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Une différence de rémunération entre Paris et la province admise par la Cour d’appel de Douai
L’argument selon lequel le coût de la vie serait plus élevé à Paris qu’en province est souvent utilisé pour tenter de justifier des différences de traitement. Le patronat, appuyé de certains économistes, a d’ailleurs brandi cet argument pour revendiquer une réforme du SMIC, qui serait variable d’une région à l’autre.
Autant dire qu’à ce jour, ils se sont vu opposer une fin de non recevoir aussi bien de la part des organisations syndicales que du gouvernement, en application du principe d’égalité des rémunérations.
La jurisprudence a ainsi régulièrement censuré des différences de rémunérations opérées entre établissements de certaines entreprises, sur la base du principe « à travail égal, salaire égal », tout en nuançant par la possibilité d’opérer des différences de traitement en matière de rémunération, à condition d’être « justifiées par des critères objectifs et pertinents. (Cass. soc., 8 juin 2011, n° 10-30.162).
Ainsi, la Cour de cassation a pu censurer la différence de traitement opérée par un employeur entre les salariés des différents établissements de son entreprise, reposant sur la simple « allégation » selon laquelle le coût de la vie serait plus élevé à Paris qu’en province, sans invoquer d’éléments objectifs (Cass. soc., 5 mai 2010).
On pouvait dès lors s’interroger sur les éléments objectifs qui permettraient de justifier une différence de traitement entre les salariés parisiens et provinciaux d’une même entreprise.
Dans un arrêt rendu le 30 septembre 2014, la Cour d'appel de Douai en donne une illustration en admettant l’édition par une société de barèmes de rémunération distincts pour ses établissements situés en région parisienne et pour ceux de province, comme n’étant pas contraire au principe d’égalité de rémunération.
En l’espèce un syndicat de la société Renault avait intenté une action en rappel de salaires pour les salariés de l’usine de Douai, en raison de l’édition annuelle de barèmes de rémunérations distincts pour les établissements de la région parisienne et pour ceux de province. Le syndicat estimait en effet cette différence injustifiée, considérant que tout travailleur fournissant un travail égal doit percevoir un salaire égal.
Débouté en première instance, le syndicat a fait appel.
Cependant la Cour d’appel de Douai a également rejeté la demande de rappel de salaires, estimant que l’employeur avait bien établi que cette différence de traitement était justifiée par le coût de la vie plus élevé en région parisienne, en fournissant différents documents :
- des études d’organismes publics et privés et des articles de presse, faisant apparaître des loyers et des mètres carrés plus élevés en région parisienne que dans la région Nord-Pas-de-Calais ;
- des cartes retraçant les prix d’achat des logements des différentes communes de résidence des salariés ;
- des études publiées dans des revues de consommation sur les prix des produits alimentaires de consommation courante…
Cette décision interpelle. Le salaire n’est-il pas la contrepartie d’un travail fourni ? Si tel est bien le cas, en quoi la valeur du travail fourni par un ouvrier de l’usine de Douai serait-elle inférieure à celle fournie par les ouvriers de la région parisienne ?
Si on suit la logique jusqu’au bout en admettant la justification de la différence de rémunération entre les salariés parisiens et provinciaux, quid des gains liés à la baisse du coût du travail des salariés de province ? Sont-ils répercutés sur les prix des voitures sortant de l’usine de Renault de Douai ou bien servent-ils à accroître les marges de la Société Renault ?
Il convient d’ailleurs de souligner qu’il s’agit d’un arrêt de Cour d’appel et non de Cour de Cassation…