Poursuivre malgré l’adversité à mener l’engagement de l’ESS, en particulier dans les territoires !
Un bouleversement au risque mortifère
Au terme du premier semestre 2024, les acteurs de l’ESS se sont retrouvés pour leur congrès, les 12 et 13 juin, dans un contexte particulier qui les conduisait à prendre position clairement pour éviter des dérives politiques dangereuses pour la France.
Si l’ESS dans le contexte actuel est, sans aucun doute, de plus en plus perçue comme une véritable alternative économique dans de nombreux pays, elle ne peut s’exprimer entièrement que dans des pays à la démocratie affirmée et respectée. Mais cela ne suffit pas, et il faut que le projet politique porté par l’ESS soit soutenu et ne soit pas dévoyé.
Au fil du temps, le travail étroit entre les acteurs de l’ESS et le gouvernement permettait de considérer que quelques avancées existaient pour la prise en compte de l’ESS. Les résultats obtenus par cette dernière étaient la preuve de la pertinence de ce modèle économique et force était, pour les gouvernants comme pour les défenseurs d’une économie libérale, de reconnaître le bien- fondé de la démarche de cette économie autrement qui place l’Humain au centre du projet économique et social.
Puis, la décision du président de la République, de dissoudre l’Assemblée Nationale (alors même que des textes importants étaient en cours, comme celui sur la fin de vie qui touche directement une grande partie des structures de l’ESS) a créé une situation particulièrement grave et préoccupante.
La crainte de l’accession de l’extrême droite au pouvoir a conduit à des alliances que nous n’aurions pas vues auparavant, créant ainsi un véritable déséquilibre dans les territoires qui risque d’avoir des conséquences non négligeables pour l’avenir politique, économique et, plus encore, social de notre pays.
Les interventions du président sortant comme du nouveau président d’ESS France ont marqué cette inquiétude; ils ont appelé au regroupement de tous pour que le pays, mais aussi l’ESS, ne voit pas arriver au pouvoir une organisation politique qui s’est toujours attaquée à la société civile organisée et à celles et ceux qui incarnent la démocratie, l’égalité des droits et la justice sociale.
Les élections législatives ont modifié le paysage politique de l’Assemblée Nationale en donnant à la gauche de l’hémicycle une majorité des votes mais qui ne lui permet pas de gouverner seule. Le Président de la République a usé de son pouvoir pour ne pas admettre cette victoire et temporiser la désignation d’un nouveau gouvernement qui pourrait/devrait marquer cette volonté de changement du peuple français.
Une communion du peuple pour oublier les cassures ?
La France, organisatrice des Jeux Olympiques de 2024, se trouvait alors dans une situation particulière: recevoir la planète entière pour une fête du sport et l’unité des nations et n’avoir aucun gouvernement pour assurer cette organisation. Mais, en même temps ( !), cela permettait au Président de la République de différer cette nomination tant attendue d’un nouveau gouvernement en mesure de porter une politique nouvelle, ancrée dans la volonté exprimée par les votes.
Et c’est exactement ce qu’il a fait: nommer un gouvernement provisoire dont certains membres sont aussi députés car élus lors des élections législatives (curieux mélange des genres où se mêlent l’exécutif et le législatif alors que nous pouvions penser qu’il existait en la matière des portes étanches !).
Et durant une partie des deux mois d’été, le fiasco annoncé s’est transformé en une communion nationale et internationale, une ferveur sans égal pour les sports et les sportifs, unissant toutes les générations, semblant faire oublier la tension née des décisions décriées du pouvoir en place, et permettant à ce Président de parader lors de manifestations sportives comme s’il oubliait toute responsabilité face à la situation politique et sociale de notre pays.
Mais qu’en sera-t- il à présent qu’il y a nécessité, plus que jamais, de respecter le vote des français, de donner une véritable orientation nationale prenant en compte la demande d’une autre manière de gérer notre pays, de porter un pacte social nouveau, de lutter contre la pauvreté, de poursuivre notre volonté de plus d’égalité et de justice sociale pour tous et de conduire notre économie vers plus de sérénité et de développement au bénéfice de tous?
La nomination d’un nouveau premier ministre sera un signe de l’orientation choisie et du respect (ou non) de la démocratie
Continuer à mener l’engagement de l’ESS ..
Dès la rentrée, des manifestations vont avoir lieu et le CIRIEC y aura sa part.
Ainsi, au travers d’exemples non exhaustifs, nous savons la mobilisation d’acteurs pour continuer à faire connaître et reconnaître l’ESS, agir ensemble et promouvoir d’autres formes d’entreprendre:
- L’événement “ Rentrée du plaidoyer d'ESS France 2024 “ qui aura lieu le lundi 23 septembre 2024 à partir de 16h45 à l’Auditorium d'Aéma Groupe , dévoilera les priorités de plaidoyer d’ESS France pour l’année de travail à venir et valorisera le savoir- faire démocratique des entreprises et organisations de l’ESS.
- L’organisation du “MOIS de l’ESS“ en novembre sera, comme chaque année sur l’ensemble du territoire, l’occasion de donner à voir, faire entendre, faire comprendre ce qu’est l’ESS, ses valeurs, son engagement, son modèle économique, ...
- Les “Journées de l’Économie Autrement (JEA)“, les 29 et 30 novembre, à Dijon, qui seront l’occasion de conférences, échanges, ateliers pour montrer et démontrer qu’une autre forme d’économie est possible.
- Le CIRIEC International et le CIRIEC France organisent leur “Conférence internationale DU CIRIEC“, le vendredi 8 novembre 2024 (journée complète) à la Cité du développement durable, Paris (Nogent-sur-Marne, portant sur « Les entreprises publiques et d’économie sociale face aux transitions environnementales »
Tous évènements qui permettront de continuer à construire l’édifice d’une nouvelle manière d’agir, mais aussi qui seront porteurs d’une autre façon de comprendre le développement économique et social de notre pays.
Pendant la césure estivale, la vie économie et sociale s’est poursuivie, même si “les gazettes“ ont peu parlé de ce qui se passait dans le monde et dans notre pays, centrées qu’elles étaient sur les JO (“ Panem et circenses“, le meilleur moyen de s'attirer la bienveillance du peuple et de l’empêcher de se préoccuper des véritables problèmes)
... En particulier dans les territoires
Ainsi, dans le secteur économique, la mise en redressement judiciaire de l’usine de La Chapelle-Saint-Mesmin de Duralex (les fameux verres de notre cantine d’enfant qui nous permettaient de savoir notre âge par le numéro inclus à la base du verre !) et sa reprise par ses salariés a été un moment fort quelque peu occulté par les médias.
Cette reprise d’entreprise est exemplaire de ce qui peut être fait dans les territoires en matière de développement économique quand toutes les forces locales se regroupent pour maintenir des emplois et la cohésion sociale.
Le choix de la proposition des salariés de transformer en SCOP cette entreprise permet de sauvegarder les emplois, de créer une véritable dynamique dans laquelle toutes les forces publiques et privées (y compris les consommateurs par des achats militants) se sont mobilisées: « La Scop est portée par une coalition regroupant l’équipe dirigeante, la majorité des salariés et la CFDT, les collectivités locales (Région Centre-Val-de-Loire, Orléans Métropole) ainsi que les acteurs clés de l’économie sociale et solidaire (ESS) à travers ses investisseurs (CGScop, France active) et les banques coopératives (Caisse d’épargne, Crédit agricole). (...) C’est donc une mobilisation exceptionnelle, reposant sur un partenariat public- ESS, qui est à l’origine de ce succès» (Opinion de Timothée DUVERGER “Duralex : pourquoi la reprise d’entreprises par les salariés doit devenir une priorité“ dans Alternatives Économiques du 01 août 2024)
Le mouvement coopératif est, plus que jamais, un repère d’un développement économique plus respectueux. Il est aussi un modèle largement repris dans de nombreux pays (Cf. article précédent paru dans la lettre du CIRIEC de juin sur les coopérativesau Cameroun).
Si les reprises en SCOP ne sont pas la majorité des créations de ce type de structure, elles sont une alternative qui démontre de plus en plus sa pertinence. Quelques exemples complémentaires de celui de Duralex en montrent la réalité:
-La Meusienne SA (fondée en 1899 et spécialisée dans les produits inox)-2024 (41 salariés)
-Velcorex-2023
-Hiemstra-2023
-AFC-2022
-Proxima Plus-2021
-Eurofence-2016
-Les Façonnables-2016
-SCOP TI (Thés et Infusions)-2014
-Librairie Les Volcans-2014
-La Fabrique du Sud (glaces et sorbets)–2013
Une fois de plus, le mouvement coopératif est à l’honneur et démontre qu’il s’agit d’une véritable alternative au développement des entreprises.
Au moment où un changement profond est attendu par l’ensemble de la population, suite aux dernières élections, il y a lieu de trouver de nouveaux modes d’entreprise, de nouvelles structures mobilisatrices dans les régions qui puissent impliquer tous ceux soucieux de changements profonds.
Informer les habitants des territoires, mais aussi et surtout les partenaires publics et privés qui s’intéressent à de nouveaux modèles, des possibilités données par l’ESS, est un travail incessant qu’il nous revient de mener au quotidien. Cela doit devenir une priorité nationale dans laquelle toutes les représentations de l’ESS, comme toutes les instances législatives (Assemblée Nationale et Sénat) comme exécutive (Gouvernement) doivent s’investir.