L’Ordre des médecins au service des employeurs ?
Le Dr Christophe Prudhomme, urgentiste au Samu 93, m'a livré ses réflexions et ses questionnements sur l'ordre des médecins....
Pour lui, ces dernières années un certain nombre de médecins ont été sanctionnés par les juridictions disciplinaires de l’Ordre des médecins pour ce qu’il a considéré comme des « certificats de complaisance ».
Un exemple récent concerne une prolongation d’arrêt de travail sur lequel les éléments médicaux contenaient le terme « burn out ». L’Ordre a motivé sa décision en stipulant que le médecin n’avait pas pris contact avec le service de médecine du travail du patient pour objectiver le lien avec les conditions de travail, ce qui ne l’autorisait pas à établir cette prolongation d’arrêt de travail et il a été sanctionné d’un « avertissement ». Le médecin a contesté cette décision prise en 2020 et a heureusement obtenu son annulation par le Conseil d’Etat en 2024. Ce dernier a considéré que : « … la seule circonstance que Mme C [le médecin] ait fait état de ce qu’elle avait constaté l’existence d’un syndrome d’épuisement professionnel sans disposer de l’analyse des conditions de travail du salarié émanant notamment du médecin du travail ne saurait caractériser l’établissement d’un certificat tendancieux ou de complaisance… »
Cette affaire interroge sur le rôle de l’Ordre des médecins. Les plaintes sont à l’initiative des employeurs qui utilisent cette particularité de la profession avec un Ordre qui possède ses propres chambres disciplinaires en parallèle du système judiciaire dont relève tout citoyen. Ces procédures visent à remettre en cause l’indépendance professionnelle des médecins. Elles touchent aussi les médecins du travail en ce qui concerne les avis d’inaptitude qu’ils prononcent.
Cette situation pose deux questions. Si le système actuel permet de porter plainte contre un médecin au niveau de l’Ordre, comment se fait-il que les médecins soient très souvent condamnés par cette instance qui est censée les protéger lors de leur exercice ? Il est possible d’évoquer une collusion entre le patronat et l’Ordre qui ne peut qu’interroger sur les motivations de sa création et sur les missions qui lui ont été confiées.
En effet, si la représentation d’une profession par un syndicat est légitime, quel est l’intérêt pour l’Etat de mettre en place ce type de structure ?
On peut penser qu’il s’agit de pouvoir disposer d’un relais permettant d’exercer un contrôle politique, tout en se défaussant de ses responsabilités dans le contrôle de la relation de la profession avec les patients. Ce d’autant qu’un très grand nombre de médecins exerçant des responsabilités au sein de leur profession sont souvent aussi des élus politiques, ce qui se traduit par une défense corporatiste de la profession en toutes circonstances et quelles que soient les attaques.
Plusieurs affaires concernant cette institution ont défrayé la chronique au fil des années. La plus récente est son incurie coupable dans l’affaire Le Scouarnec.
Aujourd’hui, encore plus qu’hier, il faut s’interroger sur la légitimité de conserver ce système de représentation dont la suppression a été inclus dans plusieurs programmes politiques sans jamais être mise en œuvre.
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