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03 / 07 / 2018 | 6 vues
Ofi Asset Management / Membre
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Vers un monde de divergences ?

Après plusieurs décennies de mondialisation marquées par une coopération commerciale, des phases de convergences politiques et économiques (voire de styles de vie), le monde semble tout-à-coup soumis à des dirigeants « autocentrés » : guerre commerciale, tensions géopolitiques et discordes européennes, sans parler de la moindre lisibilité de la BCE… Tous ces éléments entament la confiance des investisseurs alors que les statistiques économiques restent correctes et que les résultats des entreprises sont plutôt bons. Ce contexte provoque une remontée de l’aversion du risque, qui pourrait durer encore quelque temps…

Les ressorts qui ont favorisé l’expansion mondiale depuis vingt ans (liberté de mouvement des capitaux, des biens et des services et aussi, dans une certaine mesure, des personnes, convergence européenne…) sont sérieusement mis à l'épreuve ces derniers temps.

D’abord par un retour des mouvements protectionnistes déclenchés par les États-Unis. La « guerre commerciale » prend une tournure plus incertaine. Les différentes mesures décidées par l’administration américaine visent à séduire l’électorat populaire à l’origine de l’élection du président mais l’escalade commence à inquiéter. Si les effets concrets induits semblent faibles (de 0,1 à 0,2 % d’augmentation des prix à l’importation aux États-Unis), les effets psychologiques pèsent sur la confiance des chefs d’entreprises et la facture peut au final retomber sur les consommateurs, entravant ainsi leur pouvoir d’achat dans des conséquences de « second tour »… L’imagination américaine semble florissante sur ce sujet, comme nous venons de le constater avec les restrictions faites aux entreprises chinoises au sujet de leurs investissements aux États-Unis. La Chine a commencé à riposter, de même que l’Europe, mais les moyens d’actions sont limités car le marché américain est trop important actuellement.
Bref, il est clair que ce conflit est plus profond qu’anticipé et peut dégénérer au-delà des élections américaines de « mid-term » qui auront lieu en novembre prochain. Les marchés commencent à prendre ce paramètre en compte : dégradation potentielle des perspectives de croissance, déstabilisation potentielle du marché des changes, notamment émergents si la Chine laisse filer sa monnaie (le RMB vient de perdre 3 % contre le dollar depuis mi-juin).

Parallèlement, les divergences s’accentuent nettement aussi en zone euro. La question des migrants est un catalyseur qui met en évidence une situation plus compliquée et une problématique plus profonde. Les mouvements populistes en Europe, de plus en plus puissants un peu partout, sont certes portés par cette question des migrants mais la raison provient également d’un manque de confiance dans la construction européenne. Il y a une cassure importante depuis la crise financière de 2008. Nous l’avions déjà signalé mais rappelons que dans la zone euro, l’endettement des États est de 85 % du PIB de la zone, ce qui est bien au-delà des limites fixées par le traité d’union monétaire. Il y a de surcroît beaucoup d’écarts entre les pays avec schématiquement une Europe du Nord plutôt vertueuse, qui revient « dans les clous » après les dépassements liés à la crise de 2008 (au premier rang desquels figure l’Allemagne, en excédent budgétaire ces dernières années et dont la dette va prochainement passer sous le seuil de 60 % du PIB) et une Europe « latine » plus laxiste (dont la France qui a été l’un des derniers pays à passer sous le seuil de 3 % de déficit budgétaire et dont la dette avoisine 100 % du PIB). La pression pour davantage d’austérité (prônée par Bruxelles, alors qu’une part importante de la population a le sentiment d’être écartée de la prospérité) explique naturellement la montée des extrêmes. Dans ces conditions, le programme de la nouvelle coalition en Italie, s’il est appliqué, va creuser les déficits budgétaires et la dette, pesant ainsi logiquement sur les obligations gouvernementales italiennes. En effet, il est clair que la pérennité de l’euro se pose à nouveau et une réponse politique forte est attendue.

Enfin, sur le plan géopolitique (nous l’avons constaté au dernier sommet du G7), il n’y a pas d’unité dans la conduite des affaires du monde. En outre, la situation s’est compliquée au Moyen-Orient avec la décision américaine de mettre fin à l’accord avec l’Iran, ce qui a obligé un certain nombre d’entreprises européennes à s’adapter.

Sur des sujets plus financiers, les marchés s’interrogent aussi sur la divergence de politiques monétaires de plus en plus flagrante entre les États-Unis et la zone euro.

Aux États-Unis, Jerome Powell prouve de plus en plus qu’il est plus pragmatique que théoricien. Il a donné un double message aux marchés : d'une part, il ne s'inquiète pas sur la croissance et, d’autre part, il indique qu’il va surveiller la remontée de l’inflation et qu’il agira selon les cas, sans vraiment de niveau prédéfini. La notion de « taux neutre » théorique n’est pas vraiment évoquée, contrairement aux développements de Janet Yellen. Toujours est-il qu’il y aura finalement quatre hausses des fed funds cette année et que le niveau atteint à la fin du cycle en 2019-2020 sera autour de 3,20 %, alors que, pour l’instant, les marchés l’attendent plutôt à 2,75 % à cette date. Ces dernières années, les anticipations de marché ont été plus justes que les « dots de la fed »… Cela pourrait constituer un élément de surprise.

En zone euro, Mario Draghi a surpris : la fin du quantitative easing (rachats massifs de titres de dettes par une Banque Centrale) est programmée pour la fin de l’année mais surtout il n’y aura pas de relèvement des taux avant un an. Ceci signifie que la BCE pourrait commencer à remonter ses taux d’intérêt à la fin du cycle de croissance américain, donc au moment où la Fed deviendrait plus accommodante. Cela semble délicat car dans ces conditions elle n’aurait plus de marge de manœuvre en cas de ralentissement mondial. La question est donc de savoir si, cette fois-ci, Mario Draghi n’est pas trop en retard dans le cycle de normalisation. Il est vrai que, dans un premier temps, la force de l’euro l’avait freiné. Cette fois-ci, c’est probablement les tensions sur les spreads souverains périphériques de la zone euro.

Certes, un ralentissement du « momentum » macroéconomique a été observé ces derniers mois, de même que (là aussi) une certaine divergence/désynchronisation entre les zones, mais rien de trop inquiétant à ce stade. D’ailleurs, les grands instituts de conjoncture tels que le FMI et l’OCDE, s’ils ont noté quelques dangers potentiels liés à une baisse de la confiance au vu des événements que nous avons décrits, n’ont pas révisé à la baisse leurs objectifs de croissance mondiale à 3,9 % cette année et l’année prochaine. Par ailleurs, les « indices de surprise » macroéconomiques qui s’étaient fortement détériorés en début d’année commencent à remonter.

Aux États-Unis
, les effets de la réforme fiscale font de plus en plus débat et la hausse observée des salaires, de même que le renchérissement des matières premières, pourraient engendrer un tassement de l’activité ces prochains mois. En effet, de plus en plus d’économistes estiment que l’effet de ces baisses et franchises d’impôt bénéficieront surtout aux sociétés technologiques, ce qui améliorera leurs comptes sans qu’elles n’investissent forcément dans l’économie domestique. Ceci étant dit, la croissance américaine reste solide et pourrait dépasser 2,5 % cette année.

En zone euro, l’économie a effectivement ralenti au premier trimestre mais il s’agit a priori d’une décélération ponctuelle après un dernier trimestre 2017 exceptionnel. L’investissement des entreprises a déçu et nous notons également quelques tensions salariales significatives sur les segments de main-d’œuvre qualifiée. Mais au final, la croissance devrait tout de même dépasser 2 % cette année.

La situation des pays émergents est beaucoup plus contrastée
car il y a eu des chocs sur de nombreuses devises, ce qui a provoqué une remontée de l’inflation et redonne une pression budgétaire compte tenu des dettes émises en monnaies fortes. Tous les pays ne sont pas tout-à-fait dans la même situation car les pays producteurs de pétrole ont bénéficié de la hausse des cours et certains sont moins endettés que d’autres. Mais, la croissance dans les pays émergents va ralentir, notamment en Chine. Ce pays a plutôt surpris positivement au premier trimestre mais, là aussi, le momentum ralentit. L’effet d’une guerre commerciale plus dure pèse naturellement. Le pays est aussi dans une grande mutation. Le mot clef est assainissement. L’assainissement moral avait commencé dès le début de la présidence Xi par une sévère lutte anticorruption qui a marqué les esprits. Assainissement écologique et sanitaire ensuite, le mécontentement de la population à la suite de plusieurs affaires de contamination dans l’alimentation et en matière de pollution était grand. Pour ce qui nous concerne plus particulièrement, assainissement financier : fermetures d’usines dans les secteurs de la vieille économie, en surcapacité et qui était subventionnée (acier, charbon…), les entreprises qui ne sont pas viables feront faillite et ne seront plus sauvées et, d’une façon générale, « deleveraging » global de l’économie. Finalement, la croissance va donc ralentir tendanciellement vers 5 % à terme mais sera de meilleure qualité.

Du côté des comptes des entreprises, en revanche, les résultats sont bons dans l’ensemble de part et d’autre de l’Atlantique. Aux États-Unis, nous avons assisté à un mouvement spectaculaire de révisions à la hausse des bénéfices suite à la réforme fiscale et la dynamique est la plus forte depuis le point bas du cycle de l’année 2009. Les prévisions pour cette année sont de près de 20 %. Mais même sans tenir compte de la réforme, la progression des bénéfices serait de l’ordre de 10 %, ce qui est solide pour un cycle déjà bien mature. En Europe également, les entreprises ont publié des comptes très solides au premier trimestre et les perspectives positives redeviennent plus crédibles après la récente hausse du dollar. Sa faiblesse avait un peu alarmé les analystes en début d’année. La progression des bénéfices devrait être de l’ordre de 10 % cette année.

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