Organisations
50ème congrès de la fédération UNSA Ferroviaire : Enjeux, défis et dangers... et hommage...
Dans la plupart des pays démocratiques, les congrès statutaires des syndicats servent à élire les dirigeants et voter rapports d'activités, financiers et porter des "résolutions" pour l'avenir. L'UNSA Ferroviaire, seconde organisation de la branche ferroviaire n'a pas manqué ces occasions.
Côté équipe dirigeante avec Fabrice Charrière, avec 82,39% de vote favorable, elle a été assez largement plébiscitée dans une organisation qui appréciait auparavant les candidatures multiples (voir le congrès précédent de Poitiers).
Ainsi l'organisation syndicale a fait l'économie d'une bataille de candidats. Comme à son habitude, le congrès a comporté différents moments et la 1ere journée a vu l'évocation du rapport d'activité très conséquent (122 pages).
En parfaite conformité avec le réformisme actif du syndicat, a été mise en valeur la négociation de branche (même si celle-ci est loin d'être aussi dynamique que ce que voudrait l'UNSA) et les accords conclus dans le groupe SNCF qui demeure - vu son importance économique et social dans le secteur - un point d'ancrage essentiel pour les syndicats cheminots.
Si depuis le changement d'appellation de la fédération (UNSA cheminots à UNSA Ferroviaire), des appels d'offres ont été lancés et des marchés confiés, l'organisation réformiste compte les bons points (comme les moins satisfaisants). Tel un thermomètre, le rapport d’activité est une mesure quantitative comme qualitative d'une prise de conscience et de nouveaux résultats électoraux qui sont "globalement positifs" sans aucune référence sérieuse ou ironique à cette expression politique de 1979.
Après la partie "statutaire" de cette 1ere journée, les suivantes ont vu différentes tables rondes avec la participation de dirigeants du monde ferroviaire qui ferait pâlir d'autres organisations syndicales et professionnelles.
C'est une habitude de l'UNSA Ferroviaire qui devient son empreinte génétique en mode "ni conservatrice, ni suiviste" comme l'a indiqué son secrétaire à la "stratégie et prospective" fort bien nommé vu les propos.
Une forme de "philosophie réformiste combattante" tout à fait partagée aussi par un secrétaire général qui a su, sans fioritures verbales, appeler au dépassement des frontières administratives d'hier devant l'avancée de la concurrence.
Car la force réside bien dans la prise en compte du réel du "marché ferroviaire". Parler à tous, défendre réellement, est le mot d'ordre UNSA... et cela sans la démagogie des voix fortes et souvent caricaturales de quelques plateaux TV et autres rassemblements cheminots où le passage au verbe presque criant se combine avec la coopération avec une coordination cheminots ultra-corporatiste qui nous ramène un peu dans les années 90, les réseaux sociaux (Instag et Tiktok en moins) ...
En appelant à des méthodes qui "s'adaptent aux circonstances" comprenons bien que le syndicalisme UNSA Ferroviaire n'est pas celui qui sera doctrinaire (ou suiviste comme le fait un autre syndicat avec la pseudo coordination syndicale en question).
Les délégués ont pu écouter avec attention (et posés des questions) sans frein aux différents dirigeants du secteur ferroviaire. Et ces derniers ont encore reçu l'avertissement syndical que les réponses aux appels d'offres devraient parfaitement intégrés le respect des conditions sociales des cheminots.
Ce fut un rappel bien nécessaire vu l'engouement réduit à passer de la grande SNCF qui n'est pas de mise (en témoigne les 31 cheminots volontaires de SNCF TER à Transdev pour le marché Marseille-Nice).
La fédération UNSA Ferroviaire a toujours indiqué qu'elle n'était pas favorable à l'ouverture à la concurrence du transport public ferroviaire. Pour autant, elle a fait de ses priorités la défense de tous les salariés du secteur et de la construction-promotion d'un cadre social de haut niveau sans omettre l'existant.
Etonnamment, une des critiques les plus dures serait peut-être celle de la FNAUT qui constate que la libéralisation du ferroviaire provoque une régionalisation qui ne comprend que son propre ... territoire. Tout cela après s'être félicité de cette révolution pour des prix plus bas et un plus grand nombre de trains.
Cette revendication apparait comme la bulle des cryptomonnaies : vous obtenez des prix réduits et des trains supplémentaires mais avec des conséquences momentanément invisibles.
C'est aussi cela le résultat de la libéralisation : des prix parfois moins chers pour le voyageur, des trains supplémentaires (et neufs), avec un contribuable qui paiera le restant de la facture à venir...
L’UNSA a eu la bonne idée d'inviter le syndicat des cheminots allemands EVG, première organisation en Europe. Le présentateur français a rappelé que le prédécesseur de JP. Farandou à la tête du groupe SNCF dans un journal économique allemand en 2018 exhortait le gouvernement français à suivre le "modèle allemand". Vu la situation actuelle, cette incantation est restée fort heureusement sur le papier. Copier n'est pas raison...
EVG a précisé son engagement militant contre l'extrême droite représentée par l'AFD et la lutte contre les discriminations tout en rappelant la force d'un groupe ferroviaire intégrant ... l'infrastructure... un « modèle » quelque peu ... français, un combat d'actualité en Allemagne.
Au final, l'UNSA Ferroviaire sait que l'évolution-consolidation du système ferroviaire réside aussi dans la curiosité et l'expérience observée tant en Allemagne, qu'au Royaume-Uni et ... en Suisse, un pays qui semble être bien le seul à recueillir l'unanimité des voyageurs et des syndicats en Europe.
Une question de gros sous évidemment avec les droits sociaux et un service rénové et dynamisé...
Enfin, le corps social des cheminots du groupe public constate l'intérêt de disposer à sa tête d'un "cheminot 1ere langue". Le départ prochain de J.P. Farandou a fait l'objet en toute logique d'une ovation sincère et forte des délégués du congrès de l'UNSA Ferroviaire.
La charge sera d'autant plus lourde pour le prochain président même issu d'une entreprise publique de transports encore très francilienne.
Les cheminots ont traversé de nombreuses crises depuis l'invention du chemin de fer. Nul doute que la prise de conscience de la concurrence n'est pas facile. Mais elle est maintenant bien réelle.
Ce congrès syndical est celui d'une époque de transition avec des revendications immanentes et innovantes (voir le modèle UNSA de tableau des rémunérations pour tous à la SNCF, contractuels comme statutaires). Elles prennent en compte les aspirations des nouvelles générations de cheminots sans encore user pleinement des réseaux sociaux. Sans doute dans le souci de ne pas utiliser la démagogie trop présente dans ces outils. C’est un positionnement éthique qui fait honneur au principe du réformisme mais semble péjorer la syndicalisation des plus jeunes cheminots.
Il s'agit d'une vraie gageure en 2025. Un nouveau défi...pour syndiquer, partager et communiquer dans une branche en rapide évolution.