L'avenir de l'automobile en question
La transition vers les véhicules électriques est une menace pour l’emploi mais aussi une opportunité si des réformes d’ampleur sont mises en œuvre.
- Valentin Rodriguez, secrétaire fédéral en charge de l'automobile répond aux questions que nous sommes nombreux à nous poser....
La filière automobile a-t-elle encore un avenir en France ?
Cette filière représente aujourd’hui 800 000 salariés en France hors intérimaires. Non seulement elle a un avenir mais elle peut même devenir pourvoyeuse d’emplois. Une condition s’impose cependant : nous devons au plus vite inverser la tendance des dernières années qui consistait à mettre en concurrence les sites européens de fabrication. Un tel processus a abouti à des délocalisations qui nous ont fait perdre 100 000 emplois. L’industrie automobile française a longtemps fait preuve d’une forte capacité d’innovation, en créant des véhicules populaires et accessibles fabriqués en France. Ce fut le cas avec des modèles emblématiques comme la R5 ou la 205. Désormais, seul un constructeur étranger produit des voitures de cette gamme. Pourquoi nos champions nationaux ne le font-ils plus ? La transition énergétique nous offre une formidable opportunité de réindustrialiser notre pays, l’automobile doit évidemment être en tête de pont de ce mouvement. Les gigafactories de batteries qui s’ouvrent dans le Nord représentent un pas important mais nous devons aller bien plus loin.
Quelle est votre légitimité pour faire des propositions sur l’avenir de l’industrie ?
En tant qu’organisation syndicale, nous sommes légitimes pour représenter les salariés, et donc d’intervenir pour défendre l’avenir de leurs emplois. Durant près de trente ans, notre fédération a été presque seule à tirer la sonnette d’alarme sur les dangers de la désindustrialisation de notre pays. Nous avons publié des livres blancs, transmis nos analyses aux gouvernements successifs et alerté l’ensemble des candidats de chaque élection présidentielle sur ce sujet. Le regard des pouvoirs publics sur l’industrie a enfin changé ces dernières années mais nous aurions gagné du temps si nous avions été entendus plus tôt. Nous ne laisserons pas la même erreur se reproduire pour l’automobile car si nous ne réagissons pas très vite les conséquences risquent de devenir irréversibles. C’est pour cette raison que nous publions ces 14 propositions qui permettraient de sauver la filière française.
En quoi votre point de vue diffère-t-il de celui des experts ?
Les experts sont d’excellents analystes de la situation économique et éclairent les débats. De notre côté, notre rôle consiste à confronter leurs avis à la réalité du terrain en gardant à l’esprit que notre priorité est de défendre les salariés, donc de conserver les emplois en France.
Êtes-vous suffisamment entendus par les pouvoirs publics et les entreprises ?
FO est écoutée par les directions des principales entreprises du secteur car nous obtenons des scores importants aux élections professionnelles. Nous le sommes également au sein de la branche de la métallurgie, qui représente un modèle en matière de dialogue social. C’est en revanche plus compliqué avec les responsables politiques. Les ministres reçoivent davantage les dirigeants d’entreprises que les représentants syndicaux. Obtenir un simple rendez-vous avec un conseiller ministériel est parfois un parcours du combattant…Or, il est fondamental que les représentants de la démocratie sociale que nous sommes bénéficient d’une attention similaire à celle des chefs d’entreprises de la part des pouvoirs publics.