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10 / 12 / 2012 | 6 vues
Angela Accaoui / Membre
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La femme est bien l’avenir de l’entreprise…

Si l’on ne s’en tenait qu’à quelques chiffres, le récent état des lieux réalisé par l’APEC sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes pourrait passer pour encourageant : 9 entreprises sur 10 estiment que les mesures d’incitation légales prises sur le sujet vont dans le bon sens et 75 % considèrent la thématique comme une priorité RH, mais une priorité qui, dans 36 % des cas, passe après d’autres urgences plus immédiates... Au fur et à mesure que l’on découvre les différentes facettes de cette enquête très complète, publiée en mai dernier, le tableau s’assombrit singulièrement et les constats établis depuis des années se trouvent tous plus ou moins confirmés : la situation des femmes dans l’entreprise est globalement jugée moins facile que celle des hommes : les postes les plus élevés sont davantage occupés par des hommes, les salaires demeurent notoirement inégaux et l’image persiste selon laquelle les femmes s’investiraient moins que les hommes en termes d’horaires. Pierre Lamblin, responsable des études à l’APEC, constate : « Ce qui est frappant, c’est que la question de l’égalité professionnelle est unanimement reconnue comme un enjeu, mais qu’une fois passées les déclarations d’intention, chaque entreprise minimise sa propre situation, quitte à s’enfermer dans une posture de déni : lorsqu’on les interroge sur leur non-engagement, près d’une sur quatre conclut à l’absence d’inégalité dans ses murs... »

D’autres chiffres ne manquent pas d’étonner. Par exemple, la surdéclaration concernant le label égalité décerné par AFNOR : 4 % des entreprises interrogées affirment le détenir. « En extrapolant, cela représenterait 1 400 entreprises labellisées alors que l’AFNOR n’en répertorie que 47 ! », calcule Pierre Lamblin. Autre constat : seulement 2 entreprises sur 3 ont réalisé un rapport de situation comparée, pourtant rendu obligatoire par la loi... 

En finir avec le modèle du manager surinvesti


« L’inégalité hommes/femmes correspond à une réalité socioculturelle. Il n’y a pas d’égalité dans la société, il n’y en a donc pas dans l’entreprise. C’est un sujet RSE par excellence. Tout l’enjeu est de faire entrer ce débat dans le cadre des ressources humaines et du dialogue social. Mais les DRH ne savent pas toujours comment l’aborder. Jusqu’où l’entreprise peut-elle aller sur un sujet qui touche à la fois à la vie professionnelle et à la vie privée des salariés ? », constate François Fatoux, délégué général de l’observatoire de la responsabilité sociétale de l’entreprise (ORSE), qui est devenu un centre de ressources sur le sujet.

Pour François Fatoux, la première démarche consiste à casser les représentations et en particulier la prééminence du modèle managérial masculin, auquel les femmes elles-mêmes finissent par se conformer, par mimétisme. « Il faut en finir avec cette image du gagneur sans faille qui prévaut notamment chez les cadres. L’entreprise a tout à y gagner car cet archétype repose sur une norme sacrificielle conduisant au présentéisme, au surinvestissement et à toutes sortes de conduites à risques, comme les addictions qui touchent majoritairement les hommes. Tout cela a un coût pour l’entreprise ». Un argument largement développé par Cristina Lunghi, militante d’un management au féminin et conceptrice du label égalité en 2004 : « Le débat sur l’égalité professionnelle n’est pas un combat catégoriel. Il induit une réflexion globale sur l’organisation, les conditions de travail, l’équilibre vie privée/vie professionnelle. Face à la préoccupation actuelle d’humaniser l’entreprise pour la rendre plus performante et plus attractive, c’est un formidable levier d’innovation ».

Neuf lois depuis 1972


De fait, les hommes aussi sont bénéficiaires de la démarche. Le succès du congé paternité instauré en 2002 le démontre : selon l’IGAS, 70 % des pères y recourent aujourd’hui. François Fatoux commente : « Auparavant, lorsqu’un père s’absentait pour s’occuper de ses enfants, on en concluait qu’il était démotivé ou qu’il envisageait de quitter l’entreprise... Aujourd’hui, on commence à accorder aux hommes le droit d’avoir une vie de famille ». Ce n’est pas non plus un hasard si la charte de la parentalité, lancée en 2008 par l’observatoire du même nom, a recueilli l’adhésion de près de 400 employeurs. Côté salariés, les attentes sont donc bien réelles. Reste à mobiliser l’entreprise sur un sujet qui a fait l’objet de pas moins de 9 lois depuis la reconnaissance du principe de l’égalité de rémunération, en 1972. Selon l’IGAS toujours, la thématique de l’égalité professionnelle reste encore très peu présente dans les accords avec les partenaires sociaux (13,5 % pour les branches et 12 % pour les entreprises) et n’est abordée, le plus souvent, que par les grandes entreprises. Parmi les récents signataires d’un accord figure le groupe PagesJaunes qui a choisi d’officialiser son engagement en janvier 2012. Patrice Cardinaud, le DRH, explique : « Nous employons 51 % de femmes. La problématique n’est donc pas quantitative. En revanche, nous avons constaté un important déséquilibre sur nos emplois commerciaux (31 % de femmes) et surtout chez les directeurs (16 %) ». Pour corriger ces écarts, le groupe a déployé un plan d’actions complet sur trois ans, portant sur le recrutement, l’évolution professionnelle, la formation, l’égalité salariale, l’équilibre vie privé/vie professionnelle jusqu’au respect du principe de mixité au sein des instances représentatives du personnel. « Certaines mesures mises en œuvre ont eu un effet immédiat : par le jeu de la promotion, de la mobilité internes et la priorité accordée au recrutement de femmes cadres supérieurs à compétences égales, nous avons atteint en 6 mois notre objectif de 25 % de directeurs femmes et nous allons poursuivre activement notre politique pour viser la parité à moyen terme ».

Bousculer le top management et les processus RH


Chez PagesJaunes, la thématique égalité professionnelle s’inscrit dans la démarche RSE portée par la direction générale. Partout, le constat est le même : « Pour transformer durablement une entreprise, il faut impliquer les comités exécutifs et diversifier le management de haut niveau », explique Isabelle Michel-Magyar, directrice diversité globale chez Schneider Electric, où l’égalité professionnelle, tout comme la diversité, est un enjeu de développement international pour attirer les meilleurs talents. Au niveau mondial, le géant industriel a, par exemple, associé 52 top leaders à 52 femmes à haut potentiel dans le cadre d’un programme de mentoring tandis que des ateliers de réflexion sur le leadership au féminin, impliquant au total une centaine de femmes, sont organisés en Asie, en Europe et bientôt aux États-Unis. Dans le même temps, chaque pays déploie ses propres actions. En France, Schneider Electric vient de renouveler son accord avec le souci de renforcer l’égalité professionnelle dans tous les outils RH, notamment sur le sujet complexe de l’égalité salariale. « Le salaire s’individualise du fait des choix de carrière, de l’expertise développée ou encore de la performance individuelle. Aussi, nous avons posé une règle simple : tout écart ne pouvant être expliqué par le parcours professionnel conduit à une revalorisation », explique Leïla Bresson, directrice diversité pour la France. Le groupe Terreal, fabricant de matériaux de construction, est l’un des nouveaux venus dans le club des signataires d’accord. Pour Stéphane Fayol, son DRH, l’égalité professionnelle est l’un des éléments de construction de l’identité de l’entreprise, née d’une fusion, il y a une dizaine d’années. « Nous entendons faire de l’égalité professionnelle l’un des piliers de notre contrat social, au même titre que la qualité de vie au travail à laquelle elle est intimement liée. En tendant vers un meilleur équilibre de nos effectifs, majoritairement masculins, nous répondons à un fait démographique, mais surtout, nous continuons à transformer l’image et la réalité de nos métiers. Les partenaires sociaux ont été unanimes autour de cet accord. Dans la période tourmentée que nous traversons, un engagement sociétal comme celui-ci est un atout supplémentaire, essentiel dans notre dialogue social ».

 

Article extrait du livret Ressources humaines : vers un nouveau contrat social du groupe Chèque Déjeuner.

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