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19 / 08 / 2014 | 4 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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De nouvelles règles compliquent la tâche des élus des comités d’entreprise

La loi sur la sécurisation de l’emploi (14 juin 2013) et la loi relative à la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale (5 mars 2014) obligent les élus à être plus vigilants pour continuer d'assumer correctement leurs missions, en particulier celles ayant trait à la compétence économique du CE.

Dans l'un des derniers numéros de la revue FO Hebdo, Jamel Azzouz y a consacré un dossier spécial. Chaque année, la confédération FO organise des journées d’information consacrées aux rôles et fonctions des comités d’entreprise, à destination des représentants salariés des entreprises.

Dans un contexte réglementaire et législatif plutôt instable depuis la loi du 20 août 2008, les élus FO se sont déplacés en masse pour participer à la journée du 8 avril dernier à Paris.

Il faut dire que les nouveautés juridiques ont été particulièrement denses avec l’application de la loi sur la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 et celle du 5 mars 2014, relative à la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale.

Le carcan des « délais préfix »

Selon leurs promoteurs, toutes deux sont censées renforcer le dialogue social dans les entreprises et le droit de regard des institutions représentatives du personnel (IRP) en amont des décisions des employeurs.

Or, comme l’ont relevé les participants, ces deux textes ont surtout compliqué la tâche des élus.

Il en est ainsi de la nouvelle procédure d’information-consultation du CE, initiée par l’accord national interprofessionnel (ANI du 11 janvier 2013, que FO avait rejeté), transposé dans la loi du 14 juin 2013 (décret du 27 décembre 2013, applicable depuis le 1er janvier dernier), qui ne permet plus aux CE d’être informés et consultés dans un délai d’examen suffisant.

Mais dans un « délai préfix », qui « court à compter de la communication aux élus, par l’employeur, des informations prévues par le Code du travail pour la consultation ou l’information ».

Le CE et les CHSCT sont alors réputés avoir été consultés à l’expiration d’un délai d’un mois, sauf si un accord d’entreprise en décide autrement. Le délai préfix pourra néanmoins être porté à deux mois en cas d’intervention d’un expert, trois mois en cas de saisine d’un ou plusieurs CHSCT et quatre mois si une instance de coordination des CHSCT est mise en place. Pour les élus, la seule issue susceptible de les sortir de ce carcan est de saisir le juge, qui pourra décider, dans les huit jours, la prolongation du délai de la consultation « en cas de difficulté particulière d’accès aux informations » manquantes. « Il s’agit là d’un démantèlement de la procédure de consultation telle que nous la connaissions », résume Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale FO chargée du secteur conventions collectives. Elle estime que « l’employeur va jouer encore plus sur ces délais pour ne pas donner à temps les informations utiles à l’analyse et à la compréhension des projets de l’entreprise ».

Les informations dues aux élus sont pour la plupart concernées : conditions de travail, marche générale de l’entreprise, modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise, durée du travail, horaires de travail, travail de nuit, ainsi que la gestion, le contrôle et la surveillance des salariés, ou encore les aides publiques du type CICE. Les écueils de la base de données économiques et sociales...

Les signataires de l’ANI, puis le législateur, prétendent que les élus pourront éviter les écueils de la nouvelle procédure d’information-consultation avec la base de données économiques et sociales (BDES) inscrite dans ladite loi du 14 juin 2013. Laquelle BDES doit avoir été mise en place à compter du 14 juin 2014 dans les entreprises de 300 salariés et plus, et à compter du 14 juin 2015 dans les autres.

Devant regrouper l’ensemble des informations économiques et sociales annuelles de l’entreprise, cette base aura pour objectif de « contribuer à donner une vision claire et globale de la formation et de la répartition de la valeur créée par l’activité de l’entreprise », et servir de support à l’émission d’un avis du CE sur la stratégie de l’entreprise et ses conséquences sociales. Son accès sera ouvert à tous les représentants du personnel, membres du comité d’entreprise, délégués syndicaux et élus du CHSCT.

Doivent y figurer toutes les données chiffrées, ainsi que les éléments d’analyse et explications contenus dans les rapports obligatoires, actuellement transmis par écrit au CE, à l’instar du bilan social, selon les périodicités prévues par la loi et le Code du travail. Sauf que les éléments qu’elle pourrait contenir resteront quelque part laissés à la discrétion de l’employeur, puisque la liste fixée par la loi n’est constituée que de rubriques génériques.

Charge à l’employeur de les remplir correctement ou pas. L’un des gros problèmes, souligne Marie-Alice Medeuf-Andrieu, « c’est qu’elle est destinée à remplacer l’ensemble des informations et rapports périodiques du CE à partir du 31 décembre 2016 ». L’intégration et l’actualisation de ces données périodiques dans la BDES vaudra en effet communication de la part de l’entreprise, qui pourra alors s’exonérer de leur transmission physique aux représentants du personnel durant son exercice comptable.

Pour la confédération, « la loi procède ici à un renversement radical de la responsabilité en matière d’information des IRP ». La responsabilité n’incombera plus à l’employeur, qui n’aura ainsi plus à remettre ou à transmettre les rapports périodiques sous forme papier ou même de fichier informatique.

Il reviendra au CE et aux autres IRP d’aller consulter, de chercher et de trouver une information pertinente dans un tas de fichiers, dont le classement ne sera pas forcément… pertinent. De plus, la BDES pouvant être sur papier ou informatisée, il reviendra à chaque entreprise de définir son mode d’accès, de consultation, d’utilisation et d’avertissement de mise à jour.

Obligation de transparence financière des CE


Lors de la journée d'échanges ainsi organisée, les participants se sont également penchés sur les dispositions de la loi du 5 mars 2014 sur la transparence financière des CE, qui devront être respectées à compter de l’exercice comptable 2015.

À partir du 1er janvier, tous devront désigner un trésorier en plus du secrétaire, qui est aujourd’hui le seul organe obligatoire du CE.

Par ailleurs, au-delà de certains seuils de ressources, les comités d’entreprise seront soumis aux obligations comptables du code de commerce, comme l’établissement d’un bilan et d’un compte de résultat, le recours obligatoire à un expert-comptable pour la présentation des comptes ou la mise en place d’une commission des marchés pour les CE.

Postulant que la loi n’a pas pour objectif que de verrouiller les décisions de l’employeur, la confédération a expliqué aux élus que le rapport de force restera essentiel et déterminant pour clarifier la quantité et la qualité des informations qu’ils souhaiteront obtenir, mais aussi leurs besoins afin de mener à bien leur mission.

Dès lors, ils ont été appelés à s’approprier le plus rapidement possible les nouvelles règles pour mieux s’armer ainsi face aux employeurs. « Ils se doivent de revendiquer des moyens supplémentaires à tous les niveaux de négociation syndicale dans l’entreprise », insiste la secrétaire confédérale.

La confédération FO entend notamment par là le fait de réclamer la prise en charge d’une formation spécifique à l’optimisation de l’utilisation des informations de la base de données pour tous les IRP (CE, CHSCT, DP), de négocier un quota supplémentaire d’heures de délégation, de faire appel à l’expertise économique et/ou comptable dans tous les cas où la loi le permet. « Et ne pas hésiter à se rapprocher des structures syndicales adéquates en cas de doute sur la mise en œuvre de telle ou telle procédure », rappelle Marie-Alice Medeuf-Andrieu car « un droit qui ne se prend pas est un droit qui se perd ».

L’expert-comptable en figure de proue

 

Pour les élus, le recours à un expert ne sera plus un luxe avec la loi sur la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 et la loi sur la transparence financière (5 mars 2014). Au-delà de leur crédibilité dans l’entreprise, les élus y auront tout intérêt pour faire jeu égal avec l’employeur. En effet, l’assistance d’un expert peut porter sur l’examen des comptes annuels de l’entreprise, des documents de gestion prévisionnelle, du rapport annuel sur la participation ou encore sur des orientations stratégiques de l’entreprise et leurs conséquences. Elle peut également être sollicitée dans des situations définies légalement : droit d’alerte, projet de licenciement économique, opération de concentration ou négociation d’accord de maintien dans l’emploi. Parmi la multitude d’intervenants extérieurs possibles, l’expert-comptable est appelé à devenir la figure de proue des CE puisque son recours est rendu incontournable. En particulier parce que la loi du 5 mars 2014 oblige les « gros » CE à avoir un expert-comptable en permanence. Il s’agit notamment de ceux dont les ressources dépassent les 1 530 000 euros, qui devront certifier et consolider leurs comptes (coût total supporté par le budget de fonctionnement). La loi du 14 juin 2013 contraint aussi à rendre obligatoire l’appel à un expert-comptable avec la nouvelle mission relative aux orientations stratégiques de l’entreprise. Une mission pour laquelle le CE contribuera à hauteur du tiers de son coût et dans la limite de 20 %. Tout autre type d’expertise comptable restant rémunéré par l’entreprise. Il faut savoir enfin que cet expert-comptable peut accéder à tous les documents financiers disponibles et saisir le juge des référés en cas d’entrave de l’employeur (Cour de cassation, 26 mars 2014).

Réduction de l’assiette de calcul des budgets du CE, vers une baisse des ressources du CE

 

Pour la Cour de cassation (décision du 20 mai 2014), la base de calcul du budget des activités sociales et culturelles (ASC) doit reposer sur le seul compte 641 (rémunération brute du personnel) de la comptabilité de l’entreprise et plus sur la déclaration annuelle des données sociales (DADS), dont l’assiette est plus large et servait jusque-là de référentiel pratique pour fixer la contribution au CE. En effet, le compte 641 exclut les rémunérations des dirigeants sociaux, les remboursements de frais et des sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail (hormis les indemnités légales ou conventionnelles). Le raisonnement de la Cour risque un jour de s’étendre au calcul de la subvention de fonctionnement, l’assiette étant a priori identique dans le Code du travail.

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