Organisations
Après la réforme, la formation n'est plus continue (1ère partie)
La différence entre un amateur et un apprenti est parfois ténue. Malheureusement, en matière de réforme de la formation les pouvoirs publics nous ont offert le pire depuis la décision irréfléchie de détruire le droit à la formation (DIF) en 2013 pour le remplacer par un impensé compteur formation.
Oubliant la célèbre devise d’Hippocrate (« surtout ne pas nuire »), ils ont joué à la roulette russe la formation d'un vieux pays qui tentait (progressivement) depuis 2004, de faire entrer le monde du travail dans la société de la connaissance.
Les résultats de la réforme improvisée de la formation de 2014 ne se sont pas fait attendre : en cette mi-2015 la formation est à terre, précipitant les travailleurs dans la déqualification et les entreprises dans l’attentisme et la déresponsabilisation économique et sociale.
Pourquoi et comment ces intentions réformatrices (l'enfer est pavé de bonnes intentions) se sont-elles transformées en cet embrouillamini organisationnel et paritaire nous précipitant dans cette bérézina éducative massive et généralisée ?
1) L'aveuglement idéologique : la formation, selon ces amateurs du travail et du social, aurait été vérolée par des organismes de formation se servant indûment des 32 milliards d'euros que la collectivité mettait à la disposition des travailleurs. Il fallait donc privilégier le secteur public de la formation (et tenter de sauver l’AFPA), supposés seuls garants de la qualité et de l’équité en formation.
Il s’agissait d’une première manipulation (doublée d’une seconde manipulation sur les prétendus 32 milliards d’euros) et un rapport publié par la DARES (daté de janvier 2015, resté dans les tiroirs durant 19 mois) expliquait que les cas de formations DIF sectaires ou farfelues étaient extrêmement minoritaires, ne nécessitant certainement pas de détruire le droit à la formation des salariés (surtout pour en faire cet indigeste et inutile CPF).
2) L’incapacité et l’impuissance organisationnelles de l’État : quand les partenaires sociaux (pas tous, il est vrai) ont lancé l’idée d’un compte personnel de formation pour remplacer le DIF, ils ont peut-être cru (naïvement) que l’État avait les capacités conceptuelles et logistiques de lancer un complexe système d’informations.
Il n’en était rien. La bérézina de ce système d’information étatique était prévisible (on a construit sans même rédiger un cahier des charges) car inscrite dans la longue liste (litanie) des fiascos informationnels menés par l’État depuis 15 ans et qui ont pour nom :
- Louvois (logiciel de paie des armées qui aura coûté 500 millions avant d’être remplacé en catastrophe l’an dernier) ;
- le dossier médical personnalisé (DMP), encore 210 millions de dépensés selon la Cour des Comptes, pour finalement ne concerner que 400 000 assurés sociaux ;
- le développement professionnel continu, censé gérer la formation des professionnels de santé et dont l’IGAS se demandait en 2014 comment il pourra être sauvé tant la situation est devenue impossible à redresser ;
- le RSI : un naufrage selon les déclarations même du Premier Ministre en 2015 ;
- Écomouv qui va coûter aux Français plus d’un milliard d’euros (alors qu’une augmentation de quelques centimes du gasoil était la solution logique que les technocrates se sont bien gardés d’adopter dans un premier temps ;
- ou encore le CICE qui, au lieu de généraliser la baisse des charges des entreprises, a inauguré une nouvelle et illisible usine à gaz.
En fait, il serait plus pertinent de se demander quel chantier de qualité l’État a réussi à mener depuis dix ou quinze années et s’il peut encore se prévaloir de l’intérêt général face à un tel échec couteux et répétés.
L’idée même de la réforme menée par l’État doit sans doute être interrogée.
Mieux vaudrait désormais garder à l’esprit la célèbre maxime d’Hippocrate « primum nil nocere », être utile ou au moins ne pas nuire.