Une ESS de transformation au service des libertés et de la démocratie
Ce mois de l’économie sociale et solidaire (ESS) aura décidément été riche en débats et sans ne voir midi qu’à ma porte, j’ai senti une inflexion sensible dans les interventions et débats que j’ai pu suivre ou animer, dans le sens de l’affirmation d’une ESS engagée dans la transformation.
Transformation est un mot que j’ai entendu dans la bouche de Pascal Michard lors des 70 ans du CIRIEC. Le discours du président du groupe Macif, après la tribune d’Adrien Couret dans Le Monde, témoigne (on ne peut que s’en réjouir) que la Macif est de retour au cœur des débats qui animent l’ESS.
Transformation, émancipation voire rupture ont marqué la sixième session des Rencontres de la Plaine au cours de laquelle Jérôme Saddier et Jean-Louis Laville notamment ont débattu, ayant tous les deux convergé sur l’urgence à changer de modèle et à produire une autre économie, une solidarité différente de la philanthropie intéressée que les tenants du libéralisme cherchent à imposer. On retrouvera ces débats sur le site de la SCOP EMI https://www.emi.coop/6e-rencontres-de-la-plaine/ sur lequel des maires, élus territoriaux, des responsables ESS et des universitaires tels que Jean Gatel s'expriment.
La semaine suivante, en partenariat avec le Collectif des associations citoyennes, l’Institut Polanyi et d’autres réseaux de l'ESS, le Collège d’études mondial (Fondation Maison des Sciences de l’Homme) posait la question « quel monde associatif demain ? » (les débats seront prochainement disponibles). Les grands problèmes auxquels les associations sont confrontées auront été présentés et débattus tout au long de la journée. Là encore, on retrouvait une sorte de poursuite des Rencontres évoquées précédemment.
Mais arrêtons-nous sur le premier débat de la matinée sur l’état des libertés associatives. Un observatoire sur le sujet a été créé par des chercheurs du CNRS, qui a rendu son premier rapport au début de l’année. On ne peut que s’inquiéter en prenant connaissance de ses conclusions. De très nombreux ressorts à ce recul des libertés associatives existent, comme les conséquences de l’empilement des lois et décrets sécuritaires. Mais il y a surtout les nouveaux comportements des pouvoirs publics qui imposent à la fois le recours aux très libéraux « appels d’offres », la réduction des subventions et moyens des collectivités en la matière et, enfin, la tentative d’imposer les acteurs financiers privés dans le financement des actions d’intérêt général, selon des critères qui laissent libre cours à leur subjectivité et à leurs intérêts. Les gens qui s’engagent dans des actions de solidarité, d’accès aux droits économiques, sociaux et culturels (DESC pour reprendre l’appellation onusienne) et qui recherchent des réponses collectives et démocratiques aux problèmes du temps (les questions environnementales n'étant pas les dernières), trouvent mal leur compte dans la situation actuelle et les tendances semblent être à son aggravation.
Ces reculs de libertés, de l’autonomie et des moyens d’agir des associations sont d’autant plus inquiétants qu’ils s’inscrivent dans un contexte général de reculs des libertés publiques dans notre pays que dénoncent les organisations de défense des droits, mais aussi les universitaires, chercheurs du champ et plusieurs instances et organisations internationales.
Quand nous défendons une ESS de transformation et d’émancipation, nous nous référons aux écoles de la démocratie que sont celles de nos structures qui demeurent fidèles à leur engagement. Ce que nous pouvons entendre dans le sens de cette ESS de la part de grands dirigeants, d’universitaires et d’élus locaux comme ceux du RTES, nous confortent dans notre volonté de résistance à un « monde mal fait », pour reprendre les mots de Jules Vallès dans son adresse de l’Insurgé .
Au risque de paraître emphatique, défendre et propager les modèles de l’ESS aujourd'hui dans la fidélité à leurs principes fondateurs, c’est aussi participer à la défense et à la propagation des libertés et de la démocratie.