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08 / 12 / 2023 | 67 vues
Eric Chenut / Abonné
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Pour contrer la financiarisation de la protection sociale, faisons le choix de l’ESS

Les conséquences épidémiologiques, économiques et sociales, induites par la triple transition écologique, démographique et numérique dans laquelle nous sommes engagés, imposent de refonder l’ambition de la protection sociale en reconstituant son universalité.


Ce changement qui s’impose à tous, nous place devant le choix de conforter notre cohésion sociale ou de laisser s’amplifier la financiarisation en cours sur l’ensemble des secteurs d’activités, de la petite enfance au grand âge.


Depuis quelques décennies, en matière de protection sociale, la procrastination ou l’absence d’ambition des gouvernants est un mode de fonctionnement. Cette indifférence provoque l’effritement continu et progressif de notre système de santé, en matière d’accès aux soins, de prévention, d’accompagnement des vulnérabilités, de lutte contre les inégalités, et s’accompagne de la perte de sens des métiers et de la détresse grandissante des personnels soignants et des professionnels du lien.


Depuis de trop nombreuses années, nous assistons à un mille feuilles de décisions guidées par une approche comptable et une vision de court terme, qui passent à côté de l’essentiel, c’est à dire l’humain et des moyens que nous souhaitons allouer pour prendre soin les uns des autres. Un exemple récent est celui de non-compensation systématique des exonérations de cotisations sociales patronales. Cette décision politique conduit à un dé-financement de la Sécurité sociale creusant le déficit, avec des conséquences délétères sur l’équilibre financier des comptes sociaux.


Cette logique a pour conséquence une forme de renoncement à être à la hauteur des enjeux et de la réponse aux besoins.


Cette capitulation a favorisé le développement d’une financiarisation du secteur du soin et du lien.


Des révélations récentes concernant les EHPAD lucratifs d’une part et les manquements graves d’autre part dans des crèches du secteur lucratif nous rappellent les dangers induits par des prédateurs financiers dans le terrain du « care ». La place qu’ils prennent ne peut être une surprise. Elle a comblé un vide et répondu à une demande des acteurs publics, dans une logique où le prix devient le critère premier. Elle a un impact direct sur la qualité des prises en charge, la confiance et l’accompagnement des prestations. Interrogeons-nous sur le pourquoi. Si le secteur lucratif n’est pas disqualifié dans son ensemble, force est de constater que son périmètre d’intervention doit être sérieusement questionné, quant aux modalités et à sa finalité. Voulons-nous l’extension du lucratif dans tous les champs de la cohésion sociale et dans la santé ?


Nous, acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS), nous ne le souhaitons pas, pour assurer la qualité et l’universalité des réponses apportées aux besoins. L’ESS, outil de cohésion dans les territoires, lieu d’innovation sociale et effecteur de sens, est une alternative performante et crédible aux côtés de la puissance publique, des collectivités territoriales et des acteurs représentants les professionnels et les bénéficiaires. Elle répond à différents besoins de notre temps dans les champs de la santé, du grand âge et de la petite enfance notamment, et travaille d’ores et déjà dans les territoires en complémentarité avec les acteurs locaux, en ville ou à l’hôpital. Les associations, les coopératives, les mutuelles, les fondations et les entrepreneurs sociaux s’engagent pour une santé – au sens global – accessible à toutes et tous. L’articulation des acteurs publics et non lucratifs est efficace et démontre son utilité sur le terrain.


Toutefois, face aux défis, nous appelons à être davantage soutenus et reconnus nationalement dans nos missions, pour occuper pleinement notre place, en garantissant une égalité de traitement, à mission égale, financements identiques :


Car il est temps de donner aux acteurs non lucratifs les moyens de pérenniser et développer leurs activités, de dupliquer leurs innovations en levant notamment les freins économiques, fiscaux et réglementaires existants.


Car il est urgent de répondre à l’attente de reconnaissance et de revalorisation des personnels et des professionnels des métiers du soin et du lien.


Car, il est essentiel de restaurer la confiance par davantage de démocratie sociale, de démocratie en santé, pour permettre à chaque femme, chaque homme de s’élever vers leur pleine citoyenneté sans craindre un aléa pour eux et leurs proches.


Enfin, car il est indispensable de retrouver l’objectif originel de la cohésion sociale, tisser du lien social, et faire vivre la fraternité républicaine !

 

Eric Chenut, président de la Mutualité Française

Marie-Sophie Desaulle, présidente de la FEHAP

Daniel Goldberg, président de l’UNIOPSS

Marion Lelouvier, présidente du Centre Français des Fonds et Fondations

Jérôme Saddier, président d’ESS France

Claire Thoury, présidente du Mouvement Associatif

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