Parité et mixité au travail : ces secteurs qui progressent
Mixité, parité, équité salariale : l’égalité hommes-femmes est devenu un enjeu majeur dans le monde du travail. Si pour certains secteurs, recruter des femmes va de soi, pour d’autres, en revanche, il y a encore beaucoup à faire pour féminiser les effectifs. À l’instar de l’automobile, du BTP, du numérique, les domaines traditionnellement masculins, multiplient les initiatives pour attirer la gent féminine.
« La France a la capacité de devenir le laboratoire d’excellence de la parité femmes-hommes ». Cette déclaration d’Agnès Pannier-Runacher (1), ministre déléguée chargée de l’industrie, prononcée le 17 janvier dernier dans le cadre de La Grande Tribune de la Présidentielle illustre à quel point le sujet est d’importance et que, même si des progrès ont été réalisés en la matière, il reste encore beaucoup à faire. Depuis 30 ans, les femmes occupent une place croissante sur le marché du travail (2) : selon une étude de la Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES), en 2019, elles occupaient 48% des emplois, pour 41% trente ans plus tôt. Mieux encore, selon une étude de l’INSEE de 2020, le nombre de femmes cadres a été multiplié par six (3) en près de 40 ans, quand celui des hommes cadres a doublé. Pour autant, tout n’est pas gagné sur le front de la parité femmes-hommes, notamment dans certains secteurs longtemps considérés comme traditionnellement masculins.
Ça roule doucement pour l’emploi des femmes dans l’automobile
S’il est une activité où les stéréotypes ne facilitent pas la parité hommes-femmes, c’est bien l’automobile. « Nous sommes très loin de la parité » titrait à ce sujet un article du Parisien (4) paru le 27 novembre dernier. Toutefois, une étude menée par l’Observatoire des métiers de service de l’automobile (5) dresse un tableau un peu moins radical, concluant qu’avec plus de 100000 femmes travaillant au sein de la branche des services de l’automobile, elles représentent aujourd’hui près de 23% des emplois salariés. Avec près d’un quart de femmes dans ce secteur d’activité, la parité n’est pas encore atteinte mais, comme le soulignait déjà il y a dix ans l’argus Pro (6), le site des professionnels de l’automobile, les femmes ne cessent de gagner du terrain. Cette progression ne doit rien au hasard, mais à des actions concrètes menées par les acteurs du secteur, à commencer par les grands groupes.
Ainsi, du côté de Renault, un plan d’entreprise baptisé Women@Renault (7) a été mis en place pour promouvoir la mixité. Concrètement, la marque au losange s'est fixée pour objectif de recruter 30% de femmes sur les postes techniques/ingénierie et 50% de femmes dans les autres fonctions, notamment commerciales, tout en s'assurant qu'il y a toujours au moins une femme, à compétences égales, parmi les trois candidats à la succession aux postes stratégiques. Une politique payante puisqu’en mars 2020, le groupe Renault a été récompensé à l’occasion des premiers trophées de la mixité dans l’auto et la mobilité (8), décernés par l’association WAVE (WoMen and vehicles in Europe). Au sein du groupe Stellantis, ex-PSA-Peugeot-Citroën aussi, la parité hommes-femmes est un enjeu majeur, et depuis de nombreuses années. Déjà en 2003, le groupe obtenait le tout premier label Égalité (9) pour ses pratiques exemplaires en matière de mixité. « L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes constitue un axe fort de la politique sociale du groupe, confirme aujourd’hui Estelle Rouvrais (10), directrice de la communication. Nous avons des objectifs très clairs comme développer la mixité des emplois ou renforcer l’accès des femmes aux responsabilités ».
La parité hommes-femmes se construit patiemment dans le BTP
Tout comme l’automobile, le secteur du bâtiment n’est, a priori, pas très féminin. Pourtant, dans ce domaine aussi, la part des femmes dans les effectifs des entreprises ne cessent de croître et la féminisation des équipes se développe dans tous les métiers et à tous les niveaux. Alors que les femmes ne représentaient que 8,6 des salariés du BTP en 2000, ce chiffre a grimpé d’année en année pour atteindre les 12,4% en 2019 (11). Certes, la parité hommes-femmes n’est pas encore à l’ordre du jour – seule la profession de peintre en bâtiment (12) s’en approche - mais les acteurs du secteur s’efforcent avec constance de convaincre les femmes de rejoindre les métiers du bâtiment, et cela passe d’abord par la communication afin de tordre le cou aux clichés qui empêcheraient certaines d’entre elles d’envisager une carrière dans ce domaine. Car de la pénibilité des tâches réduites grâce à la mécanisation aux opportunités professionnelles nombreuses à des postes d’ingénierie et d’encadrement des chantiers, les métiers du BTP sont de plus en plus adaptés aux femmes (13). Petits et grands acteurs du BTP redoublent donc d’efforts pour convaincre la gent féminine de les rejoindre.
C’est notamment le cas de la CAPEB, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, qui, dès 2015, a signé un plan mixité sectoriel (14) pour promouvoir la place des femmes dans le bâtiment. Chez Schneider & Cie, dont la Présidence est assurée par une femme, Manuelle Schneider, on assume d’être très impliqué dans l’insertion des femmes dans le BTP (15) et de faire le maximum pour embaucher des femmes. L’entreprise met d’ailleurs un point d’honneur à ce qu’elles soient reçues, traitées, rémunérées et promues comme les hommes. Du côté de SPIE, un réseau baptisé So’SPIE Ladies (16) a été lancé dès 2015 avec pour mission de faire grandir l’égalité professionnelle et augmenter la mixité des équipes, de favoriser un meilleur développement de la carrière des femmes, et de sensibiliser les femmes et les hommes à la mixité. Enfin, côté majors, Eiffage multiplie par exemple les initiatives afin d’encourager la parité hommes-femmes (17), entre accès aux postes de cadre opérationnel, ou articulation vie professionnelle et vie privée avec des horaires adaptés ou l’accès au temps partiel. « Le groupe porte son effort sur l’égalité entre hommes et femmes, et progresse en matière de parité que ce soit pour la formation, la rémunération ou la promotion », explique Guillaume Sauvé (18), président d’Eiffage Génie Civil. Une ouverture du métier confirmée par les intéressées, comme en témoigne Léna Lebars (19), ingénieure matériel tunnel sur le lot 16-1, le plus gros contrat du Grand Paris Express placé sous la responsabilité d’Eiffage Génie civil. « L’entreprise est venue chercher des ingénieurs dans mon école », se souvient-elle. Interrogée sur ce qui la passionne, la jeune femme explique : « La diversité des tâches. J’ai commencé le projet en phase d’appel d’offres, ensuite la préparation de chantier, puis les installations. Et en ce moment, la mise en service et la maintenance du matériel. Prochaine étape : démontage des installations, reconditionnement pour un nouveau tunnel ! ». Des responsabilités clairement identiques à celles de ces homologues masculins. : « on est très vite amené à avoir de l’autonomie et à prendre des responsabilités », renchérit-elle. Manifestement épanouie, Léna évoque à peine la rareté de ses compagnes sur les chantiers et ne regrette rien : « J’ai découvert ce secteur à la fin de mes études d’ingénieurs et je ne veux plus le quitter ».
De plus en plus de femmes dans l’informatique
Dernier secteur où la parité femmes-hommes est loin d’être gagnée, l’informatique. Et là aussi, les idées reçues ont la peau dure puisque, selon une étude réalisée par la startup Livestorm avec l’institut de sondage Opinea, 84% des Français (20) estiment qu’un professionnel de l’informatique est nécessairement un homme. Et il est vrai que la réalité semble leur donner raison puisqu’en 2021, les hommes étaient encore largement majoritaires (21) dans toutes les professions du domaine informatique. En effet, les métiers du numérique ne comptent que 27,4% de femmes (22) dans leurs effectifs. C’est pour remédier à cette situation que le collectif Femmes@Numérique (23) s’est donné pour objectif de promouvoir la place des femmes dans le numérique. Une démarche suivie par d’autres acteurs du secteur.
Ainsi, la parité est un objectif clairement affiché (24) par Sophie Viger, la directrice générale de 42, l’école de codage fondée par Xavier Niel en 2013. Consciente que la place des femmes dans les métiers du numérique se joue dès la formation, elle multiplie les initiatives pour féminiser les effectifs étudiants. « Il faut plus de femmes qui programment et conçoivent ces outils, assume-t-elle (25). Ce sera aussi la seule manière de les faire monter dans les instances dirigeantes des entreprises, sans compter uniquement sur les fonctions support où elles sont surreprésentées ». Du côté de Microsoft France, même si la parité n’est pas encore atteinte, on se félicite d’avoir 33% de femmes dans ses effectifs (26), soit plus que les 27% de femmes dans le secteur du numérique. L’entreprise a d'ailleurs signé la charte ONU Femmes qui prévoit, entre autres engagements, de « promouvoir l’éducation, la formation et le développement personnel des femmes ». Moins connue que le géant Microsoft, la société Oracle France fait également beaucoup pour encourager les femmes à rejoindre ses rangs. « De manière générale la parité est particulièrement faible dans les métiers du digital, reconnaît Karine Picard (27), directrice générale de l’entreprise. Oracle France souhaite remédier à cette tendance d’où la mise en place de nombreux programmes de recrutement de femmes ». Bref, dans tous les secteurs traditionnellement masculins, tout est fait pour casser les codes et inciter les femmes à se lancer et ça, c’est évidemment une bonne nouvelle pour la parité hommes-femmes, mais plus largement pour l’économie française !
Sources :
(2) https://www.nouvelleviepro.fr/actualite/239/une-feminisation-de-lemploi-tres-forte-depuis-30-ans#
(3) https://www.insee.fr/fr/statistiques/4768237
(5) https://www.anfa-auto.fr/actualites/autofocus-mixite-vers-une-feminisation-des-services-auto
(6) https://pro.largus.fr/actualites/secteur-automobile-les-femmes-gagnent-du-terrain-1438377.html
(12) https://www.pole-emploi.fr/actualites/le-dossier/batiment---travaux-publics/page-1.html
(15) https://www.schneider-cie.fr/le-batiment-se-feminise-encore-des-progres-a-faire/
(17) https://www.eiffage.com/groupe/eiffage-soutient-l-insertion-professionnelle
(18) http://www.economiematin.fr/news-responsabilite-sociale-l-autre-grand-chantier-d-eiffage
(22) https://talentsdunumerique.com/le-numerique-femmes
(23) https://femmes-numerique.fr/
(27) https://mydigitalweek.com/metiers-dans-le-digital-des-inegalites-dans-le-teletravail/