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03 / 09 / 2018 | 8 vues
Jacques Fournier / Membre
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Action publique 2022 : parler de « nouveau modèle » et de « transformation radicale » est quelque peu présomptueux

I – J’aurais pu rêver mieux comme lecture de vacances. Le rapport du comité « Action publique 2022 », dont le contenu a été dévoilé au début de l’été mais qui n’a toujours pas été officiellement publié, s’inscrit dans la ligne des documents qui jalonnent la réflexion des gouvernements sur le service public. J’ignore encore l’usage immédiat qui en sera fait et il ne laissera pas forcément une trace durable dans l’histoire administrative. Il ne me paraît cependant pas inutile de livrer ici, à l’attention de mes amis du CIRIEC et de l’association « services publics », les premières réactions que suscite pour moi son examen.

Le titre du document circonscrit bien son objet : « Service public – se réinventer pour mieux servir – nos 22 propositions pour changer de modèle ».

Contrairement à ce que j’aurais souhaité, il ne s'agit pas d’une réflexion stratégique sur le rôle susceptible d’être joué par l’action publique dans la construction de l’avenir de notre pays en Europe et dans le monde du XXIe siècle. On reste très en deçà du niveau de l’analyse que j’avais proposée il y a quelques années dans mon ouvrage L’économie des besoins, une nouvelle approche du service public.

L’étude n’est pas pour autant inutile. Elle porte sur la situation du service public en France, prise globalement et dans ses principaux domaines d’intervention, en présentant sur chaque point un constat, des objectifs, les actions préconisées et les effets attendus.

L’approche est sans surprise : c’est celle du libéralisme de bon aloi que veut incarner la politique macronienne. On entend nous démontrer qu’il est possible, en même temps, de mieux satisfaire les usagers, de davantage motiver les agents et de diminuer les dépenses publiques. CQFD, le tour est joué.

On a visiblement voulu éviter de donner au comité l’allure d’une « commission de la hache ». La recherche d’économies, même si elle reste manifestement à la base de la démarche, nous est présentée non comme un impératif prioritaire mais comme la résultante naturelle d’une réflexion intelligente sur les possibilités d’amélioration du service. Curieusement, on ne trouve pas un tableau récapitulatif des économies attendues en annexe. Selon le calcul que j’ai opéré, leur total avoisine 25 milliards d’euros d'ici 2022.

Tout n’est pas à rejeter dans cette démarche. Plusieurs des orientations esquissées et des mesures préconisées sont tout à fait valables. Certains sujets, notamment tout ce qui tourne autour de l’usage du numérique dans l’administration, sont débroussaillés avec finesse. Ce serait une erreur que de présenter ce rapport comme une machine à massacrer le service public. Tout va maintenant dépendre de la suite qui va lui être donnée et dont nous allons avoir, dès cet automne, de premiers aperçus.

II – Les orientations générales du rapport sont présentées dans ses première et deuxième parties, respectivement intitulées « Nos convictions » et « Changer de modèle ».

Parler de « nouveau modèle » et de « transformation radicale » est quelque peu présomptueux. Nous sommes loin d’une révolution copernicienne. Sur beaucoup de points (la place partout donnée aux notions d’évaluation, de coordination et de simplification), le rapport ne fait qu’enfoncer des portes déjà ouvertes ou entrouvertes. Vouloir un service public plus accessible, plus personnalisé, plus réactif et faisant place à une plus grande participation des citoyens est un souhait largement partagé.

Deux orientations structurantes, toutes deux inspirées de la gestion privée que pratiquent deux des trois co-présidents du comité, méritent cependant un examen attentif.

La première concerne l’organisation du service public pour lequel le rapport préconise la dévolution d’une pleine responsabilité de gestion aux dirigeants des structures administratives, notamment celles chargées de missions opérationnelles : mandats stables aux managers, contrats pluriannuels sur les objectifs et les moyens, contrôles a posteriori plus qu’a priori, ceci pouvant aller jusqu’à la constitution, dans un certain nombre de secteurs clefs, d’agences auxquelles seraient confiées toutes les activités opérationnelles. Je suis pour ma part tout à fait ouvert à cette évolution. Sans aller jusqu’à la situation que j’ai connue à la tête d’une grande entreprise publique, dont j’ai toujours jalousement défendu l’autonomie de gestion, je pense que, pour les grands services publics administratifs également, une formule donnant plus d’initiative et de responsabilité aux responsables de l’entité considérée doit pouvoir être dégagée.

La seconde, en lien avec la précédente, porte sur le sujet socialement très sensible du rapport entre l’administration et ses collaborateurs. Le vocabulaire utilisé par les auteurs du rapport est à la fois prudent et significatif : il s’agit d’offrir davantage d’agilité et de souplesse aux employeurs publics, de leur donner des marges de manœuvre accrues. Pré-recrutements, contrats de droit privé, dérogations possibles au statut, échanges entre secteur privé et public, encouragement des départs volontaires et stimulants mis en place pour l’exercice des activités difficiles, la palette des mesures évoquées est très large. Tout ceci est censé s’opérer dans le cadre d’un dialogue social de proximité dont le rapport souligne la nécessité mais sur lequel il ne donne aucune précision. On comprend donc que les syndicats se montrent très réservés sur ce point. Je ne suis personnellement pas hostile à l’introduction d’éléments de souplesse dans un système que l’on peut effectivement considérer trop rigide sur certains points. Pour avoir mené au début des années 2000, sur la commande de Michel Sapin, une réflexion sur le dialogue social dans la fonction publique, qui ne trouvera paradoxalement son débouché que dans un accord conclu sous le quinquennat Sarkozy, je sais que ce sujet est difficile mais que l’on peut progresser dans la bonne foi réciproque. La fonction publique a ses spécificités qu’il faut garantir mais on peut y établir, sur des bases qui ne peuvent être les mêmes que dans le secteur privé, un équilibre au moins aussi fécond. Cela ne peut toutefois se faire que dans un climat de confiance et par la voie de la négociation.

III – Sur le numérique, traité horizontalement en partie 2, mais dont on retrouvera ensuite des applications dans toutes les développements du texte, je trouve le rapport bien inspiré, même s’il faut rester prudent par rapport à la faisabilité de certains objectifs affichés, tel celui de la « société zéro cash ».

Il est sûr que le service public français n’a pas encore su tirer parti de toutes les potentialités de la révolution numérique. Les analyses présentées et les recommandations formulées dans les propositions 3 (investir dans le numérique pour offrir un service public augmenté, plus efficient et qui réinvente ses relations avec les usagers) et 4 (assurer le dernier kilomètre du service public dans un monde numérique) me paraissent tout à fait pertinentes. Je retiens en particulier :

–       la nécessité d’un effort important d’investissement dans le matériel comme dans la formation et les dispositions à prendre pour attirer et conserver les talents qui existent en ce domaine ;

–       l’automatisation des tâches répétitives réalisées sans interaction directe avec l’usager ;

–       le recentrage de l ‘action des agents sur leurs missions d’accompagnement, d’écoute et de conseil des usagers ;

–       et le développement d’un réseau de maisons de service au public, au sein desquelles des agents polyvalents seraient en mesure, sur des plages horaires étendues, d’accueillir, conseiller et orienter les utilisateurs du service public.

Ceci dit, tout n’est pas acquis d’avance et des précautions sont à prendre. Le recours accru au numérique ne doit pas conduire à transférer sur l’usager une charge de travail qui incombe à l’administration. Il peut être source d’exclusion sociale pour des populations que leur âge, leur revenu ou leur niveau de formation rendent inaptes à profiter de ses apports et des dispositions adéquates doivent être prises pour y pallier.

Pour les auteurs du rapport, le numérique doit permettre non seulement d’assurer un meilleur service public mais aussi de diminuer les dépenses de fonctionnement : je n’en suis pas persuadé. Mais la voie qu’il ouvre est à l’évidence incontournable et il faudra en assumer les implications.

IV – Je n’entrerai pas ici dans le détail des propositions sectorielles présentées dans la troisième partie du rapport, me limitant à quelques observations générales sur le champ de l’étude et à l’examen de certains sujets qui rejoignent les travaux de nos associations ou l’actualité du moment.

1 – La commande gouvernementale comportait, sous la forme d’un catalogue sans ossature, une liste de 21 politiques sur lesquelles le comité était invité à réfléchir. Plusieurs ont été laissées de côté.

Les activités régaliennes n’ont été que très partiellement traitées. Il n’y a rien dans le rapport, on peut le comprendre en raison de la spécificité de ces questions, sur les affaires extérieures et la défense. La justice est abordée sous deux angles limités mais importants l’un et l’autre, les délais de jugement et les modalités d’incarcération (où l’on attend beaucoup, encore le numérique, de la formule de « l’arrêt domiciliaire »). La politique de la sécurité n’est pas traitée, ce que l’on peut regretter compte tenu de la nature et de l’importance des problèmes qui se posent en ce domaine.

Au final, une douzaine de chapitres sont ouverts. Outre la justice, ils concernent la santé, l’éducation, le logement, l’emploi, l’aide sociale, les services financiers et l’audiovisuel. Mais les questions qui transcendent ces différents champs sectoriels ne sont pas appréhendées avec l’ampleur et le recul qui eussent été souhaitables. Manque ainsi une vision stratégique sur les deux dimensions fondamentales que sont pour l’action publique celle de la population et celle des territoires.

Quel avenir pour la population française ? Comment réagir à la pression migratoire ? Comment assurer l’intégration sociale et culturelle des populations qu’accueille notre pays ? Devons-nous avoir encore une politique familiale ?

Quel aménagement du territoire ? Quelle politique urbaine ? Quid du traitement des problèmes des quartiers dits difficiles ? Envisage-t-on de reprendre tout ou une partie des propositions du rapport Borloo ? Quelle politique des transports ?

On ne trouve rien sur ces points et la qualité du rapport s’en ressent.

2 – J’ai peu d’observations à formuler au sujet des propositions 5 à 7, concernant la santé prise au sens large, à savoir l’administration des soins (réduire le renoncement aux soins, améliorer l’espérance de vie en bonne santé et désengorger l’hôpital), la vieillesse (retarder l’entrée dans la dépendance et mieux prendre en charge les personnes concernées) et le handicap (simplifier la vie des handicapés et celle de leurs proches). Les orientations dégagées sur ces points m’ont parues assez justes et la plupart des mesures envisagées, souvent il est vrai d’une manière encore trop imprécise, me semblent dans leur principe pertinentes.

S’agissant des soins, l’accent est mis sur le décloisonnement du système grâce à une meilleure articulation entre médecine de ville et hôpital, sur une meilleure adaptation de l’offre aux besoins locaux et sur la bonne utilisation du numérique. Beaucoup d’espoirs (sans doute un peu trop) sont placés dans le développement de la télémédecine au profit des patients vivant dans des déserts médicaux et pour faciliter la pratique des soins à domicile. Mais la possibilité de voir ces mesures mener à une économie sensible de la dépense (estimée à 5 milliards pour 2022) reste à démontrer, aucun élément concret d’évaluation n’étant donné à ce sujet.

S’agissant de la vieillesse, on ne peut évidemment qu’approuver la volonté d’aider les personnes âgées à vivre chez elles aussi longtemps que possible. Mais les modalités de la réorientation du système de financement prévue à cet effet restent très imprécises. L’idée séduisante d’une « réflexion ambitieuse sur le financement de la dépendance, via la création éventuelle d’un 5e risque » laisse malheureusement le lecteur sur sa faim, pas un mot de plus ne lui étant consacré.

Sur le handicap aussi, les intentions sont bonnes. Le rapport insiste à juste titre sur la nécessaire amélioration de l’information et des procédures et sur l’effort à accomplir en matière de formation. L’effet attendu ici est une amélioration significative du taux de satisfaction des usagers et il prend la forme originale d’une « baisse du nombre de pages transmises chaque année aux services publics » pour l’établissement des dossiers.

3 – Au terme d’une année largement consacrée à la préparation de l’ouvrage du CIRIEC sur l'éducation et l'intérêt général, qui doit sortir cet automne, j’attendais avec intérêt les propositions consacrées à ce sujet. Leur examen m’a fortement déçu.

Sur l’enseignement scolaire (proposition 8, réduire les inégalités et placer la France dans les 10 meilleurs systèmes éducatifs mondiaux), je doute que Jean-Michel Blanquer, qui a plutôt bien mené sa barque jusqu’à présent, trouve dans le rapport beaucoup d’orientations nouvelles. Le document reprend dans ce domaine la même antienne que partout ailleurs : évaluation, déconcentration et responsabilisation des chefs d’établissement. Il insiste à juste titre sur l’importance de la formation des enseignants, reprenant l’essentiel des propositions que Daniel Filâtre, auteur d’un rapport sur ce sujet, a présentées dans notre livre. Mais c’est en vain que l’on y chercherait une analyse des sources d’inégalité ou des préconisations sur les terrains cruciaux que constituent l’éducation prioritaire et l’enseignement professionnel.

Sur l’enseignement supérieur (proposition 9, augmenter et améliorer l’accueil en différenciant l’offre), la copie est banale (autonomie accrue des universités, pilotage par le contrat et assouplissement de la gestion des ressources humaines en enseignants-chercheurs) et j’hésiterais pour ma part à lui donner la moyenne.

4 – C’est à propos des interventions publiques visant à faciliter la vie quotidienne des Français, leur emploi, leur logement et leurs ressources que le rapport aura sans doute les débouchés les plus immédiats car ces questions sont à l’ordre du jour des prochains débats parlementaires.

Sur l’emploi, les auteurs du rapport se montrent résolument optimistes. Anticipant une prochaine baisse du chômage, ils se demandent déjà comment l’on parviendra à réduire en conséquence les effectifs de Pôle Emploi. La mesure principale qu’ils préconisent est la mise en place d’un « chéquier d’évolution professionnelle » qui permettrait au chômeur de mieux utiliser la gamme des services qui lui sont offerts (formation, aide à la mobilité et conseil) et d'ainsi raccourcir la durée du chômage.

Sur le logement, le rapport présente un ensemble assez fouillé de propositions visant à faciliter la construction dans les zones tendues, à fluidifier les parcours résidentiels et à améliorer l’accès au parc social. Je n’en dirai pas plus sur ces recommandations dont la technicité me dépasse, tout en notant au passage que l’on en attend des économies importantes dont l’incidence est à peser.

Sur les ressources, la proposition n° 12 (simplifier les dispositifs sociaux au titre de la solidarité nationale et mieux accompagner ceux qui en ont le plus besoin) articule un ensemble de recommandations qui seront sans doute à la base du plan de lutte contre la pauvreté annoncé pour cet automne par le gouvernement et qui méritent d’être examinées avec attention.

L’idée de base est de refondre l’architecture des minima sociaux en allant vers une allocation sociale unique dont le montant sera fixé en fonction de l’âge, de la situation familiale et du handicap éventuel. Ce n’est pas le revenu universel imaginé par Benoît Hamon lors de la dernière campagne présidentielle. Nous restons sur le registre de la solidarité. À terme, le nouveau dispositif devrait remplacer le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et l’allocation de solidarité spécifique versée aux chômeurs en fin de droit (ASS).

Dans ce système, que deviennent les prestations familiales ? Elles devraient semble-t-il subsister mais être désormais toutes soumises à une condition de ressource. Ainsi, serait définitivement abandonné, ce que pour ma part je regrette profondément, le principe d’universalité des allocations et avec lui ce fleuron de l’action publique qu’aura longtemps été pour notre pays l’existence d’une véritable politique de la population.

Le rapport aborde aussi la question du revenu de remplacement en cas d’arrêt de travail de courte ou de longue durée, maladie ou incapacité, en suggérant, à juste titre, de mettre l’accent sur la compensation du risque long.

Là comme dans tous les autres chapitres, les avantages à attendre de l’utilisation du numérique sont abondamment soulignés. Mais est bien noté aussi le risque que la transformation numérique ne se traduise pour certains publics par une détérioration de l’accès aux prestations. Une forte insistance est mise sur l’amélioration nécessaire des dispositifs d’accueil et d’accompagnement et sur la formation des travailleurs sociaux.

Au final, nous trouvons dans cette partie du rapport une bonne base pour la discussion qui va bientôt s’ouvrir. L’issue qu’elle trouvera constituera un test pour juger de l’orientation générale de la politique gouvernementale.

V –  La question de la dépense publique est, je l’ai dit, présente tout au long du rapport. Dès le départ, à l’énoncé des convictions, il est proclamé comme une évidence que « la dépense publique n’est pas soutenable ».
La recherche d’économie est présente dans toutes les propositions sectorielles et elle revient en force dans la partie 4, intitulée « éviter les dépenses publiques inutiles ».

1 – Je ne reviendrai pas ici sur les inconséquences, régulièrement dénoncées par les travaux de nos associations, qui entachent le discours dominant sur ce point. La comparaison, opérée par le rapport lui-même, entre la situation de la France et celle des autres pays européens, illustre pourtant nos analyses. En effet, quels sont les trois domaines dans lesquels la dépense en France est plus forte qu’ailleurs ? « La protection sociale, notamment les retraites, les interventions économiques et la santé » nous est-il dit à la page 21, c’est-à-dire trois domaines dans lesquels, en totalité pour les deux premiers et très largement pour le troisième, on est en présence non d’une production publique, qu’il est légitime de comparer au produit  national, mais d’un transfert de ressource qui a une portée économique tout à fait différente. On ne le dira jamais assez : la communication sur la dépense publique, telle que véhiculée aujourd’hui par les médias et reprise par la plupart des commentateurs, n’est pas objective. Elle altère la vérité économique. La démarche que s’apprête à engager à cet égard l’association de service public pourrait être salutaire.

Passons ce point et restons dans la problématique du rapport. Les économies attendues viennent pour moitié des réformes sectorielles analysées ci-dessus (principalement la santé, le logement et les services financiers), pour moitié des actions préconisées dans la dernière partie du rapport, qui relèvent de deux domaines très différents, l’administration territoriale et les interventions économiques de l’État.

2 – À mon sens, le sujet de l’administration territoriale aurait mérité d’être abordé dans une optique plus large que celle de la recherche d’économie. Il est traité sous l’angle de la décentralisation (proposition 18, supprimer les doublons et améliorer les partenariats entre l’État et les collectivités territoriales ) et de la déconcentration (proposition 19, renforcer la cohérence de l’action publique territoriale).

Dans la première direction sont envisagés l’achèvement ou la réalisation d’importants transferts de compétence de l’État vers les collectivités territoriales (notamment les régions), s’accompagnant de l’allègement voire de la suppression des services de l’État correspondants. Ces transferts pourraient intervenir dans des secteurs très divers (action sociale, développement économique, énergie, transports, logement etc). Ils seraient organisés par des « contrats de territoire » et ne seraient pas nécessairement uniformes, la présence de l’État pouvant ainsi, nous dit-on, être réaffirmée dans les territoires plus fragiles. L’évolution ainsi esquissée n’est pas déraisonnable. Mais elle est d’une grande ampleur et elle suppose l’adhésion d’une grande diversité d’interlocuteurs. Je ne vois pas qu’elle puisse être menée autrement que dans le cadre d’une grande consultation nationale dont la faisabilité reste à démontrer dans le contexte politique actuel.

S’agissant de la réorganisation et de la déconcentration des services de l’État  (proposition 19, renforcer la cohérence de l’action publique territoriale) des mesures de portée diverse sont suggérées dans les domaines de la justice, de la police et de la sécurité, du contrôle des entreprises, des aides agricoles, de la gestion comptable des entités publiques, du périmètre des académies et de l’organisation des préfectures ou des ambassades. Elles ne soulèvent pas de problèmes de principe et sont à examiner cas par cas.

3 – Le sujet des interventions économiques de l’État est rarement évoqué dans les décomptes d’économie possibles de la dépense publique. On parle plus volontiers du « pognon de dingue » des aides sociales, que des sommes dispensées, sous forme de subventions ou de niches fiscales, à de nombreux secteurs d’activité. Prompt à dénoncer le gaspillage de l’argent public, le MEDEF reste très discret sur ces points. Il faut donc se féliciter de ce que le rapport s’intéresse à ces questions. Il le fait, il est vrai, avec beaucoup de pudeur. Il s’agit de supprimer « certaines » aides, « certains » taux réduits de TVA, « certaines » exonérations sociales : nous n’en saurons pas beaucoup plus, sauf en ce qui concerne les aides à la transition énergétique et aux transports aériens qui sont plus spécifiquement ciblées. Compte tenu de la suppression proposée par ailleurs de petites taxes à faible rendement, l’effet attendu est de 5 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable.

4 – Les deux dernières propositions du rapport portent sur la mutualisation des achats publics, l’externalisation de certaines activités et le paiement direct par l’usager de certains services publics (contrôle sanitaire, infrastructures de transport, services consulaires et services rendus par les chambres de commerce). Elles sont relativement équilibrées et n’appellent pas d’observations particulières de ma part.

VI – Au terme de cette analyse, il est légitime de se demander pourquoi le gouvernement a jusqu’à présent différé la publication officielle de ce rapport.

Nous sommes en présence d’un document sérieux et intéressant. Certes, il s’inscrit dans le cadre d’une vision politique que je ne partage pas.

Il n’est pas non plus sans défauts techniques : manque d’envergure de la démarche, qui ne dessine pas vraiment une stratégie globale de l’action publique ; utilisation parfois biaisée des données, qui sont mises au service des propositions du rapport avant d’avoir été présentées d’une manière objective ; vague ou imprécision de nombre des idées avancées et des mesures préconisées.

Tel quel, cependant, il ne détonne nullement dans la panoplie des rapports administratifs.

Le droit à l’information des citoyens inclut normalement, me semble-t-il, la prise de connaissance d’une étude telle que celle-ci, effectuée à la demande du Premier Ministre, menée avec les moyens de l’administration, portant sur un sujet qui intéresse l’ensemble des acteurs sociaux et ne contenant rien qui doive rester confidentiel.
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