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30 / 03 / 2018 | 8 vues
Didier Cozin / Membre
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Formation : la réforme permanente éternellement ratée

La formation et ses réformes

Depuis quinze ans, notre pays tente de réformer sa formation. Après avoir vainement promu la formation tout au long de la vie (en 2003-2004), la sécurisation des parcours (en 2009), le dialogue social et la sécurisation des emplois (en 2014) le quatrième opus de la réforme va prendre l'intitulé charmant et illusoire de « loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».

Des promesses éducatives jamais tenues et intenables

En 2004, il s'était agi de mettre en œuvre le droit individuel à la formation (DIF) de 20 heures pour tous les salariés. Mais pas de chance : aucun financement dédié n'existait et devant le peu de développement du DIF (6 % au mieux des salariés formés), les pouvoirs publics ont décidé de le rendre portable en 2009 (les heures de formation participant de la sécurisation des parcours).

Comme il n'y avait toujours pas d'argent ni de volonté claire de développer des formations non directement liées au poste de travail, le DIF portable a lui aussi échoué.

En 2014, on a prétendu réformer pour les 40 prochaines années !

En 2014, les pouvoirs publics ont décrété que la formation serait la copie (à peine dégradée) de l'école et qu'il fallait des diplômes aux Français : des formations longues (et sans doute pénibles) via des labels et certifications officiels et un compteur national de formation (le CPF) sécuriserait à la fois les emplois et les salariés tout en permettant de faire monter les chômeurs en compétences.

Le résultat a été encore pire que les précédentes tentatives de réforme puisque les employeurs (sommés de payer pour la formation des chômeurs et de financer le compte de formation à minima) se sont massivement désengagé de la formation (« pour le développement des compétences, voyez avec la Caisse des dépôts »).

En 2018, le big bang sauverait les compétences des travailleurs...

En 2018, les pouvoirs publics prétendent révolutionner la formation (en montant de nouvelles usines à gaz nationales plutôt que paritaires), sans toutefois répondre à trois questions de fond qui taraudent le monde du travail depuis 1971.

Quand et comment apprendre au XXIème siècle ?

Dans un monde qui change de plus en plus vite, toujours plus rapide et sélectif, on ne peut plus se contenter de la formation initiale et de quelques formations obligatoires.

  • Aujourd'hui, les travailleurs français consacrent en moyenne 12 heures par an à se former (mais 6 heures par an, soit 1 minute par jour, pour un ouvrier non qualifié).
  • Dans les TPE et dans de nombreuses grandes entreprises de main d'œuvre  (grande distribution, service aux entreprises, hôtellerie-restauration...), moins d'une journée par an est consacrée à la formation (5 à 7 heures).
  • Dès 1995 (démarrage de l'internet grand public), des économistes (tels Jean Fourastié) expliquaient qu'en 2015 (hier), il faudrait consacrer 10 % de son temps travaillé à apprendre (soit environ 150 heures par an).
  • Le temps libéré par les 35 heures en l'an 2000 devait être dévolu à la formation et aux apprentissages (cela a même été évoqué à l'Assemblée nationale à l'époque) mais il n'en a rien été. On a préféré offrir du temps de loisirs aux salariés français, sans leur expliquer que la formation et les apprentissages leur seraient indispensables pour conserver et développer leur travail, leur employabilité et leur compétences.

Avec quel budget et sur quels financements apprendre ? Apprendre, lire, s'informer ou échanger est gratuit aujourd'hui dans un monde de surabondance informationnelle. Mais apprendre nécessite, pour la plupart d'entre nous, d'être accompagné, encouragé et entraîné.
L'accompagnement (humain) des apprenants a un coût que personne ne veut prendre en compte ni en charge :

  • en pensant que le numérique résoudra ce problème de financement de façon magique et industrielle ;
  • en installant une mutualisation/assurance qui couvre à peine 5 % des besoins ;
  • en refusant de faire participer les travailleurs au financement de leurs propres formations (les dépenses personnelles des travailleurs allemands pour leur formation sont 10 fois plus élevées de l'autre côté du Rhin que chez nous).

Qu'apprendre et faut-il imiter l'école ?

La formation est née en France en 1971 quand l'école publique brillait de ses derniers feux et qu'elle était censée à la fois inspirer et guider la formation (programmes, méthodes et outils pédagogiques). La réforme de 2014 était emblématique de cette croyance naïve que plus d'école permettrait de restaurer les compétences des travailleurs.

  • Cléa, le naufrage d'une formation singeant l'école et le système de diplomation

Sur les compétences de base (qui manquent à 25 % de la population, selon l'OCDE), on a monté un invraisemblable parcours du combattant qui imite l'école et a pris pour nom Cléa et qui aura réussi l'exploit, en trois ans, de permettre à moins de 20 000 personnes de se requalifier (sur un total estimé à 4 millions de bénéficiaires potentiels).

La formation tout au long de la vie est à l'abandon en France.La formation professionnelle continue (qui devrait bien un jour reprendre ce vocable signifiant et universel de « formation tout au long de la vie ») n'est pas l'imitation de l'école.

Pour ne pas vouloir comprendre que l'éducation se fait tout au long de la vie, que l'école donne des bases mais ne peut plus former à des métiers ou des activités largement inconnus, notre pays ne prépare ni son avenir social, ni son développement économique.

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