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23 / 08 / 2023 | 96 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Mieux appréhender la nature et les raisons des abandons de poste

L’Unédic a rendue publique avant l'été une enquête (*) réalisée  sur un échantillon de près de 7000 allocataires indemnisés à la suite d’un licenciement pour motif personnel afin de mieux appréhender l'évolution  des licenciements  pour abandon de poste, et les conséquences de la loi « marché du travail » du 21 décembre 2022. Rappelons que cette loi a modifié assez sérieusement les choses  en instituant une présomption de démission en cas d'abandon de poste par le salarié.

 

Cette nouvelle procédure est entrée en vigueur le 19 avril 2023, à la suite de la publication du décret n°2023-275 du 17 avril 2023. Jusqu’alors, l’abandon de poste pouvait donner lieu à un licenciement pour faute grave qui ouvrait droit à indemnisation par l’Assurance chômage. Désormais, la présomption de démission fera obstacle à une ouverture de droit à l’Assurance chômage. 

 

Même si on a certes encore peu de recul sur les effets de ces nouvelles dispositions, l'enquête de l’Unédic  qui porte sur fin 2022  apporte déjà quelques éléments  permettant de  savoir combien de salariés  avaient, sur la période considérée,  effectué un abandon de poste, quelles en étaient les motivations, et quels auraient été leurs parcours si cet abandon de poste ne leur avait pas permis d’aboutir à une prise en charge par l’Assurance chômage.

 

Les principaux éléments à retenir :

 

  • En 2022, les licenciements ou ruptures anticipées de CDD pour faute grave représentent environ 160 000 ouvertures de droit à l’Assurance chômage, soit 8 % des ouvertures de droits à l’assurance chômage. Ils progressent peu depuis 2010 alors que dans le même temps, le volume de ruptures conventionnelles a fortement progressé passant de 250 000 à un peu moins de 400 000 par an. Mais les licenciements pour faute lourde sont rares et ne représentent que 0,05 % ouvertures de droit...
  • Les abandons de poste compteraient pour 48 % de ces licenciements pour faute grave indemnisés par l’Assurance chômage . Par ailleurs, 3 % des personnes interrogées dans l’enquête qui situent leur licenciement en « autres motifs » déclarent également avoir abandonné leur poste.


Au total, il y aurait environ 82 000 ouvertures de droit à l’Assurance chômage suite à un abandon de poste en 2022.


Pour sa part, la Dares, à partir d’une enquête auprès des employeurs, estime quant à elle 50 000 abandons de poste au 1er semestre 2022 suivis d’une ouverture de droit à l’Assurance chômage1, soit un effectif annuel un peu plus important que celui estimé par l’Unédic, de l’ordre de 100 000 personnes hors effet de saisonnalité.


La note  souligne que la principale différence entre ces deux estimations pourrait tenir au fait que l’Unédic a interrogé des demandeurs d’emploi et la Dares des employeurs.
 

  • Les allocataires ouvrant des droits après un abandon de poste sont à peu près autant d’hommes (51%) que de femmes (49 %) et un peu mois de la moitié est diplômé d’un Bac ou plus (48 %).
  • Quel que soit le secteur d’activité, l’abandon de poste est toujours le principal motif de licenciement pour faute grave. La part des abandons de poste parmi les licenciés pour faute grave est cependant plus élevée que la moyenne (48 %) dans le commerce, transport et entreposage (53 %) et dans l’hébergement et restauration (52 %). Elle est en dessous de la moyenne dans l’industrie (46 %), dans les services (45 %) et dans la construction (34 %)
  • Quatre personnes interrogées sur cinq disent qu’elles avaient demandé une rupture conventionnelle préalablement à leur abandon de poste et se l’étaient vu refuser.


Selon les allocataires interrogés dans l’enquête, les abandons de poste ont été pour moitié faits en accord avec leur employeur (27 % déclarent qu’ils se sont mis d’accord avec leur employeur avant l’abandon, 23 % que c’est l’employeur qui a suggéré l’abandon)

 

Les motivations à l’abandon de poste

 

Les  motifs se répartissent entre trois grandes catégories.

 

  • Les réponses les plus fréquentes concernent les conditions de travail (absence d’évolution, reconnaissance, relation hiérarchique, charge de travail, horaires).
  • Ensuite, sont souvent invoqués des objectifs personnel ou professionnel et des souhaits de reconversion.
  • D’autres enfin, évoquent des problèmes de santé ou des situations de mal-être ou de harcèlement.

 

A noter aussi que :

 

  • si elles n’avaient pas été indemnisées par l’Assurance chômage, un peu moins de la moitié (43 %) des personnes interrogées déclarent qu’elles auraient démissionné ou qu’elles auraient quand même abandonné leur poste.
    • D’autres (4%) déclarent au contraire qu’elles auraient renoncé à quitter l’entreprise et seraient restées en poste.
    • Ainsi 47% des cas ne donnerait a priori pas lieu à une indemnisation par l’Assurance chômage, ce qui représenterait des moindres dépenses d’allocation.
  • près d’un tiers des personnes interrogées (32%) auraient cherché d’autres solutions : 16 % disent qu’elles auraient discuté avec leur employeur d’autres solutions de départ possibles, 16 % auraient adopté une attitude incitant leur employeur à les licencier, 3 % hésitent entre ces deux réponses. Ces 32% des cas seraient à priori indemnisés par l’Assurance chômage. Enfin, 21 % ne savent pas exactement ce qu’elles auraient fait 

 

Il sera intéressant de voir si la mesure de requalification des abandons de poste en démission est susceptible de modifier de façon importante les comportements des employeurs et des salariés....une récente note de la Dares sur les ruptures conventionnelles ( en évolution régulière  semble-t-il) étant à intégrer dans les observations sur le sujet.(**)

 

Ainsi, alors qu'en 2022, leur nombre a franchi pour la première fois le seuil du demi-million, l'année 2023 pourrait se traduire par une nouvelle hausse significative.

Au seul  1er trimestre 2023, selon les dernières statistiques publiées mi-juillet par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail (Dares) , 128 500 ruptures conventionnelles ont  eu lieu en France métropolitaine sur le champ privé hors agriculture et particuliers employeurs (+0,2 % par rapport au trimestre précédent).

 

 

 (*) Pour en savoir plus: Les abandons de poste et l'assurance chomage.pdf (unedic.org)

(**)  A noter également: https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/les-ruptures-conventionnelles#:~:text=Au%201er%20trimestre%202023%2C%20128,par%20rapport%20au%20trimestre%20pr%C3%A9c%C3%A9dent).

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