Organisations
Réforme de la formation : deux ans après, le pire est à craindre (seconde partie)
Les impasses qui accélereront le déclin de la formation en 2016.
Le CPF, un dispositif mal né, improvisé et non financé.Des libertés prises par le ministère du travail avec la loi du 5 mars 2014
Dans la loi du 5 mars, le CPF n'était qu'un réceptacle d'heures de formation doté d’un volet d'information pour les salariés. Au-delà des obligations créées par la nouvelle loi, les pouvoirs publics ont tenté de « parfaire » et de compléter le système d'information CPF (pourtant déjà très difficile à mettre en œuvre) en y ajoutant une fonction inutile qui opère tout le système : l'inscription à une formation censée passer par le site institutionnel : moncompteformation.gouv.fr
Le site www.moncompteformation.gouv.fr ou la naissance d'une invraisemblable autorisation administrative de formation
L’inscription très lourde et en ligne d'une demande de formation CPF est une illusion puisqu’elle ne garantit en rienni l'instruction du dossier, ni même la réponse qui sera donnée par le financeur.
Elle participe en revanche de la croyance en une informatique magique où il suffirait de 3 clics de souris pour gérer ses droits, payer ses impôts, s'inscrire à une formation ou se soigner (l'échec du CPF succède aux innombrables fiascos informationnels pilotés par l'État : RSI, dossier médical informatisé, développement professionnel continu, les logiciels de paye des armées ou RH de l'Éducation nationale).
Le mélange des comptes
En 2915, 2 millions de comptes formation ont été créés manuellement (pour 10 % des supposés « bénéficiaires ») mais tous les autres comptes devraient se créer automatiquement à partir de 2016.Nul ne sait comment ceux qui n'ont pas ouvert leur compte vont voir leurs heures créditées. Si les CPF sont effectivement alimentés sans intervention humaine, on se demande comment les 18 millions de personnes non inscrites vont recevoir leur identifiant et leur mot de passe.
L’impasse sur la commande de formation
Dans l’état actuel du Code du travail (même si un choc de « simplification » est promis pour 2018), une formation professionnelle continue engage un employeur et son salarié.La réforme fait l’impasse sur l’engagement légal (financier et juridique) de l’employeur et prétend que le salarié est désormais seul aux commandes (« en 3 clics de souris »).
Pourtant, le Code du travail stipule toujours que :
Art. L. 6323-19. : Pendant la durée de la formation, le salarié bénéficie du régime de sécurité sociale relatif à la protection en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles.Si donc la commande de formation peut être faite sans l’accord (ni même l’information) de l’employeur et hors temps de travail, 2 points essentiels ont été « oubliés ».
A. Quid de la responsabilité de l’employeur en cas d’accident du travail ou de trajet lors d’une formation ayant lieu hors temps de travail ?
Comment être responsable de ce dont on ignore l’existence (une formation ayant le lieu durant les congés du salarié à 200 km de son lieu de travail) ?
B. Quel est le vrai commanditaire d’une formation demandée par un salarié sur son CPF ?
- Pas l’employeur puisqu’il n’est même pas au courant de la demande de son salarié (procédure contradictoire avec l'obligation de mener des entretiens professionnels, l’employeur discutant désormais formation sans connaître celles qu'aurait pu entreprendre son salarié).
- Pas l’OPCA qui n’est qu’un intermédiaire financeur de la formation.
- Il ne reste plus donc que l’infortuné salarié, devenu commanditaire sans le savoir (ni peser toutes les conséquences de cette implication).
- de s’engager financièrement en contractualisant avec un organisme de formation (et en payant de sa poche des pénalités en cas de manquement à ses obligations contractuelles, telle sa présence ou son assiduité sur toute la durée de la formation) ;
- de payer des acomptes pour sa formation (un contrat engage et le paiement d’acomptes devrait logiquement être réclamé) ;
- de s’engager à payer également l’éventuelle différence entre la prise en charge de l’OPCA et le vrai prix de la formation (en ajoutant au passage le règlement d’une TVA de 20 % sur le solde du prix de la formation).
La liste des impasses du CPF n'est pas close.
- Les mécanismes de comptabilisation ne sont toujours pas expliqués dans le détail (comment comptabiliser 24 heures les 5 premières années, puis 12 heures les 2 années suivantes puis encore 6 heures la dernière année ?).
- La mise en œuvre pour les salariés précaires ou multi-employeurs est impossible (en contradiction avec la réforme censée développer la formation des plus précaires ou des moins qualifiés dans les petites structures).
- La possibilité de se former durant 800 ou 1 000 heures avec un CPF ne devant pas dépasser 150 heures maximum par an est elle aussi illusoire. Qui « abondera » et surtout paiera ces formations longues de plusieurs centaines d'heures ? Ni l'employeur, ni l'OPCA, ni le salarié. En fait, personne.
- Prétendre responsabiliser (et pénaliser) l'employeur tout en l'évinçant du projet de formation de son salarié était-il pertinent ?
- S'être focalisé sur des formations longues ou diplômantes de plusieurs centaines d’heures alors que ni les employeurs ni les salariés ne les recherchent (et que des centaines de milliers de jeunes diplômés ne trouvent pas de travail) avait-il un sens ?
- Le Premier Ministre prétend tout faire pour former les chômeurs en 2016. La formation, c’est l’anticipation et les pouvoirs publics seraient bien inspirés de ne pas négliger les 3 à 5 millions de salariés non qualifiés que compte notre pays et qui ne pourront ni compter sur leur CPF ni bien souvent sur leur employeur pour se remettre à niveau.