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France Télévisions : grand oral pour la présidente Delphine Ernotte Cunci devant l'Assemblée nationale
La Présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, a été auditionnée le 28 octobre pendant plus de trois heures par l’Assemblée nationale. Si elle s’est montrée plutôt convaincante sur le projet de chaîne info ou sur l’attention particulière qu’elle porte au personnel, dont les membres « ont été les premiers à subir les différents plans d’économies », elle s’est en revanche montrée beaucoup plus floue sur la portée organisationnelle de la réforme territoriale dans les rédactions et sur les questions liées à la discipline.
Le député socialiste Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, a rappelé en liminaire des débats que l’Assemblée nationale, constatant les difficultés financières de France Télévisions, vient de voter un amendement permettant à l’entreprise d’obtenir 25 millions d’euros supplémentaires pour 2016. « L’estimation du déficit se situait pour l’année prochaine autour de 50 millions d’euros, France Télévisions n’aura donc plus que la moitié du chemin à faire ». Cette manne provient du relèvement de la « taxe Copé » sur les opérateurs télécoms.
Certains députés estiment qu’il y a un risque légal que cette taxe soit retoquée juridiquement. Ils ajoutent qu’elle ne répond pas au principe de « l’égalité devant l’impôt » car il s’agit « d’une affectation directe ». De plus, ils s’étonnent que seule une petite partie des recettes obtenues par le relèvement de la taxe échoie à France Télévisions : seulement 25 millions d’euros, sur les 100 millions d’euros prélevés…
La nouvelle présidente de France Télévisions a promis à la représentation nationale de revenir à l’équilibre en 2016 par un « plan d’économie conjoncturel », c’est-à-dire par la renégociation des contrats avec les producteurs ou par une politique de programmation différente. Elle a expliqué par exemple qu’« il faut continuer à investir dans les sports mais qu’il y a une menace d’être évincé des compétitions majeures ». En expliquant aux députés que France Télévisions n’a plus les moyens de payer les droits de retransmissions, elle les a mis devant leurs responsabilités.
Delphine Ernotte Cunci a insisté, comme la députée socialiste Martine Martinel qui a fait référence au rapport Vacquin, sur la situation sociale tendue de France Télévisions. Elle a félicité les équipes pour leur énergie et « leur passion » et pour «leur chaleureux accueil ». Mais elle a expliqué que « France Télévisions subit des plans d’économies depuis plusieurs années et il faut faire attention sur ceux qui représentent 36 % des coûts de cette entreprise : les salariés ». Avec des mots assez habiles, elle semble avoir convaincu les députés qu’il ne faudrait pas chercher des économies de ce côté-là en concluant par « on ne peut pas réduire l’avenir de France Télévisions à un énième plan d’économie, ce qui est important c’est le projet ».
Concernant la chaîne d’information en continu, Delphine Ernotte Cunci a rappelé les délais qu’elle s’était fixé : un démarrage en septembre 2016. Elle a confirmé que l’ensemble des entreprises de l’audiovisuel public participent à ce projet contributif qui devrait se faire à coup quasi-constant. Sa priorité est la diffusion de cette chaîne sur une plate-forme numérique pour « capter de nouveaux publics ».
Assez volontariste, elle a affirmé au sujet du numérique qu’ elle voulait pour France Télévisions, « une offre pour tous, partout, et tout le temps ». Elle propose à la manière des concurrents américains « une syndication des programmes et des fictions, dans une forme gratuite ou payante, de tout ceux qui produisent des droits audiovisuels ». Pour la présidente, « c’est une manière de trouver des futurs financements afin d’investir dans la production française » car « il est important de défendre l’exception culturelle française ».
En revanche, la première « présidente femme » de France Télévisions, comme l’a rappelé une députée, s’est montrée beaucoup moins volubile sur les conséquences de la réforme territoriale pour France Télévisions. Elle a concédé un « il faut que nous modernisions France 3 (…) et l’ensemble de ses éditions… », ajoutant « on a aujourd’hui une opportunité formidable : une réforme administrative de 13 régions. C’est pour nous une opportunité formidable pour repenser la ligne éditoriale de France 3. C’est la ligne éditoriale qui doit guider d’éventuelles organisations ». S’agissant de France Ô, elle propose d’en faire « la chaîne des outre-mers, une voix en métropole… ».
Enfin concernant, « l’affaire Philippe Verdier », plusieurs députés se sont exprimés vigoureusement contre la décision de la présidente de France Télévisions de sanctionner pour son livre le responsable de la météo de France 2. Delphine Ernotte Cunci, de manière un peu sèche, a expliqué que Philippe Verdier n’avait pas respecté « la charte des antennes » qui impose aux salariés de ne pas « impliquer » l’entreprise dans des prises de positions personnelles.
La présidente a oublié de préciser aux députés que cette fameuse « charte des antennes » n’a jamais été négociée, ni signée par aucune organisation syndicale, aucun salarié. Qu’elle est le fruit d’une simple lubie de l’ancienne direction qui l’a écrite dans son coin. Qu’elle ne se substitue pas à la loi. Et qu’elle comporte des erreurs légales grossières…