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16 / 01 / 2019 | 13 vues
Theuret Johan / Membre
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De la confiance pour moderniser la fonction publique

À l'heure de la transformation numérique, de la dématérialisation croissante des relations avec les usagers et de l'ubérisation de l'économie qui concerne aussi les administrations, nos fonctions publiques doivent être modernisées.

Pas modernisées au sens d'une dégradation des services publics mais pour répondre aux nouveaux usages et aux attentes des Français. Pour cela, le statut doit être simplifié pour être plus opérationnel, afin d'en alléger la gestion administrative et de renforcer la gestion des parcours professionnels des agents. Son fonctionnement doit être revisité pour sortir des organisations bureaucratiques en silo au profit d'administrations plus transversales.

Ce vaste champ de modernisation, tant statutaire que managérial, trouve un écho favorable dans la population et auprès des agents publics.

  • Mais doit-on inscrire cette modernisation dans le « fonctionnaire bashing » ?
  • Faut-il moderniser avec un objectif de suppression comptable de 120 000 postes ou faut-il moderniser la fonction publique pour la rendre plus efficace dans ses relations aux usagers ? 

Si la réforme de la fonction publique est nécessaire, elle doit se faire dans un cadre de confiance. Les gilets jaunes ont montré que les réformes incomprises devenaient rapidement illégitimes.

  • Faut-il réformer la fonction publique sans concertation ou donner du sens à cette modernisation ? 

L'écoute et la participation citoyenne semblent une première nécessité. Au moment où 10 milliards de dépenses non prévues grèvent soudainement le budget de l'État, imaginer réduire la dépense publique à la hussarde pour financer les mesures est un leurre. La participation citoyenne initiée par le Président de la République pourrait réaffirmer l'attachement des Français aux services publics et leur financement dans le cadre d'une vraie justice fiscale.

Cependant, l'attachement aux services publics ne doit pas empêcher leur modernisation. Pour être légitime aux yeux des agents publics, celle-ci doit s’appuyer sur la concertation, le dialogue et le compromis, ce que nous appelons l'élaboration d'un pacte de confiance. Il faut donc sortir des réformes masquées, concoctées par des groupes d'experts issus des mêmes rangs. 

Plus de 5 millions d'agents publics attendent un cadre et des objectifs de réforme. Attachés aux valeurs du service public et aux valeurs d'équité, il est légitime de réaffirmer que leur temps de travail soit de 1 607 heures. Légitime également par équité d'instaurer la journée de carence. Légitime d'attendre davantage de gains de productivité grâce à la numérisation et à la simplification. Mais cela ne fait pas une réforme. Cela stigmatise les fonctionnaires, comme la hausse indistincte de la CSG a pu le faire pour les retraités.

C'est pourquoi, au-delà des économies susceptibles d'être générées par une réforme de la fonction publique, nous devons donner du sens à cette réforme. La fonction publique a besoin de respirer en s'allégeant, d'être représentative de la diversité de la société française et d'être garante d'un modèle. Ainsi, commençons par reconnaître la fonction d'employeur public dans toute sa plénitude pour que la fonction publique réponde aux nouveaux besoins des usagers, aux exigences de mutations et de performances des services publics ainsi qu'aux aspirations individuelles des agents. À la simple gestion administrative du personnel doit se substituer une réelle gestion des emplois et des compétences.

De nouveaux outils sont ainsi nécessaires : modulation des régimes indemnitaires en fonction de l'engagement collectif, voire la création d'un intéressement ou d'une participation aux résultats, simplification des procédures disciplinaires et du licenciement pour insuffisance professionnelle, mise en place de cessations progressives d'activité pour les métiers pénibles, et d'un bilan de compétences à mi-carrière.

L'attractivité et l'ouverture de la fonction publique nécessitent des changements dans ses conditions d'accès, sans pour autant casser le statut.

Les modalités de mise en œuvre du contrat peuvent être améliorées et assouplies (création de contrats de mission, allongement des durées et possibilité de recourir à des apprentis) mais le recours au contrat doit rester dérogatoire. Le recrutement par concours, certes perfectible, demeure un vecteur de professionnalisation et d'égalité des chances.

Si les objectifs de réforme sont définis, discutés et partagés, un climat de confiance sera institué.

Faut-il encore que les agents publics puissent bénéficier de contreparties légitimes.

  • N'est-il pas temps de mettre fin à l'hypocrisie de la précarité dans la fonction publique qui concerne très majoritairement les femmes ?

Faute de possibilités juridiques adaptées, bien des employeurs publics doivent continuer de recruter des agents, privés de la prime de précarité ou dans des situations précaires que les inspections du travail ne tolèreraient pas dans le secteur privé.

  • Ne faut-il pas instaurer une protection sociale complémentaire obligatoire (comme il en existe dans le secteur privé depuis l'ANI) ?
  • Pourquoi ne pas mieux organiser les mobilités professionnelles à l'échelle des bassins d'emplois en décloisonnant les fonctions publiques et en rénovant les dispositifs institutionnels et numériques inadaptés pour offrir de nouvelles perspectives professionnelles ? 

L'Association des DRH des grandes collectivités porte un discours de rénovation de l'administration, incite à la responsabilisation des acteurs qu'ils soient employeurs ou agents dans ce besoin de modernisation. En même temps, il faut donner à tous des gages de confiance et d'écoute, en un mot réformer par le dialogue. 

Tribune également publiée le 10 janvier dans Les Échos.

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