Groupe EDF: Une inquiétude concernant la faisabilité des objectifs du plan Ambitions 2035
Nous considérons que le plan Ambitions 2035 constitue un ensemble d’objectifs pertinents pour le développement industriel et économique du Groupe EDF.
Nous avons été particulièrement sensibles au fait que, d’une part, la France soit redevenue le «pays cœur» des ambitions du Groupe EDF et que, d’autre part, EDF ambitionne à nouveau de devenir numéro 1 mondial ou européen dans divers domaines stratégiques, tels que la production décarbonée, le nucléaire et la gestion des réseaux.
Cela est encourageant, surtout après une période où la France ne semblait plus être une priorité pour le Groupe EDF, malgré sa contribution financière significative aux comptes sociaux de l’entreprise.
Nous avons également ressenti par le passé que certains métiers, notamment dans le nucléaire, étaient dévalorisés dans l’opinion publique et politique, ce qui a conduit à un sous-investissement et à un désintérêt, voire à un rejet, comme en témoigne la fermeture emblématique de Fessenheim.
Par ailleurs, la concurrence étrangère sur les modèles de réacteurs et les sous-investissements dans les réseaux par exemple accentuaient ce sentiment de morosité et de défaitisme autour d’EDF.
Ainsi, nous saluons cette volonté affichée de redonner à EDF une position de leader mondial, tout en réaffirmant son rôle de modèle industriel d’excellence, tel qu’il l’a été par le passé.
Des remarques sur certains points manquants du plan Ambitions 2035
Cependant, notre fédération lors de la réunion du comité de groupe France a tenu à attirer l'attention sur plusieurs points manquants.
Tout d’abord, nous avons noté l’absence de deux éléments fondamentaux qui font partie intégrante de l’ADN de notre entreprise : le service public et le caractère intégré du Groupe EDF.
Selon nous, ces deux dimensions doivent impérativement figurer dans les ambitions 2035, d’autant plus que les objectifs affichés sont clairement ceux d’une entreprise intégrée à travers la vision globale du système électrique.
En son temps, feu Marcel Boiteux a théorisé ce point dans les moindres détails.
- Le service public est une mission centrale d’EDF, d’Enedis, de RTE, et d’autres filiales dont Electricité de Strasbourg par exemple. Or, cette notion semble absente de vos objectifs.
- Quant au caractère intégré du Groupe EDF, il constitue un avantage compétitif crucial qui différencie EDF des autres énergéticiens mondiaux et garantit sa solidité financière. Lors des appels d’offres internationaux, cet atout confère au Groupe une réelle valeur ajoutée.
Par ailleurs, nous sommes surpris qu’aucune ambition sociale ne figure explicitement dans le plan Ambitions 2035, hormis le volet relatif au développement des compétences.
Rappelons que ces objectifs ne pourront être atteints qu’avec l’implication de salariés motivés et bien formés.
Une solide base sociale est indispensable pour garantir la réussite de ces projets.
À cet égard, EDF doit également retrouver sa place de leader en matière d’ambitions sociales, comme elle l’a longtemps été.
Une inquiétude concernant la faisabilité des objectifs du plan Ambitions 2035
Notre organisation syndicale souhaite également exprimer une inquiétude quant à la viabilité des ambitions présentées. Ces dernières pourraient être rapidement remises en cause par une conjoncture économique et politique instable, susceptible d’évoluer très rapidement.
Ce qui est vrai aujourd’hui peut devenir caduc demain. Un exemple concret concerne la demande supplémentaire d’électricité de 150 TWh en remplacement des énergies fossiles, qui constitue un pilier central des ambitions 2035.
Or, selon plusieurs études, cette demande pourrait ne pas se concrétiser. ¾ La réindustrialisation tarde à se matérialiser.
- Le prix du CO2 n’atteint pas un niveau suffisant (au-delà de 70 € la tonne) pour encourager un basculement massif vers l’électricité.
- Le développement des énergies renouvelables et la modulation du parc nucléaire posent problème.
- Les prix de l’énergie, en baisse, ne favorisent pas la conclusion de contrats post-Arenh.
Ces études indiquent que la croissance de la demande en électricité ne se produira pas avant la fin de la décennie. Cela pose un sérieux problème au regard des investissements humains et financiers déjà engagés.
Le Groupe EDF recrute actuellement à un rythme soutenu, mais si la demande d’électricité n’augmente pas, cela pourrait remettre en cause la pérennité de certains emplois. Nous craignons également des incohérences entre ces recrutements massifs et la baisse des projets d’ingénierie qui pourraient résulter du manque d’électrification des usages.
Notre fédération reste toutefois confiante dans la capacité du Groupe EDF à relever ces défis. Nous serons proactifs pour contribuer à la réussite de ces ambitions, à condition qu’elles prennent davantage en compte les dimensions sociales et humaines de l’entreprise.