Un salarié doit-il prouver qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pour que ce dernier soit condamné à un rappel de salaire ?
Pas de travail, pas de salaire ? La Cour de cassation tranche la question !
À la suite de divers problèmes rencontrés au sein de son entreprise, une salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 3 décembre 2015. Le contentieux devant la Cour de cassation ne se cristallisait pas sur la prise d’acte mais sur le non-paiement de salaires pour une période antérieure à la rupture (entre les mois de décembre 2014 à mai 2015) durant laquelle la salariée n’effectuait aucune prestation de travail pour l’employeur. La salariée a demandé au juge de condamner l’employeur à lui verser un rappel de salaire pour cette période chômée, comprise entre 2014 et 2015.
Rappelons que pour obtenir le paiement de salaire pour des périodes non-travaillées, la jurisprudence constante exige que le salarié se soit tenu à disposition de l’employeur (Cass. soc., 17 octobre 2000 n° 98-42062). La salariée a été déboutée de ses demandes en appel, sous prétexte qu’elle n'a pas justifiée d’être restée à la disposition de l’employeur pendant cette période.
Il revenait donc à la Cour de cassation (Cass. soc., 13 octobre 2021 n° 20-18903) de trancher la question suivante : un salarié doit-il prouver qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pour que ce dernier soit condamné à un rappel de salaire ? La Cour de cassation répond par la négative à cette question. Elle rappelle qu'en principe et selon le droit commun de la preuve, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation qui doit la prouver (art 1353 du code civil) ; il appartient à l’employeur de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition et de payer la rémunération.
Les juges, mettant en interaction ces deux principes en déduisent que :
- lorsqu’un salarié demande le paiement d’un rappel de salaire, c’est à l’employeur de démontrer que le salarié avait refusé d’exécuter son travail ou ne s’était pas tenu à sa disposition.
En considérant l’inverse, la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve.
Une telle solution, favorable au salarié, ne peut qu’être saluée. Certes, en principe, la rémunération est la contrepartie de la prestation de travail effectuée par le salarié. Autrement dit, en l’absence de prestation, il ne peut y avoir de rémunération. Tel est le cas, par exemple, en cas d’absence du salarié ou de grève.
Pour autant, cette règle doit être conciliée avec le principe selon lequel, l’employeur est tenu de fournir du travail au salarié, ainsi que le rappelle la Cour de cassation, au visa de L 1221-1 du code du travail. Cette obligation est essentielle dans le contrat de travail (Cass. soc., 4 février 2015, n° 13-25627).
Ainsi, à l’argument de l’employeur de dire que le salarié ne peut prétendre à une rémunération en l’absence de prestation, le salarié peut lui opposer son manquement à une obligation essentielle : celle de fournir un travail. Mais sur qui pèse la charge de la preuve ?
Dans le droit commun, la règle de principe est de considérer que c’est à celui qui demande l’exécution d’une obligation de la prouver ; en l’espèce, pour le paiement du salaire, le demandeur est la salariée.
Mais en droit du travail, les règles de preuve sont bien souvent aménagées et ce pour prendre la particularité de la relation de travail en considération : à savoir une personne liée par une autre par un lien de subordination et pour laquelle il est beaucoup plus difficile de se constituer des éléments de preuve en justice. La Cour de cassation prend donc le parti de faire peser la charge de la preuve sur l’employeur, le plus souvent avantagé en matière de preuve.
Cette solution, bien qu’elle ne soit pas nouvelle (Cass. soc., 13 février 2019, n° 17-21176) mérite d’être rappelée.