Organisations
Les nouvelles obligations comptables des CE sous l’œil d’un commissaire aux comptes
Cyril Merlin : Le commissaire aux comptes a pour premier rôle de certifier les comptes du comité d’entreprise. Dans le cadre de la nouvelle loi, il va vouloir, dans un premier temps, s’assurer et contrôler que le comité a bien tout mis en œuvre pour respecter les nouvelles obligations : le point de départ de sa mission portera sur le respect du cadre légal. Cela va obliger les comités d’entreprise à mettre à plat, formaliser et contrôler l’ensemble de leurs processus et organisation. Jusqu’à présent, il ne supportait pas beaucoup d’obligations, la loi du 5 mars 2014 est résolument ancrée dans les exigences de transparence financière voulues par le législateur.
Quelles sont ces nouvelles règles et que doivent faire les CE ?
Cyril Merlin : La première obligation posée par le législateur est l’obligation comptable. Dès lors que le commissaire aux comptes intervient dans le cadre de ses missions, la première chose qu’il va vérifier, c’est que le comité d’entreprise dispose et respecte le plan et qu’il a mis en place une organisation comptable conforme aux règles édictées, permettant d’avoir une traçabilité des opérations, un contrôle interne et une information financière de qualité et sincère. Là, c’est une « petite révolution » car beaucoup de comités d’entreprise ne présentent pas d’états financiers normalisés, ni de contrôle interne formalisé. C’est pourtant le préalable à toute intervention d’un commissaire aux comptes car nous avons besoin d’un référentiel et d’un environnement identifiés comptables et financiers, permettant de garantir la conformité, la sincérité, la fiabilité et la traçabilité des opérations. Sans cela, le commissaire aux comptes ne pourra pas certifier les comptes dudit comité d’entreprise. Ces règles devront être appliquées au 1er janvier 2015.
Il me semble important que le comité d’entreprise se rapproche de professionnels, notamment de son expert-comptable, pour être accompagné dans la mise en place des obligations comptables, sachant que cela prendra et mobilisera du temps. Je préconise aux élus de lancer les opérations de mise en conformité dès maintenant.
La loi du 5 mars instaure également l’obligation, pour les comités d’entreprise, de disposer d’un règlement intérieur. Pourquoi une telle obligation et quelles conséquences pour le commissaire aux comptes ?
Cyril Merlin : À la différence des associations ou des organisations syndicales, les comités d’entreprise ne disposent pas de statuts. C’est une particularité que le législateur a voulu faire évoluer, à l’instar de ce qu’il a décidé en termes de transparence financière. Là, avec l’obligation d’édicter un règlement intérieur, le législateur entend imposer des règles de transparence dans la gouvernance des comités d’entreprise. Le règlement intérieur fera donc office de statuts. C’est à partir de ce document que le commissaire aux comptes pourra bien comprendre les règles de fonctionnement du comité d’entreprise, la répartition des rôles entre les élus, l’organisation interne, les tâches de chacun : président du comité d’entreprise, secrétaire, trésorier etc. mais aussi opérer, ensuite, des contrôles pour s’assurer que la gouvernance, ainsi définie, est bien mise en œuvre. Comme le règlement intérieur n’était pas un document obligatoire dans les comités d’entreprise, les élus devront impérativement, avant toute intervention d’un commissaire aux comptes, le mettre en place. Il est important de souligner que cela ne rentre pas dans la mission du commissaire aux comptes : tout doit être opérationnel au moment de son intervention pour, in fine, certifier les comptes. Comme pour l’obligation comptable, les élus pourront se rapprocher de professionnels (expert-comptable et avocat) pour définir, rédiger et mettre place le règlement intérieur. Tout cela exige une compétence et une expertise que les élus du CE n’ont pas forcément, ce qui se conçoit aisément.
Ajoutons que, pour certains CE au-dessus d’un certain seuil, il faudra mettre en place, en sus du règlement intérieur, une commission d’appel d’offres. Cette partie est, donc, un énorme chantier. Pour les élus, cela demande un temps d’adaptation et d’appropriation, d’où les délais décalés prévus par la loi du 5 mars.
Une fois ces étapes réalisées, quel est le rôle du commissaire aux comptes ?
Cyril Merlin : La mission du commissaire aux comptes est dite permanente et elle se déroule sur une durée de six exercices. L’objectif est de permettre au commissaire aux comptes de formuler une opinion sur la régularité et la sincérité des comptes annuels du comité d’entreprise. Pour ce faire, il va mettre en place des diligences sur les comptes et les procédures internes pour identifier la présence d’erreurs, d’anomalies significatives ou même de fraudes. Il ne faut pas oublier que l’un des rôles du commissaire aux comptes est la révélation de faits délictueux au procureur de la République. Le rapport du commissaire aux comptes permettra au comité d’entreprise de disposer d’une opinion extérieure sur ses comptes. Les élus pourront ainsi les approuver et les publier en toute connaissance de cause. Ce n’est pas neutre que le législateur ait voulu que les comités d’entreprise soient soumis aux règles du Code du commerce. Cela implique des responsabilités civiles et pénales plus fortes qu’auparavant. Cela nécessite donc que les comités d’entreprise maîtrisent bien les conséquences et effets de cette loi. Ils ont, dès à présent, une obligation et un devoir de formation et d’action particulièrement élevés, pour répondre à cet enjeu. La réserve que j’exprimerais, c’est que le législateur a oublié d’allouer des moyens financiers, des actions de formation et du temps aux élus pour appliquer la loi. Nous, en tant que commissaires aux comptes, nous ne pouvons agir à leur place. Nous intervenons en fin de course pour contrôler. Donc les élus doivent anticiper et être accompagnés par des professionnels en raison de plusieurs contraintes : le timing de mise en œuvre de la loi du 5 mars, la complexité et la nouveauté des règles à mettre en œuvre et l’importance des enjeux.
Loi du 5 mars 2014 : Comment les comités d'entreprise doivent-ils se préparer aux nouvelles obligations effectives dès le 1er janvier 2015 ?
Les journées d'information et d'échanges Sémaphores 2014
Sémaphores, spécialisée dans l’assistance à la gestion des comités d’entreprise et des organisations syndicales, organise, en partenariat avec Secafi et AuServiceduCE, les 28 novembre et 11 décembre 2014, deux journées nationales d’information et d’échanges sur les nouvelles obligations comptables, issues de la loi du 5 mars 2014. À destination des élus et des principaux responsables administratifs des comités d’entreprise des plus grandes entreprises françaises, ces journées, organisées au Cercle interallié des armées, se déclineront en trois temps :
- une matinée d’information et d’échanges avec des experts,
- un après-midi d’ateliers,
- un compte-rendu exhaustif et didactique.
Pour plus d’informations sur les journées des 28 novembre et 11 décembre 2014, vous pouvez contacter Marie Connan au 01 43 90 53 03 - marie.connan@semaphores.fr.
Les nouvelles obligations des comités d’entreprise selon la loi du 5 mars 2014 : revue de détail juridique
Des règles communes à tous les CE, quelle que soit leur taille, et ce, dès le 1er janvier 2015
- Soumission aux obligations comptables, telles que définies à l’article L.123-12 du Code du commerce (article L.2325-45), dont l’obligation de tenir une comptabilité, même simplifiée, ainsi qu’un rapport de gestion, même simplifié, présentant des informations qualitatives sur leurs activités et sur leur gestion financière.
- Nomination obligatoire d’un trésorier.
- Obligation de conserver, pendant dix ans, l’ensemble des pièces justificatives, à compter de la date de clôture de l’exercice auquel elles se rapportent.
Les comptes et rapports de gestion simplifiés seront arrêtés selon des modalités prévues par le règlement intérieur, par certains élus du comité d’entreprise désignés par lui. Ces documents simplifiés seront approuvés par les membres élus du CE réunis en séance plénière, réunion portant sur un seul sujet et faisant l’objet d’un procès-verbal spécifique.
Dispositions spécifiques selon la taille de votre CE
- Pour les moyens CE, c’est-à-dire ceux disposant de ressources annuelles excédant le seuil des petits CE (153 000 €) mais n’atteignant pas celles des grands CE (cf ci-dessous), nécessité, entre autres et outre les obligations énumérées ci-dessus, de confier la mission de présentation de leurs comptes annuels à un expert-comptable.
- Pour les grands CE, c’est-à-dire ceux remplissant deux des trois critères suivants : effectifs du CE > 50, ressources > 3,1 millions d'euros, bilan > 1,55 million d'euros, nécessité, entre autres et outre les obligations énumérées ci-dessus, de :
- présenter une comptabilité de droit commun ;
- nommer un commissaire aux comptes et un suppléant, distincts de ceux de l’entreprise (mission financée sur le budget de fonctionnement du CE) ;
- présenter un rapport rédigé par le commissaire aux comptes sur les conventions passées entre le CE et l’un de ses membres ;
- créer une commission des marchés parmi les membres titulaires, chargée de choisir les fournisseurs et les prestataires du CE ;
- établir des comptes consolidés.