
Comment assurer les liens entre la médecine du travail et le CSE ?
Le médecin du travail peut participer à une réunion du CSE dans le cadre de la présentation de son bilan d'activité annuelle et plus ponctuellement pour alerter d'une dégradation des conditions de travail sur la base des visites médicales ou pour prendre la mesure d'un risque soulevé cette fois par les élus, comme par exemple dans le cas d'un danger grave et imminent. Une présence qui peut aussi être utile lors des CSE où des PSE sont à l'ordre du jour. Le direct parrainé le 25 février 2025 par Technologia a permis de mesurer toute la difficulté de l'exercice.
"Alors qu'il se trouve de plus en plus en première ligne pour accompagner des salariés qui expriment des RPS et des addictions lors des visites médicales, le médecin du travail doit être aussi capable de conseiller tant les élus du CSE que la direction en assurant le secret médical et en toute indépendance. A la croisée des chemins, il assure un rôle essentiel de régulation qui sous entend une liberté d'action. Une alerte de sa part constitue un élément qui participe à justifier la mise au vote d'une expertise pour risque grave et la présentation de son rapport d'activité annuelle en CSE est souvent l'occasion d'un riche moment d'échange", explique Jean-Claude Delgenes, le président de Technologia co-auteur avec Christophe Rogier, médecin du travail, d'un ouvrage titré "Drogues et addictions au travail. Comment les prévenir ?" qui met en avant la nécessité de parvenir à intégrer experts, CSE, médecins du travail et directions dans l'équation de la prévention.
"Les médecins du travail sont d'autant moins à l'aise dans leur relation avec les élus et la direction qu'ils n'y sont pas préparés. Cela sous entend de bien comprendre les attentes de chacun et faire preuve d'une capacité d'adaptation. Si je ne peux pas participer à une réunion du CSE, je peux trés bien caler à un autre moment une visio avec les élus qui m'en font la demande", témoigne Christophe Rogier, médecin du travail à l'ACMS, le plus important service de prévention en santé au travail interentreprises (SPSTI).
Les relations entre les élus des CSE et les médecins du travail se révèlent manifestement trop souvent distantes. La priorité est d'assurer le niveau de service attendu par l'offre socle commune à tous les SPSTI. "Il peut y avoir la tentation des directions des services à optimiser l'organisation du temps de travail des médecins mais c'est à ces derniers qu'il appartient de décider s'ils vont participer ou non à une réunion du CSE", note Anne-Michèle Chartier, Déléguée nationale CFE-CGC à la Santé au travail et ex médecin du travail.
Morceaux choisis des contributions du chat du direct du 25 février organisé par Miroir Social en partenariat avec Technologia.
- "J'ai envoyé x messages à la médecine du travail. Pas de réponse à l'exception d'une seule fois : envoi d'un rapport de l'inspection du travail."
- "Médecin du travail est absente lors de nos réunions plénières bien regrettablement. Pas assez de médecins + travail en mode dégradé pour eux aussi. C'est une évidence mais bon..."
- "Les médecins viennent rarement à nos réunions CSSCT. Nous ne recevons pas forcement les rapports d'annuels d'activité car nos établissements ont moins de 300 personnes."
Une distance illustrée par le témoignage de Richard Letourneur, délégué syndical CGT de Socotec qui regrette également l'absence de coordination entre tous les médecins du travail des SPSTI qui couvrent les 134 agences réparties sur tout le territoire. "Seuls 5 % des médecins du travail adressent leur bilan d'activité aux CSE, sous la forme de simples tableurs peu exploitables par ailleurs. Nous parlons de la santé physique et mentale des travailleurs mais aussi des droits élémentaires du suivi médical. Sans cela, quelle traçabilité ? Quel suivi sérieux ?", lance le délégué syndical.
Retrouvez, sur abonnement, l'interview de Richard Letourneur >
"Nous ne voyons jamais les médecins du travail dans les CSE"
"Le chantier de l'interopérabilité des données entre les SPSTI n'avance pas comme il le devrait du fait des réticences patronales", constate Anne-Michèle Chartier.
Il y a 4 ans, la direction a réorganisé la médecine du travail interne de la RATP. On est passé d'une quarantaine de médecins à 32 et 47 infirmiers. "La direction nous avait promis que l'on ferait mieux avec moins or les médecins sont plus que jamais débordés et nous ne les voyons plus en CSE. Ils ne viennent qu'aux réunions de la CSSCT. Cette réorganisation a aligné le fonctionnement de la médecine du travail avec celui de la DRH, pas avec le CSE", témoigne Bastien Berthier, Secrétaire FO Métro RER RATP qui regrette la quasi disparition des actions collectives de prévention. Or le tiers temps, dévolu aux actions collectives sur le terrain fait théoriquement partie du socle commun.
Chez Thales DMS à Bordeaux, le tiers temps théorique des médecins du travail du service interne se réduit à un 15 % de leur temps de travail. "C'est notamment la conséquence d'une forte hausse des visites à la demande, largement liées aux RPS, que les médecins traitent en priorité mais qui leur font prendre du retard sur les visites réglementaires. Les visites à la demande représentent près de 50 % du nombre total des visites", illustre Cyril Giraud, délégué syndical CFE-CGC chez Thales DMS Bordeaux, où un service interne (SPSTA) avec les médecins et les infirmiers rattachés hiérarchiquement à la DRH a remplacé la prestation d'un SPSTI.
Retrouvez sur abonnement le retour d'expérience de la CFE-CGC de Thales DMS à Bordeaux :
Qu'est ce que ça change quand une entreprise passe d'une médecine du travail externe à une médecine du travail interne ?
Un établissement de Thales où une commission RPS est en place avec l'objectif d'assurer le suivi individuel des salariés au bord de la rupture.
A lire, sur abonnement : Des commissions RPS se greffent aux CSE de Thales Défense et Sécurité.
Les témoignages partagées dans le chat illustrent aussi les multiples sources de pressions auxquelles les médecins du travail, et leur équipe, se trouvent exposés.
- "Deux démissions de médecins chez nous : un trop proche des salariés et l'autre a disparu épuisée d'être entre la direction et les élus CSE"
- "Dans mon entreprise, la direction a demandé de remplacer le médecin trop conciliant avec les salariés qui alertait et dénonçait leur souffrance. Le service de santé l'a remplacé pour faire plaisir au DRH France"
Une médecin du travail a démissionné il y a quelques années de Thales DMS Bordeaux. La direction la considérait comme trop proche des élus car elle transmettait à la CSSCT le nombre de burn-out et de pré-burnout...
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