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09 / 01 / 2025 | 41 vues
Alain ANDRE / Membre
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Rapport au travail: Choc des générations ou évolution sociétale ?

En 2024, la relation des salariés au travail connaît des bouleversements majeurs. Sous l’effet des crises successives, de la transformation numérique et des nouvelles attentes générationnelles, les entreprises sont confrontées à des défis inédits.
 

À la croisée de ces évolutions se trouvent le télétravail, l’Intelligence Artificielle (IA) et des approches radicalement différentes du travail selon les générations.

Entre avancées et régressions, ce panorama révèle une complexité grandissante qui impacte l’ensemble du monde professionnel.

 

Télétravail : un modèle en pleine mutation

 

Le télétravail, devenu une norme pour nombre de salariés depuis la crise sanitaire de 2020, continue d’être un sujet central en 2024. Si beaucoup le perçoivent comme une avancée en matière de flexibilité et de qualité de vie, il n’en demeure pas moins qu’il appelle à la vigilance des syndicats, notamment sur les questions de droits des travailleurs et d’équilibre entre vie personnelle et professionnelle. La normalisation du télétravail est un sujet ambivalent.

 

D’un côté, il est plébiscité pour son rôle dans l’amélioration du bien-être des employés, réduisant les trajets et offrant plus d’autonomie. Mais de l’autre, il soulève des questions cruciales : la déconnexion réelle est-elle possible lorsque la frontière entre le bureau et la maison disparaît ?

 

Notre fédération  met en garde contre une forme d’exploitation insidieuse, où le salarié, coupé du collectif de travail, se trouve isolé face à des horaires flexibles à outrance et une charge de travail pouvant être mal définie volontairement ou pas. La question de l’accès à cette nouvelle organisation du travail est également à prendre en compte.

 

Pour certains métiers manuels ou nécessitant une présence sur le terrain, comme le cas pour de nombreux métiers dans le secteur de l’énergie, le télétravail est tout simplement incompatible avec l’activité. Cela peut générer un sentiment d’injustice au sein même des entreprises, entre ceux qui peuvent profiter de cette solution et ceux qui ne le peuvent pas. Notre organisation syndicale milite ainsi pour une réflexion globale sur les conditions de travail pour tous, télétravail ou non.

 

L’impact de l’Intelligence Artificielle : automatisation et crainte de la déshumanisation

 

L’Intelligence Artificielle (IA) est un autre sujet brûlant, qui promet de redéfinir de nombreux métiers. Si les opportunités sont nombreuses – optimisation des processus, gestion plus fine des ressources, et innovation technologique, les risques le sont tout autant. Il existe des risques de « retour en arrière » en matière de conditions de travail avec l’avènement de l’IA.
 

En effet, l’automatisation grandissante des tâches, autrefois réalisées par des salariés, pourrait entraîner une perte de contrôle des travailleurs sur leurs missions, voire une déshumanisation des processus. Les métiers à faible qualification ou répétitifs sont particulièrement concernés et pose un fort risque quant à leur pérennité.

 

Face à cette menace, il est nécessaire de mettre en place une régulation de l’utilisation de l’IA en entreprise. L’enjeu est de garantir une transition juste, où les salariés ne sont pas laissés pour compte face à une technologie qui évolue à une vitesse fulgurante. La formation et la montée en compétences des employés doivent être une priorité pour que l’IA ne devienne pas synonyme de perte d’emploi, mais d’opportunités nouvelles.

 

L’intégration de l’Intelligence Artificielle (IA) dans les entreprises suscite également des inquiétudes croissantes sur le respect de la vie privée des salariés. Derrière les promesses d’efficacité et d’automatisation se cache un revers moins reluisant : la collecte massive de données personnelles. De nombreux outils basés sur l’IA, comme les logiciels de suivi des performances ou les systèmes de surveillance numérique, peuvent transformer chaque clic, chaque mail ou chaque mouvement en métrique analysée.

 

L’éventualité de cette dérive n’est pas anodine : elle risque d’instaurer une culture de méfiance et de contrôle permanent, nuisant à la qualité de vie au travail et engendrant une perte de confiance.

 

Sur cet aspect, il est nécessaire d’encadrer strictement l’usage de ces technologies, en exigeant la transparence des dispositifs et en renforçant les garanties offertes par le RGPD.

 

L’IA doit être un outil au service des travailleurs, et non un levier pour les surveiller au détriment de leur liberté et de leur dignité.

 

Le regard des différentes générations : rupture ou continuité ?

 

Les mutations que connaît le monde du travail sont d’une ampleur inédite et entraînent une incertitude, une difficulté à se projeter et des inquiétudes pour nombre d’entre nous. Le travail n’a plus la même centralité d’autrefois qu’il s’agisse du temps que nous lui consacrons ou de la place symbolique que nous lui octroyons.


En 1990, le travail était considéré comme deux fois plus important que les loisirs, en 2021, c’est rigoureusement l’inverse (chiffres IFOP – Fondation Jean Jaurès, novembre 2022). Cela est d’autant plus vrai concernant les jeunes générations, comme les milléniaux et la génération Z.


Elles redéfinissent leur rapport au travail, qui n’est plus envisagé comme une finalité en soi. Pour eux, le travail est avant tout un moyen d’accéder à autre chose : voyager, s’investir dans des passions, ou acquérir des biens qui leur permettent de construire un mode de vie à leur image.


Cette vision s’éloigne de celle des générations précédentes, pour qui la carrière professionnelle représentait une source d’accomplissement durable et de reconnaissance sociale.

 

Ces jeunes salariés aspirent à un équilibre de vie harmonieux où leur emploi n’empiète pas sur leur temps personnel. Ils privilégient des environnements de travail flexibles, intégrant naturellement le télétravail, la mobilité et les nouvelles technologies. Le sens des missions qui leur sont confiées et la capacité de l’entreprise à répondre à leurs valeurs, notamment sur des enjeux comme l’écologie ou la responsabilité sociale, sont des critères déterminants .


Le « travail à vie » ou la fidélité à une entreprise ne font plus partie de leurs ambitions. Ces jeunes générations n’hésitent pas à refuser des conditions qu’ils jugent trop contraignantes ou à quitter une entreprise qui ne répond pas à leurs attentes, même si cela implique des choix de vie radicaux. À l’opposé, les générations plus anciennes, comme les « baby-boomers », conservent un rapport au travail ancré dans une logique de stabilité et de sécurité. Pour elles, le bureau est un lieu central, garant de l’interaction sociale et de la cohésion.

 

La transformation numérique et l’émergence du télétravail, bien qu’appréciées par certains, suscitent aussi des inquiétudes, notamment en ce qui concerne la perte de liens collectifs et la dilution de l’esprit d’équipe.

 

De plus, l’exigence d’une formation continue pour s’adapter à l’évolution technologique est une source de pression pour ceux qui n’ont pas grandi avec ces outils.

 

Ces différences générationnelles nécessitent une approche équilibrée et inclusive, qui prenne en compte ces attentes plurielles tout en protégeant les droits fondamentaux des travailleurs. Il est impératif de répondre aux aspirations des jeunes générations à travers des mesures telles que la flexibilité des horaires, le droit à la déconnexion et la prise en compte de leurs valeurs dans la gestion des entreprises.

 

Parallèlement, nous devons garantir un accompagnement solide pour les générations plus anciennes, notamment en facilitant leur accès à la formation et en valorisant l’importance du collectif de travail.

 

L’enjeu est de taille : construire un avenir du travail qui réponde aux attentes diversifiées, en améliorant les acquis sociaux historiques par la création de droits nouveaux répondant aux évolutions sociétales et aux attentes de toutes les générations de salariés.


Le travail doit rester un levier d’émancipation et de progrès social, mais ne peut se réduire à une seule vision générationnelle. Il s’agit de construire des ponts entre ces aspirations qui, à bien y regarder, sont parfaitement complémentaires.

 

Le défi de l’avenir du travail

 

Alors que le rapport au travail continue d’évoluer en 2024, il est évident que les défis sont nombreux. Télétravail, l’intégration de l’intelligence artificielle, et les différences générationnelles marquées… Il est crucial que ces transformations se fassent de manière équitable et en préservant les droits des travailleurs.

 

Les syndicats sont ici confrontés à un défi majeur : représenter des générations aux attentes variées et nouvelles face aux transformations du monde du travail. Pour notre fédération , il faut améliorer les droits existants, et créer des droits nouveaux pour répondre à ces attentes multiples : protéger l’individu et le collectif tout en permettant une flexibilité adaptée.

 

Le travail doit rester un lieu d’épanouissement personnel et collectif, où chacun, quel que soit son âge ou son secteur d’activité, puisse trouver sa place et s’adapter aux nouveaux enjeux tout en bénéficiant de droits répondant aux évolutions des attentes des salariés. Si le futur du travail est encore incertain, une chose est sûre : il doit être construit avec et pour les salariés.

 

 

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