Licorne ou phénix ? Le paradoxe de la « start-up nation »...
On disait que les grandes entreprises allaient se faire ubériser et submerger par la vague des nouveaux barbares du numérique. Mais pas forcément. De très grandes entreprises françaises se réinventent d’une façon qui a souvent échappé à l’État, aux médias, aux marchés financiers et aux jeunes qui rêvent plutôt de start-ups.
Les États rêvent tous de devenir des « start-up nations », berceaux des fameuses licornes (*). Malgré ses réels efforts, la France reste un acteur bien modeste (**) alors que ses grandes entreprises se réinventent en revanche avec succès.
Faudrait-il les appeler des phénix (***) ?
Christophe Deshayes, essayiste, conférencier et chercheur en résidence à l’École de Paris du management donne un coup de projecteur sur une réalité méconnue et sur un nouveau paradoxe français, dans l'étude qui vient d'être publiée par La Gazette de la Société et des Techniques, dans laquelle il s'étonne.
- Comment expliquer que l’on en parle si peu dans les journaux alors que les GAFA y sont sans cesse évoqués ?
- Comment expliquer que les politiques publiques soient muettes à cet égard ?
Depuis plus de quatre ans, l’École de Paris du management étudie les différentes formes de transformation numérique des entreprises classiques. Après l’étude d’une trentaine de cas, il est possible de dresser un panorama plutôt inattendu de l’innovation dans les entreprises françaises classiques, notamment les grandes.
Cette étude devrait retenir l'attention dans le contexte actuel : http://www.annales.org/gazette/2020/Gazette_107_06_20.pdf
En conclusion, l'auteur de cette étude considère que « L’innovation est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux seuls premiers de cordée. Tout le monde peut et doit y contribuer et être reconnu à hauteur de sa contribution, que cette innovation soit incrémentale ou de rupture, officielle ou clandestine, technologique ou d’usage, ouverte ou propriétaire, radicale ou adjacente, liée au produit ou au marché…
Un rééquilibrage, déjà nécessaire avant la crise sanitaire et économique du covid-19, le sera encore davantage après ».
Pour lui, « il faut impérativement sauver l’innovation. Pour cela, il faut accepter de se détacher de la mode exclusive des start-ups et des licornes pour valoriser et célébrer les efforts méritoires des phénix. La « start-up nation » aurait intérêt à devenir une « InnovNation », un havre de prospérité pour l’innovation et la préparation du monde qui vient. La France a eu ce rôle dans le passé, elle peut renouer avec ce destin collectif en s’appuyant sur une heureuse combinaison de licornes et de phénix ».
(*) Le terme licorne est employé pour désigner une start-up, principalement de la Silicon Valley, valorisée à plus d'un milliard de dollars.
(**) Si l’on en croit le site CBinsight, qui recense les licornes au niveau mondial, il n’existerait que 5 licornes françaises sur les 452 actuellement identifiées. Un chiffre relativement stable depuis plusieurs années, qui classe la France en 11e position.
(***) Phénix : animal mythologique qui renaît de ses cendres. C'est aussi est une start-up pionnière dans la réduction du gaspillage et des déchets.