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10 / 11 / 2025 | 10 vues
Corinne Lefaucheux / Abonné
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Le monde économique ne peut rester sourd à la demande de justice sociale 

Dans un contexte de déficit public et de fractures sociales, la question de la répartition de l’effort budgétaire ravive un débat essentiel : celui de la justice économique. Face à des aides publiques massives, souvent concentrées sur les grandes entreprises, et à des superprofits qui alimentent la défiance, Fatima Bellaredj, déléguée générale de la Confédération générale des Scop et des Scic, et Jacques Landriot , président de la Confédération générale des Scop et des Scic ,appellent à une révision en profondeur du modèle actuel dans une tribune déjà publiée par La Tribune.

 

Le débat sur la répartition de l’effort budgétaire voit ressurgir des interrogations restées en suspens ces dernières années : les superprofits réalisés par de grandes entreprises durant la crise sanitaire, ou plus récemment, le volume des aides publiques versées aux grandes entreprises sans contrepartie, estimé entre 110 et 270 milliards d’euros par an. Sur fond de déficit des finances publiques, deux visions diamétralement opposées s’affrontent : d’un côté, l’unanimisme d’un monde économique partisan du statu quo et opposé à toute nouvelle mise à contribution, rejetant la faute sur la dépense publique ; de l’autre, une interrogation croissante sur les efforts consentis aux entreprises ces dernières années. 

 

Ces positions ne sont ni symétriques ni équivalentes : la population française, toutes sensibilités politiques confondues, demeure historiquement attachée au principe de justice sociale. Alors que l’effort budgétaire doit, à la fois, contribuer à résorber le déficit, et redonner à l’État les marges de manœuvre nécessaires pour engager les grandes transitions, notamment écologique, sa répartition équitable relève d’une exigence légitime.

 

Le monde économique ne peut plus refuser obstinément d’entendre cette aspiration profonde. Cette exigence de justice sociale s’exprime dans un contexte de crise du travail que les acteurs économiques prennent encore insuffisamment en compte. On ne compte plus les débats sur le coût du travail, au détriment de ceux sur la qualité de l’emploi, l’organisation de l’entreprise et le sens au travail. Une telle surdité, face à la crise du travail comme au sentiment d’injustice sociale, ne peut qu’aggraver la fatigue démocratique.

 

Pour ne prendre que cet exemple, les travaux sur les aides publiques aux entreprises forcent pourtant l’évidence. Les travaux parlementaires soulignent une captation excessive par les grandes entreprises, tandis que les PME et TPE, faute d’ingénierie suffisante, en sont largement exclues. Ces aides créent ainsi une injustice à l’intérieur même de l’économie. L’effet d’accoutumance qu’elles génèrent chez les bénéficiaires, notamment à travers les exonérations de cotisations sociales – qui représentent près de 80 milliards d’euros par an – ne fait que renforcer leur position de repli vis-à-vis de toute nouvelle mise à contribution.

 

Distribuées sans évaluation, ni pilotage, l’attribution des aides publiques échappe largement au contrôle citoyen. Cette situation interroge d’autant plus que le montant des aides publiques – peu importe le chiffrage retenu – est comparable aux budgets annuels des grands services publics et des actions d’intérêt général. Comment ne pas donner raison à tous ceux qui questionnent leur opacité et leur légitimité démocratique, a fortiori quand ces aides sont parfois utilisées pour licencier, délocaliser la production ou verser des dividendes ? 

 

Faire peser l’effort budgétaire exclusivement sur l’État et les services publics, au prétexte de ne pas réexaminer ces aides, traduit une vision réductrice de l’économie et ne peut qu’avoir des effets néfastes. Cette approche ignore d’autres leviers essentiels de la performance des entreprises : l’accès aux soins, à l’éducation, à la formation ou à des services publics de qualité. La performance repose aussi sur la confiance des citoyens, leur motivation et leur épanouissement. 

 

Notre pays bénéficie à cet égard d’un atout précieux : les entreprises inspirent encore une confiance et une adhésion que les institutions ou la sphère politique peinent à susciter. Cette confiance implique en retour une responsabilité accrue, invitant à dépasser les dogmes et les tabous : le premier effort à consentir est celui de l’écoute. Car la justice sociale et l’égalité ne sont pas des revendications conjoncturelles, elles sont au fondement de notre contrat social.

 

On aurait tort de penser que ces constats n’appartiennent qu’à un seul camp politique. L’exigence d’une contribution équitable n’est ni l’apanage de la gauche ni celui de la droite. Le Mouvement coopératif, dans toute sa diversité, qui défend la participation au sein de l’entreprise et le partage de la valeur, tient à rappeler une évidence : l’aggravation de la crise démocratique ne sera jamais une bonne nouvelle pour nos entreprises.

 

 

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