Une nouvelle étude Clisève© (Climat et Santé au Travail), menée par Croissance bleue et Lapa-Research, met en lumière l’impact du changement climatique sur la santé des travailleurs de la vigne. Réalisée en 2024 en deux phases, l’étude révèle les expériences des professionnels face aux défis climatiques et la vulnérabilité accrue des saisonniers. L’étude appelle à une mobilisation collective pour préserver l’attractivité et la pérennité économique de la filière vin.

La parole aux salariés saisonniers  

Cette publication intègre la deuxième phase de l’étude Clisève © conduite pendant l’été 2024. Elle vient compléter une première phase menée auprès des acteurs de la filière viticole au printemps de la même année en s’appuyant sur la réalité vécue par les membres du collectif Vignerons Engagés ©. Parmi les répondants, une majorité de vignerons (46%), de professionnels assurant des fonctions supports mais une absence de participation constatée des salariés saisonniers.  

La phase 2 de l’étude résulte de la volonté de leur donner la parole en ciblant la période des vendanges pendant laquelle ils sont plus spécifiquement mobilisés, en s'adaptant à leurs réalités et en s'appuyant sur une méthodologie de terrain plus immersive.

La CFDT AGRI AGRO a souhaité en être le partenaire. "En France, de l’ordre de 800 000 contrats saisonniers sont utilisés chaque année par nos filières agricoles. L’étude Clisève © mesure l’impact des dérèglements climatiques sur leur santé, pour mieux les anticiper et renforcer la résilience de nos filières », rapporte Franck Tivierge, Secrétaire national prospective et stratégie économique de la CFDT AGRI AGRO.

Au total, 601 travailleurs, dont 129 vignerons et 338 saisonniers, ont été interrogés entre avril et octobre 2024 dans 9 territoires viticoles, par le biais d’un questionnaire en ligne ou directement dans les vignes. Une communauté d’expérience face aux défis climatiques dans les vignes tout au long de l’année 92% des professionnels de la vigne, qu'ils soient vignerons ou saisonniers, reconnaissent l'urgence d'agir face aux risques climatiques et sont préoccupés par les impacts du changement climatique sur l’environnement et la santé au travail. Ces impacts sont perçus au-delà de la période des vendanges, tout au long de l’année agricole, pour 73% des répondants, avec une intensification notable rapportée depuis 5 ans. Il y a consensus sur cette perception par-delà la différence d'âge, de genre, d'expérience, de statut ou de nationalité, ce que les auteurs du rapport nomment « une communauté d’expérience climatique au travail ».  

L’étude Clisève © établit l’ampleur du problème autour de quatre catégories de risques  : physiques, mentaux, infectieux et chimiques. Ces impacts sont massivement physiques pour 80% des vignerons et des salariés saisonniers : la moitié rapporte des symptômes d’épuisement liés à la chaleur, 1/3 des problèmes de peau liés aux coups de soleil, 30% souffrent de déshydratation.  

Des vulnérabilités santé-climatiques spécifiques  

Face à cette communauté d'expérience, l'étude Cliseve © met également en évidence des niveaux d'adaptation avec des priorisations très inégales. Le risque santé-climatique n'épargne pas les vignerons. “Mais ces derniers, mieux formés et décisionnaires, ajustent plus facilement leurs pratiques, tandis que les saisonniers restent exposés à des conditions difficiles dont la dépendance économique est facteur de consentement” explique Jean-François Véran, co-auteur de l’étude et président de Lapa-Research. Ainsi, un quart des saisonniers ont décrit des risques et des symptômes chimiques et infectieux, avec une polyexposition aux risques, c’est-à-dire le fait d’être soumis à plus d’un type de risque. 25% des salariés saisonniers ont vu des collègues s’évanouir (vs 5% chez les vignerons), 50% souffrent de maux de tête (vs 30%), 26% de vertiges (vs 13%), 12% de nausées et vomissements (vs 3%).

Passer de la communauté d’expérience à la communauté d’action dans l’intérêt économique et stratégique de la filière  

Il existe un consensus clair : les dérèglements climatiques menacent la santé des vignes et des travailleurs. Pourtant, les mesures de prévention et d’adaptation restent insuffisantes, tout comme les standards sociaux et les mécanismes de régulation collective : deux tiers des répondants n’ont jamais discuté du sujet ni été informés d’un plan d’action. En parallèle, deux tiers souhaitent fixer un seuil de température au-delà duquel travailler serait interdit. Enfin, 41 % des saisonniers signalent un accès insuffisant à l’eau potable en période de forte chaleur.  Cela illustre le manque de prise de conscience et de priorisation. Pour prévenir ces risques, une observation accrue et des régulations collectives sont indispensables : dire de porter un chapeau et de boire de l’eau ne suffit pas. Il y a urgence, car si la faible prise en compte des enjeux humains aggrave les risques santé-climatiques, elle fragilise en même temps la pérennité de la filière. En effet, dans un contexte de forte chaleur 85 % des saisonniers pourraient quitter leur poste et 43 % des vignerons pourraient abandonner la filière d’ici cinq ans.


Les auteurs du rapport soulignent que ce socle de compréhension commun pourrait servir de base à des solutions intégrées renforçant la résilience de la filière et de ses travailleurs. Comment ? Parmi les propositions, celles d’intégrer aux politiques de Santé-Sécurité au travail existantes (STT) un volet dédié de prévention des risques santé-climatiques, de doter la filière viticole de standards sociaux et d’intégrer aux cahiers des charges des signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO).  Les partenaires souhaitent réfléchir à ces propositions avec l’ensemble des acteurs et des parties prenantes de la filière en privilégiant les dynamiques territoriales (entreprises, prestataires, groupement d’employeurs, syndicats, MSA...).  


L’objectif est clair : transformer la communauté d’expérience climatique en communauté d'engagements et d’actions, dans l’intérêt de la filière viticole et, par extension, de l’ensemble des filières agricoles. A cette fin, un baromètre national de la santé-climatique au travail dans le monde agricole est en cours d’élaboration. “Il permettra de mieux objectiver, suivre et anticiper les impacts du changement climatique sur la santé au travail dans le monde agricole, tout en intégrant les spécificités métiers et territoriales” précise Caroline Véran, co-autrice et présidente de l’agence RSE Croissance bleue.    
 

• Synthèse de l’étude Clisève © (Climat et Santé au Travail dans la filière vin - 2024)  (à télécharger sur le site de Croissance bleue)

A propos  Clisève © : Observatoire qui propose aux organisations des solutions pour comprendre et prévenir les risques santé-climatiques au travail. Ces solutions sont adaptées aux spécificités des entreprises, des filières et des grands projets de territoire. Clisève © conduit des projets d’intérêt général, avec une publication ouverte des données et analyses, ainsi que des projets sur mesure pour les entreprises, dans le cadre de démarches qualité ou de pilotage des trajectoires sociales (CSRD, impact, etc.).


Croissance bleue © : Agence d’accompagnement RSE, créée en 2018. Les services aux entreprises se déclinent en trois pôles (conseil stratégique, mise en œuvre et valorisation) et une raison d’être : « Servir et accélérer la transformation durable des entreprises, des filières et des territoires ».  Lapa-Research : Laboratoire d'anthropologie appliquée, qui développe depuis 15 ans des méthodologies innovantes de collectes de données. Le laboratoire indépendant conduit des enquêtes de terrain en France et partout dans le monde. Il est partenaire depuis 2010 avec des organisations internationales comme Médecins Sans Frontières.  


CFDT AGRI AGRO : Organisation syndicale représentant les salariés des secteurs agricoles, agroalimentaires et connexes, engagée pour défendre les droits des salariés et améliorer leurs conditions de travail


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