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21 / 09 / 2009
Patrick Saint-Sever / Membre
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Inscrit(e) le 31 / 08 / 2009

Pittsburgh : dessine moi un trader... et son bonus

Le "trader" sera le bouc émissaire du G20 de Pittsburgh. La crise serait due à quelques dizaines de jeunes et incontrôlables salariés des salles de marchés bancaires, qui auraient mené le monde au bord du gouffre pour acheter leur seconde Lamborghini ou placer leur somptueux bonus dans un paradis fiscal des Caraïbes.

Puisque les ratés d’un moteur financier de longue date en surrégime se résorbent en ce moment par les juteux bénéfices bancaires (obtenus en spéculant de plus belle sur les matières premières ou en prêtant entre 3,5 et 4 % à des États aux abois ce qui est emprunté entre 0 % et 0,9 %), il faut d'urgence définir un bouc émissaire pour masquer ces réalités aux gens du monde réel, menacés de chômage ou de ruine.

  • Ce sera le salarié décrit ci-dessus, appelé « trader », la racine du mal sera dénommée « bonus ». Avantage : le trader est à la fois un être physique, rare, mythique, et finalement… virtuel pour le Français moyen. S’attaquer à lui est donc « sans danger », personne ne saura jamais si on lui a réellement on lui a coupé les ailes !

En réalité le « bonus » est-il un apanage de ce petit groupe ainsi circonscrit ? Certainement pas !

Ce ne sont pas des "traders" et ils touchent de gros bonus

Tous les salariés associés à la spéculation financière effrénée ne sont pas des « traders »  D’abord, tous les salariés associés à la spéculation financière effrénée ne sont pas des « traders » : ils sont banquiers d’affaires, gestionnaires de capital-risque, actuaires, spécialistes des fusions acquisitions, avocats ou consultants associés à ces activités, ou encore « déontologues », gérants d’actifs (et oui, le gérant de votre Sicav actions qui vous a fait perdre ‘seulement’ 40 % l’an dernier quand le CAC40 à perdu 45 %) etc.

Tous touchent des bonus élevés, ahurissants pour le salarié voire le cadre lambda. Et ils sont plusieurs dizaines de milliers à Paris, pas seulement cette poignée qui touche, elle, carrément des millions d’euros chaque année (souvent à l’étranger, on appelle cela le « split payment »…).

Le lecteur s'intéressera aux niveaux de ces « bonus », jamais mentionnés par ceux-là même qui prétendent les pourfendre : pour la France de 60 000 € à plusieurs centaines de milliers d’euros par an, en surplus d’un salaire fixe de 80 000 à 500 000 €, selon qu’il est cadre junior ou supérieur. En général, le bonus double le salaire.

  • Dès lors, comment pourrait-on fonder juridiquement une réglementation ostracisant les seuls traders parmi ces hordes de salariés de luxe, bien particuliers mais tous protégés par le droit du travail (qu’ils vilipendent pourtant souvent) ?

Le trader n'est pas forcément salarié d’une banque


De plus, si tout spéculateur bénéficiant d’un bonus n’est pas forcément un trader, le trader n’est pas forcément non plus salarié d’une banque, ni même d’une filiale de banque.

L’Oréal, la RATP, Peugeot, etc disposent de leurs propres salles de marchés !
Le sait-on ? L’Oréal, la RATP, Peugeot, etc (les grands groupes) disposent de leurs propres salles de marchés ! Pourquoi leurs traders ne seraient-ils pas concernés ?

De très nombreuses entreprises possèdent des traders sur produits industriels (par exemple, les chargés des achats du secteur automobile) ou sur matières premières (traders pétrole, gaz, café, sucre etc.).

  • Comment distinguerait-on un trader de la salle de marchés du Crédit Agricole d’un trader d’une filiale conjointe du Crédit Agricole et d’EDF qui spécule sur le prix de la tonne de CO2 que vous, vous allez payer gentiment 17 € ?

Tartufferie

Donc, cette question du bonus des traders tant dans ses déterminants que dans son caractère irréaliste est une gesticulation, une tartufferie.

L’outil fiscal serait efficace et juridiquement opposable. Mais la fiscalité est dangereuse car elle est toujours prétexte à des débats comparant « revenus du travail et revenus du capital ».

Or, les commanditaires de ces dizaines de milliers de corsaires de la finance sont bel et bien les actionnaires, les détenteurs du capital.

Pas vous, petits porteurs de parts de fonds PEA : 75 % du patrimoine français investi en actions est détenu par… moins de 5 % des ménages !

Ce sont donc bien davantage les dividendes exigés par ceux qui exigent en conseil d’administration « du 15 % de rentabilité nette annuelle » qui constituent les « pousse-au-crime » des spéculateurs, qui ne sont que leurs serviteurs (de luxe). Non seulement pour augmenter le numérateur du ratio (le bénéfice), mais aussi pour diminuer le dénominateur (les fonds propres) !

Les dirigeants des banques et de leurs multiples filiales financières constituent une caste intermédiaire, davantage intéressée aux stock-options, parachutes dorés et retraites chapeaux qu’aux bonus, devenus vulgaires à ce niveau…

À Pittsburgh croyez-vous donc que l’on parlera de plafonner les stock-options ou les dividendes, de supprimer les parachutes dorés ? Non, on en restera aux seuls bonus des traders, que l’on ne touchera même pas car on « découvrira » que… c’est "finalement impossible’"!

In fine, la question posée a déjà été déjà vidée de toute substance et de toute crédibilité opérationnelle avant la réunion de Pittsburgh. Les bénéficiaires de ces « bonus » ne sont pas inquiets, ils calculent ceux de 2009, en vous vendant les « nouveaux produits miracles » : convertibles, obligations à hauts risques, actions, matières premières etc.

Ils le savent : lorsque les pertes certaines qu’ils préparent éclateront de nouveau, ce ne sont pas leurs bonus qui suffiront à combler le trou, cet honneur reviendra toujours au contribuable.

Pourquoi changer un système qui gagne ?

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