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Toute personne a le droit à la liberté d'expression
« Toute personne a le droit à la liberté d'expression » : c'est sur cet extrait de la convention européenne des Droits de l'Homme que le juge départiteur (juge professionnel) s'est appuyé pour rendre son jugement, le 8 mars 2012.
Pour rappel, j'ai été licencié par la société Snef le 9 mars 2011, pour avoir écrit deux articles sur le site de Miroir Social. Grève à l'agence SNEF Loudéac; Les effets de la crise au sein du groupe SNEF. Selon mon ex-employeur, il s'agissait de dénigrement ostensible de l'entreprise.
Avant mon licenciement, j'avais saisi le conseil des prud'hommes concernant des temps de trajet pour nous rendre et revenir des chantiers et l'entretien des habits de travail, qui n'étaient pas payés.
Après un échec total de conciliation, l'affaire est portée devant le tribunal des prud'hommes qui doit faire appel à un juge départiteur, suite au partage de voix (deux contre deux) en délibéré. Nouvelle audience en janvier 2012, cette fois avec les quatre mêmes conseillers prud'homaux mais présidée par le juge professionnel.
Le jugement est rendu le 8 mars 2012. Les sommes demandées sont légèrement revues à la baisse, mais sur le fond, le jugement me donne raison sur toutes les demandes.
Sur le licenciement et la liberté d'expression du salarié
Selon l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, à laquelle le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 reconnaît valeur constitutionnelle, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Aux termes de l'article 10, § 1, de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, « toute personne a droit à la liberté d'expression ».
En l'espèce, les propos incriminés ne sont ni injurieux, ni vexatoires. Ils ne peuvent pas davantage être analysés comme constituant un dénigrement : M. Lelièvre ne s'en prend ni aux produits ni aux services fournis par l'entreprise et ses propos ne portent pas atteinte à l'image de l'entreprise.
S'agissant des indemnités de déplacement
Le temps de transport des salariés entre l'entreprise et le chantier doit être considéré comme un temps de travail effectif, dès lors que le salarié doit se rendre dans l'entreprise avant d'être transporté sur le chantier. Étant un temps de travail effectif réalisé au-delà des heures légales de travail, le temps de trajet doit être payé comme des heures supplémentaires dont il a été jugé qu'elles ne peuvent être rémunérées par le versement d'une prime.
Sur la demande d'indemnisation au titre de l'entretien de la tenue vestimentaire
Indépendamment des dispositions de l'article L. 231-11 du Code du travail, devenu l'article L. 4122-2 du nouveau Code du travail, selon lesquelles les mesures concernant la sécurité, l'hygiène et la santé au travail ne doivent en aucun cas entraîner de charges financières pour les travailleurs, il résulte des dispositions combinées des articles 1135 du Code civil, L. 1221-1 et L. 1221-3 du nouveau Code du travail, que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier.
De plus, le jugement condamne la Snef au titre du code 700 du Code de procédure civile (frais engagés pour la procédure) et condamne la Snef au dépens.
L'application du jugement
- Sans que je n'en fasse la demande, le juge a ajouté à ce jugement, l'ordre de l'exécution provisoire de sa décision à hauteur des deux tiers.
Renseignements pris, j'apprend que le délai raisonnable pour que la Snef exécute ce jugement est de 8 jours après en avoir été avisée. Mais comme à son habitude, cette société pense pouvoir prendre des libertés avec les obligations, quelles qu'elles soient et par l'intermédiaire de son avocat marseillais, justifie la lenteur de l'exécution par le fait que c'est une grosse structure. Qu'une commission a donné son accord pour l'envoi du chèque mais qu'il faut une double signature.
- Le service juridique a pourtant fait preuve de spontanéité et d'efficacité en 2011, lorsqu'il m'a mis à pied 48 heures après la publication des articles en cause.
Ce même avocat me dit que ce n'est pas facile pour lui de traiter directement avec moi, qu'il préférerait traiter avec un confrère. Que penser de cette attitude ?
Qu'une commission statue sur le fait de faire appel ou non peut se comprendre, mais en quoi une commission peut décider ou non d'exécuter un jugement ?
De plus, si je me suis représenté seul à l'audience, ce n'est pas pour prendre un avocat après jugement. Ce cher avocat voulait peut-être me faire comprendre que je n'étais pas de taille pour traiter du sujet. Le principal est que mon niveau était suffisant pour gagner face à un homme de métier. À sa décharge, le dossier de sa cliente n'était pas facile à défendre, trop d'articles du Code du travail bafoués. Même le droit d'expression n'a pas été respecté au sein de cette entreprise.
- Quant à leur image de marque qu'ils me reprochaient de ternir, pensent-ils la redorer en m'obligeant à faire appel à un huissier de justice pour faire appliquer le jugement ?
Prochain épisode : jugement exécuté spontanément ou pas ? Font-ils appel ou pas ?