Le patronat du travail temporaire souhaite revenir sur sa « contribution » légale à la formation supérieure aux autres branches
La branche du travail temporaire applique une « contribution » légale à la formation supérieure aux autres branches professionnelles. Il s’agit d’un fruit de l’histoire dont le patronat entend se saisir pour son seul profit, avec la complicité de l’exécutif. Son lobbying semble sur le point d’aboutir, en défaveur des intérimaires.
Origine et évolution de la surcotisation dans le travail temporaire
À l’origine (il y a plus de vingt ans), une contribution supérieure au droit commun avait été négociée en contrepartie d’une baisse de l’indemnité de fin de mission des intérimaires. Le législateur avait traduit cet accord unanime dans le Code du travail. Depuis plusieurs années, le patronat du travail temporaire souhaite revenir sur cet équilibre, sans contrepartie.
Afin de convaincre le Ministère du Travail de revenir sur cette règle légale, le patronat souligne les réformes intervenues en matière de formation professionnelle, notamment la dénaturation de la contribution en taxe. Dans le nouvel environnement de la formation, ce qui était une surcotisation permettant de solvabiliser une politique de branche devient une charge supplémentaire du travail temporaire, sans garantie de retour dans la branche.
Ce pourquoi le patronat réclame une dénaturation de cette surcotisation ? D’une nature légale, elle revêtirait une nature conventionnelle, à la main des interlocuteurs sociaux.
De l’investissement dans les parcours professionnels à la seule mise à l’emploi
Confrontés à cette évolution de l’environnement de la formation professionnelle, notre organisation syndicale a, dès 2019, proposé de paritairement reconfigurer la politique de branche, en préservant les ambitions passées et en adaptant les outils à la disposition des acteurs paritaires.
Il convient ainsi de rappeler que cet investissement supplémentaire était dédié aux formations certifiantes et qualifiantes permettant l’accompagnement des intérimaires vers une amélioration de leur niveau de qualification, de leurs missions d’intérim et de leurs parcours professionnel. La branche s’était dotée d’un arsenal d’outils permettant de garantir l’atteinte des objectifs fixés, intérimaire par intérimaire.
L’accord de 2019 relatif à la formation professionnelle dans la branche du travail temporaire est revenu sur ces objectifs. Par ailleurs, en attribuant une nature conventionnelle à cette contribution, le patronat entend récupérer ces fonds pour la seule mise à l’emploi.
C’est d’ailleurs précisément les ambitions fixées par un accord conclu durant l’été 2020, lequel insiste sur la population d’ouvriers non qualifiés de l’intérim, qu’il convient de mettre à l’emploi. Par contraste, il faut souligner la tendance à des emplois plus qualifiés et à la nécessité de permettre à ces travailleurs de rejoindre la population (majoritaire dans la branche) d’emplois d’ouvriers qualifiés. Nous avions obtenu que cet accord (qui contenait encore cette demande de dénaturation de la contribution à la formation) demeure lettre morte.
Depuis trois années à présent, notre syndicat réitère sa demande et ses propositions en faveur d’une politique de branche et d’une gestion paritaire en faveur des parcours professionnels.
Manœuvres en cours
Depuis trois années, le patronat tente de passer l’obstacle du législateur afin de pouvoir dénaturer la nature légale de cette surcotisation.
L’organisation patronale n’en est pas à son coup d’essai. Ayant pris la négociation sur le portage salarial en main en 2008, notre organisation a obtenu une décision d’inconstitutionnalité en 2014 : la branche ne pouvait se saisir d’un sujet qui ressortait de la compétence du législateur. Une analyse semblable avait été remise par le Conseil d’État fin 2018 s’agissant du CDI des intérimaires. Il avait fallu que, par un cavalier législatif glissé dans la loi du 5 septembre 2018, dite pour « la liberté de choisir son avenir professionnel », le législateur anticipe la décision du Conseil d’État.
Selon des informations délivrées au cours d’une réunion paritaire, la Ministre du Travail aurait donné son accord afin que la dénaturation de la contribution à la formation de l’intérim puisse aboutir à l’occasion de la loi de finances pour 2022. Elle aurait invité les interlocuteurs de la branche à conclure un nouvel accord en ce sens, que le législateur entérinerait. Notre syndicat a vainement demandé à disposer de cette habilitation à négocier sur une règle prévue par le Code du travail. Elle attend par ailleurs toujours d’être reçue par la Ministre du Travail sur ce sujet, depuis sa lettre adressée en mai 2019.
Nous entendons bien réitérer nos revendications en matière d’une politique de branche orientée vers une amélioration des parcours professionnels des intérimaires. Si des blocages existent pour parvenir à cet objectif (discrimination des intérimaires sur le dispositif « ProA », difficultés liées à la nature d’une contribution, notre organisation syndicale portera les solutions permettant de les surmonter. Elle ne donnera en aucun cas mandat pour que le patronat et l’exécutif garantissent les éléments d’une gestion paritaire.
- Organisation du travail
- Protection sociale parrainé par MNH