du CCE : tout cela n’aura finalement servi à rien. Malgré nos multiples alertes,
l’obstination dans ce dossier est affligeante. Oui, il était et il est plus que jamais urgent d’attendre !
Plus largement, nos trois organisations demandent plus que jamais au gouvernement la mise en place d'une commission pour faire suite au rapport Roussely sur la filière nucléaire afin de donner un cap réaliste et partagé aux 220 000 salariés d’une filière qui constitue la troisième filière industrielle de France.