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Les poussins en couveuse jusqu'à ce que l’œuf de la réforme des auto-entrepreneurs soit pondu
Au sens propre, une couveuse (ou incubateur) est une machine reproduisant les conditions de développement fœtal. Au sens figuré, utilisons ce mot pour évoquer « la gestation » d’une réforme du statut des auto-entrepreneurs (AE) qui, pour l’heure, les laisse dans l’expectative et la crainte de voir disparaître un régime juridique entrepreneurial limpide.
En effet, le gouvernement s’attèle à mieux cibler les AE à haut potentiel pour les accompagner dans leur création d’entreprise. Sylvia Pinel parle d’une réforme juste et équilibrée pour réconcilier les uns et les autres. Elle souhaite mieux clarifier et distinguer les deux utilisations du régime : activité d'appoint ou tremplin vers la création d'entreprises. Quant au rapport du député socialiste Laurent Grandguillaume sur l'auto-entreprenariat, celui-ci a été remis ce 18 décembre. Ses recommandations visent à développer l’entrepreneuriat en France via un véritable « contrat de développement de l'entrepreneuriat » (CDE).
Ce CDE formule les propositions suivantes.
- Créer un statut juridique unique d’entreprise individuelle, dotée de la personnalité juridique et disposant de son patrimoine propre.
- Rendre applicable pour ce nouveau statut juridique d’entreprise individuelle les dispositions du code de commerce, en excluant celles qui découlent de l’existence d’associés et en adaptant les autres, le cas échéant, aux risques liés aux différents volumes d’activité.
- Adapter le formalisme attaché à l’entreprise individuelle à l’importance de son activité.
- Prévoir par défaut un patrimoine nul pour l’entreprise individuelle, associé à une solidarité personnelle de l’entrepreneur.
- Prévoir l’insaisissabilité par défaut de l’habitation principale pour tout entrepreneur individuel.
- Préserver la simplicité en considérant par défaut l’habitation principale comme un tout, et prévoir une information des créanciers selon un formalisme proportionné aux enjeux financiers des biens affectés.
- Faire disparaître toutes les autres formes juridiques de société unipersonnelle, dans la mesure du possible et sous réserve que les contraintes administratives induites ne soient pas disproportionnées avec la réalité des entreprises individuelles.
- Proposer uniquement deux régimes fiscaux et sociaux aux entrepreneurs : un régime réel et un régime simplifié (forfaitaire).
- Créer un impôt sur les entreprises (IE) équivalent de l’impôt sur les sociétés, applicable aux bénéfices de l’entreprise individuelle.
- Lancer la réflexion de la rationalisation des organismes sociaux de recouvrement.
- Simplifier les cotisations sociales en régime réel en début d’activité en permettant une déclaration trimestrielle.
- Pour les entrepreneurs au régime réel, réduire significativement les cotisations minimales et assurer des droits minimaux de deux ou quatre trimestres validés par an pour la retraite.
- Retenir le revenu calculé par abattement sur le chiffre d’affaires comme assiette des cotisations sociales des entrepreneurs individuels au régime du forfait.
- Ne pas accorder des droits contributifs aux entrepreneurs qui n’ont pas cotisé le moindre euro.
- Sous réserve d’une évaluation précise des effets induits, remplacer l’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire par une option pour l’acompte.
- Pour les entrepreneurs au régime forfaitaire, remplacer la CFE par une contribution économique territoriale proportionnelle au chiffre d’affaires.
- Pour tous les entrepreneurs, remplacer la contribution à la formation professionnelle (CFP) forfaitaire par une cotisation proportionnelle et plafonnée, dont le recouvrement serait unifié et confié au RSI.
- Imposer l’utilisation de la voie électronique pour les déclarations et les paiements des impôts et cotisations des entrepreneurs au régime du forfait.
- Lors de la création d’une entreprise individuelle, prévoir une déclaration d’intention, avec immatriculation provisoire, en amont de la première déclaration de chiffre d’affaires. Les droits sociaux ne seraient ouverts qu’à compter de la première déclaration de chiffre d’affaires.
- Inciter les entrepreneurs au régime forfaitaire qui dépassent un certain chiffre d’affaires à être suivi par un organisme de gestion agréé (ou équivalent).
- Construire dans chaque région, une politique en faveur de l’entrepreneuriat, en lien avec l’ensemble des acteurs de l’accompagnement.
- Unifier le portail internet public pour l’information et pour la création des entreprises.
- Construire un stage préparatoire à l’installation (SPI) pour les activités artisanales modernisé et personnalisable.
- Détecter et prospecter les entrepreneurs au régime simplifié dont le niveau d’activité les rapprochent du régime réel pour leur proposer un accompagnement personnalisé.
- Lancer une grande étude sociétale sur l’entrepreneuriat d’aujourd’hui afin d’alimenter le débat public et politique.
- Constituer un comité de pilotage de la réforme de l’entrepreneuriat individuel (associant les parties prenantes) et un comité opérationnel (chargé de préparer et d’assurer le suivi de la mise en œuvre des décisions).
Quid du devenir de l’ensemble de ces recommandations ?
Il nous faudra patienter jusqu’au « feedback » du groupe de travail qui sera constitué début 2014 pour traiter le fond des questions soulevées. En attendant, rappelons que l'entrepreneuriat individuel avoisine les trois millions de personnes et s’avère contribuer efficacement à la croissance et l'emploi en France. En l’occurrence, grâce au régime de l’AE, des milliers de Français ont pu exercer une activité dans un cadre légal et se constituer un revenu bien utile en période de baisse du pouvoir d’achat. Aussi, il est primordial de tout mettre en œuvre pour préserver la liberté d’accès de ce régime et « ne pas briser les ailes des poussins » en pleine croissance...