Organisations
Canal+ : oukaze ou dialogue social ?
Les 9 et 10 juillet derniers, le gouvernement invitait 300 participants, responsables syndicaux et représentants des employeurs et des collectivités territoriales à deviser sur l’avenir du dialogue social en France.
Un nouvel état d’esprit selon nos dirigeants syndicaux… La conférence n’avait pas pour vocation d’adopter des mesures immédiates, ou de signer des accords déjà négociés. Il s’est plutôt agi de confronter les idées et les propositions, de rechercher des convergences pour construire une « feuille de route sociale »… Une initiative intéressante alors que nous étions habitués à des prises de décisions en solitaire, des réunions sociales de pure forme…
À Canal+, il est aussi temps de renouveler le dialogue social. « C’est moi l’employeur, je fais ce que je veux… » C’est l’expression de notre direction, une conception nous semble-t-il erronée des relations entre partenaires sociaux, considérant qu’il n’y a rien à discuter, que toute décision doit être appliquée, que les représentants du personnel sont là pour avaliser des propositions forcément bénéfiques d’abord pour notre actionnaire. Parfois pour les salariés.
Aujourd'hui, cette attitude va à contre-courant du sens de l’histoire. Ces derniers mois, nous avons pu démontrer combien cette méthode présentait des limites. Aucun succès ne sera atteint sous la contrainte. Ce sera particulièrement vrai dans les prochaines semaines et les prochains mois, lorsque nous connaîtrons puis devrons appliquer les nouvelles contraintes imposées au groupe par l’autorité de la concurrence sur les dossiers TPS et Bolloré.
Malgré tout, nous sommes à mi-année et nous pouvons tenter de tirer quelques enseignements de la fin 2011 et du début 2012.
La fin de l’année dernière s’est encore traduite par un échec des négociations salariales. Pour la deuxième fois, la direction de Canal+ s’est arc-boutée sur des principes plus que sur des réalités pour finalement refuser toute avancée dans les négociations salariales. Résultat, un échec cuisant et une application approximative des promesses pourtant présentées comme minimales.
Mal-être
Mais ces 6 derniers mois ont surtout vu prospérer le mal-être… Partout, dans tous les secteurs, de plus en plus de salariés souffrent de conditions de travail qui se dégradent sous l’effet de départs massifs et non remplacés, d’une politique d’économies tous azimuts dont nous allons tirer les premiers enseignements lors du prochain comité d’entreprise. Le tout, dans certains secteurs, sur fond de désorganisation et de procédures managériales dégradées, d’une explosion du nombre de stagiaires et de consultants, de l’absence d’une stratégie claire et partagée...
- Une situation de mal-être qui ne cesse de nous inquiéter alors que nous recevons, y compris en cette période d’été, de plus en plus de salariés en total désarroi, alors que nous savons leur nombre en constante augmentation.
Ces six derniers mois ont aussi été l’occasion de vivre des moments pénibles, par exemple lorsqu’il s’est agi de dénoncer des appels d’offres jugés aléatoires, comme le renouvellement du contrat sur les titres restaurants dont nous considérons qu’il n'a pas été un modèle éthiquement acceptable…
Ou bien la disparition puis la réapparition dans les organigrammes du poste de directeur des relations sociales, seul interlocuteur pour de nombreux responsables sociaux, poste éminent, sensible et important dans le contexte actuel…
Citons aussi des décisions prises en catimini et sans aucune concertation à la veille de Noël, comme le déménagement de certains services de la direction commerciale ou des services clients vers Saint-Denis, alors que leur cœur d’activité se trouve à Issy-les-Moulineaux.
Ou encore la remise en cause, sans autre forme de dialogue, de la prise en charge du remboursement de certains frais de déplacements, avec pour conséquence une perte sèche pour certains collaborateurs de plusieurs centaines d’euros par mois…
Citons encore les trop nombreux licenciements qui affectent l’ensemble des services de l’UES, parfois pour des raisons discutables, des postes bien souvent non remplacés. Une situation loin d’être légale… Ce ne sont là que quelques exemples. Ils illustrent s’il le fallait, une situation de blocage du dialogue social à Canal+.
- Ce dialogue se réduit le plus souvent à quelques conciliabules dans un bureau du 7ème étage du site Eiffel. Triés sur le volet pour leur attitude compréhensive, quelques responsables sociaux (2 ou 3) bénéficient d’échanges sur quelques dossiers majeurs qui vont engager l’avenir et l’organisation de notre entreprise.
Notre syndicat a toujours considéré que ces méthodes n’étaient pas les bonnes. Ces méthodes sont celles d’un temps révolu, d’un temps ou les corps intermédiaires devaient s’effacer.
Nous savons également qu’elles sont contre-productives et conduisent souvent à l’échec les entreprises qui y recourent. Nous allons le vivre dans quelques semaines lorsqu’il va s’agir d’intégrer dans l'UES les salariés de petites ou de grandes entités. Ces conciliabules en petits comités n’y suffiront pas. Pire, certains « bricolages » vont générer de nouvelles tensions individuelles et collectives.
Ce que nous revendiquons, c’est la mise en œuvre le plus rapidement possible d’une politique sociale renouvelée, sur des bases respectueuses, fondées sur le dialogue, la concertation, l’ouverture...
Il ne s’agit pas d’être d’accord sur tout, mais de trouver le meilleur chemin pour faire progresser notre entreprise, pour que les salariés qui y travaillent s’y sentent mieux, pour ouvrir de nouvelles perspectives porteuses d'avenir.
Le contre-exemple, c’est toujours ce modèle allemand qui a poussé très loin le processus dans des entreprises qui sont en cogestion avec des représentants du personnel associés aux décisions et respectés dans leur parole. Résultats, une économie qui tourne et qui tire toutes les autres, un dialogue qui fonctionne...
À Canal+, il est urgent de passer à un autre modèle. Les mois qui viennent vont être surchargés en événements de toutes natures.
C’est pourquoi, parmi les propositions de négociations que nous ferons pour la fin d’année, figure en bonne place celle d’un accord sur l’exercice du droit syndical. Un accord qui pourrait enfin encadrer le dialogue social à Canal+, pour en faire un axe de progrès d’une véritable politique sociale fondée sur l’échange et le respect mutuel. Un accord gagnant-gagnant.
Il y a urgence : nous aussi avons besoin de notre conférence sociale !