Organisations
Mise en place des CSE : bilan et enseignements
Depuis le 1er janvier 2020, toutes les entreprises sont censées avoir remplacé leurs instances de représentants du personnel, comités d'entreprise (CE), comités d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail (CHSCT) et délégués du personnel (DP) par une nouvelle instance, le comité social et économique (CSE). Sur le terrain, 15 à 20 % de CSE resteraient toutefois encore à créer.
Deux ans après les ordonnances Macron, la deuxième enquête Syndex-IFOP menée auprès de 812 représentants des salariés tire un premier bilan du dialogue social, que 55 % d’entre eux jugent comme détérioré depuis le CSE.
> Plus de la moitié des élus interrogés a vécu leur passage en CSE il y a six mois au moins.
Ainsi, 42 % des représentants des salariés interrogés expérimentent la nouvelle instance depuis plus de six mois. Sur l’ensemble de l’échantillon, ils sont 69 % à penser que la nouvelle instance a ou va modifier leur situation en tant que représentants du personnel : 57 % subissent une réduction de leurs heures de délégation et 52 % prévoient un investissement personnel accru.
- « Ce qui m’inquiète à terme, c’est la résistance des élus à la charge de travail. À long terme, c’est quand même lourd, ce mandat… On nous demande de tout faire ! J’ai peur d’un syndrome de « burn-out » d’élus. Une crise des vocations ? Je ne sais pas trop, on pourra le dire en 2021… » - Femme, élue depuis 1999, 3 000 salariés, agroalimentaire, accord CSE depuis plus de huit mois.
> Le dialogue social est jugé insatisfaisant alors que la situation économique de l'entreprise est perçue comme bonne.
Interrogés sur la qualité du dialogue social au sein de leur entreprise, les représentants des salariés (IRP) le jugent insatisfaisant dans 51 % des cas. Ils sont 14 % à le trouver de bonne qualité. La taille de l’entreprise n’influe pas sur la qualité du climat social. La santé économique actuelle de l’entreprise est perçue comme bonne pour 75 % de l’échantillon.
> Malgré une bonne préparation aux négociations, une large part de l'échantillon craint une baisse de sa capacité d'action.
Si 67 % des IRP interrogées estiment avoir été bien préparées pour négocier le passage en CSE, accompagnées par des organisations syndicales (81 %), des cabinets d’avocats (74 %) et des cabinets d’expertise (59 %), ils craignent pour 39 % un affaiblissement de leur poids face à la direction. Par ailleurs, 36 % redoutent une diminution de leurs moyens et 39 % une moins bonne prise en compte des enjeux de la santé au travail.
- « Nos heures de délégation ? On en a perdu la moitié à peu près pour tous les mandats. On limite la casse en travaillant à la maison parce qu’il n’y a plus assez d’heures, pour avoir du concret et du constructif ; on rédige des tracts. On garde les heures pour se rencontrer. Sans travailler à la maison c’est impossible avec les heures qu’on a. » - Homme, élu depuis 2012, 218 salariés, métallurgie, accord CSE depuis plus de huit mois.
> Au sein de la nouvelle instance, conditions de travail et santé arrivent en tête des sujets prioritaires.
Dans un contexte de disparition de l’instance CHSCT, l’intégration des sujets de santé et de conditions de travail interroge les élus sur la capacité du CSE à traiter à la fois les sujets économiques et les sujets de SSCT de « santé et sécurité au travail ». Ainsi, 63 % d’entre eux citent les conditions de travail et 62 % les risques psychosociaux comme sujets prioritaires. Les choix stratégiques de l’entreprise sont cités par 47 % de l’échantillon et les enjeux économiques et financiers par 40 %.
- « Il faut bien faire comprendre à la direction que, même si l’instance a disparu, les sujets restent. On surveille le temps en réunion pour que tous les points de santé et de sécurité soient bien abordés ; ça commence à être calé. » - Homme, élu depuis 2007, 80 salariés, accord CSE depuis plus de huit mois.
Ainsi, 68 % des élus interrogés expriment un besoin de formation sur les sujets de santé, de sécurité et de conditions de travail, 58 % sur la maîtrise du fonctionnement du CSE et 45 % sur l’économique. Le départ des anciens élus de CHSCT qui ne se sont pas représentés accentue les efforts que doivent déployer sur ces sujets les nouveaux élus inexpérimentés.
> Notre enquête montre les gagnants et les perdants de cette réforme.
Les directions sont perçues comme les gagnantes de cette réforme pour 78 % des élus interrogés. Ainsi, 57 % d’entre eux estiment que les salariés de leur entreprise sont les perdants du passage en CSE et 44 % que ce sont les organisations syndicales. Une inquiétude face au passage en CSE qui prime parmi les représentants du personnel (65 % de l’échantillon) mais ils sont une grande majorité à être déterminés : 58 % et 48 % à être motivés. La direction est perçue comme opportuniste à 67 % et à 52 % comme peu ouverte au dialogue.
- « Le dialogue social est compliqué parce que l’on n’a pas forcément d'interlocuteurs qui négocient, on est dans le chantage et le rapport de force. » - Femme, élue depuis 1999, 3 000 salariés, agroalimentaire, accord CSE depuis plus de huit mois.
> Les élus considèrent l'avenir du dialogue social dans leur entreprise avec pessimisme, quoique de manière plus mesurée qu'en 2018.
Ainsi, 55 % des élus interrogés anticipent une détérioration du dialogue social dans leur entreprise suite au passage en CSE. Ils étaient 60 % à le penser en 2018.
Pour Olivier Laviolette, membre du comité de direction de Syndex, « les résultats de cette deuxième enquête sur la mise en place des CSE confirment la diminution des moyens alloués dans un contexte de plus forte exigence de la fonction de représentants des salariés et une certaine détérioration du dialogue social ».
Pour Catherine Jordery-Allemand, également membre du comité de direction du cabinet, « pour autant, le sondage montre qu'au fur et à mesure que les élus entrent dans la vie quotidienne des CSE, ils réinventent des pratiques pour rendre l'exercice praticable. Cela mériterait probablement des mises en commun ».
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