Le « Parcoursup du combattant » : environ 120 000 perdants, une manne pour les filières privées
À en croire les communiqués du ministère de l’enseignement supérieur, tout va pour le pour le mieux dans le meilleur des mondes pour les bacheliers. Le tournis des chiffres contribue à l’illusion : ainsi, à propos de la procédure de l’an dernier : « 17 123 formations […] ont formulé 3,4 millions de propositions d’admission, soit en moyenne plus de 3 propositions par candidat ».
Derrière les pages publicitaires, dans le dédale des sites ministériels, se trouvent pourtant les chiffres qui contredisent cette vision enchantée. Le ministère publie en effet chaque année un bilan chiffré dans de simples tableurs ; tous les chiffres et pourcentages cités ci-après sont issus de ces tableurs (voir ici pour 2018 et 2019 et là pour 2020), combinés aux résultats au baccalauréat (assez facilement accessibles).
Le « Parcoursup du combattant » : environ 120 000 perdants !
Des lycéens ne reçoivent jamais aucune proposition sur Parcoursup, ceci même après avoir réussi leur baccalauréat. D’autres se retrouvent face à une proposition qui ne leur convient pas et qu’ils n’acceptent donc pas. D’année en année, ces deux ensembles statistiques fonctionnent comme des vases communicants (lorsque l’algorithme « propose » plus, il y a plus de « non acceptations »), si bien que l’effectif global des « recalés de Parcoursup » ne varie guère : environ 120 000 bacheliers (2018 à 2020), soit aux alentours de 17% des bacheliers !
Les « renonçants » de Parcoursup : environ 90 000 !
Les vœux sur Parcoursup sont formulés par les lycéens avant le baccalauréat. Certains d’entre eux formulent des vœux et ne réussissent pas l’examen. Mais en regard beaucoup de ceux qui se retrouvent en définitive bacheliers ont renoncé à formuler de vœux : plus de 80 000 en général, parfois beaucoup plus (113 000 en 2018).
Si l’on fait l’addition, entre ceux qui ont été découragés d’avance par la « machine » Parcoursup et ceux qui ont fait en vain le « Parcoursup du combattant », ce sont en réalité environ 30 % des bacheliers qui n’ont rien au terme de Parcoursup !
En outre, le taux de « propositions » faites aux postulants est déjà nettement plus faible cette année qu’en2019 ou 2020 (de l’ordre de 3 à 4 points, soit déjà quelque 25 000 lycéens).
Une manne pour les filières privées
Quelle solution, pour ceux du moins qui en ont les moyens ? Trouver une formation non encore enrôlée dans Parcoursup, c’est-à-dire, par définition, privée. Certaines de ces formations privées en font même un argument publicitaire.
D’autres iront nourrir les rangs des effectifs qualifiés comme « en réorientation » sur Parcoursup les années suivantes (presque 150 000 en 2019, 194 000 en 2020, encore 180 000 cette année…). Parcoursup programme donc ainsi l’errance et bien souvent aussi l’échec post-Bac.
Le contrôle continu, nouvel obstacle pour accéder aux études supérieures
En imposant la généralisation du contrôle continu au nom du règlement des problèmes que sa gestion de l’épidémie a engendrés, le ministre Blanquer annule de facto le baccalauréat et empêche les habituels réajustements consécutifs aux résultats à l’examen national. Les approches les plus subjectives se multiplient donc à l’ombre de Parcoursup, comme l’ont bien compris des lycées privés qui ont apposé un tampon « 100 % présentiel » sur les dossiers de leurs lycéens. Plus encore qu’auparavant, le tri risque de se faire en fonction de la réputation de l’établissement ou à la tête du « dossier », ou tout simplement du « client ».
Gérer « stocks » et « flux », grâce au « distanciel » à l’université
Face aux effectifs de ces « clients » (environ 670 000 bacheliers en année normale, 713 000 l’an dernier), le ministère de l’enseignement supérieur réagit en boutiquier gérant les « stocks » et les « flux ».
Comme si Parcoursup n’excluait pas assez, il faudrait encore exclure parmi les bacheliers qui parviendraient à être étudiants !
Ainsi Paris-Dauphine annonce pour l’an prochain un jour sur cinq en « distanciel », l’Université de Bordeaux investit 2 millions d’euros pour équiper définitivement 100 « Zoom rooms », la Ministre débloque 22 millions d’euros pour l’« hybridation » dès la rentrée et annonce 49 « campus connectés »… Aux bacheliers qui persisteraient à faire valoir leur droit de suivre des cours universitaires, l’ersatz du « distanciel » serait servi comme lot de consolation.
Parcoursup vient donc en renfort des objectifs ministériels : détruire le baccalauréat comme diplôme national, qualifiant, premier grade universitaire ; faire du « distanciel » pérennisé la solution privilégiée pour gérer les flux de nouveaux bacheliers.
Enrayer cette destruction programmée, c’est revendiquer avec la FNEC-FP FO :
=> les dotations en heures et postes, en lycée et à l’université, pour les indispensables mesures réparatrices des dommages créées par la gestion gouvernementale du Covid, et pour permettre en particulier de remettre à flot les bacheliers 2020 et 2021 privés d’une grande partie de leurs cours ;
=> la réouverture de tous les cours en présence des lycéens ou des étudiants, au lycée comme à l’université ;
=> l’abandon de Parcoursup, le rétablissement de la possibilité pour tous les bacheliers de s’inscrire dans la filière universitaire et l’établissement de leur choix ;
=> Retrait du « Bac Blanquer » qui bafoue l’égalité de traitement entre les candidats, dénature les enseignements disciplinaires, et remet en cause le travail des enseignants
=> le rétablissement du baccalauréat comme examen national, avec des épreuves disciplinaires, terminales, anonymes et ponctuelles.
Notre fédération soutient les AG des personnels qui refusent la mascarade d’examens imposée par Blanquer et les conditions de correction particulièrement scandaleuses auxquelles sont soumis les professeurs. Elle appelle à multiplier les réunions pour prendre position en direction du Ministre et décider des moyens de se faire entendre, y compris par la grève.
Un préavis de grève a été déposé pour couvrir toute la période jusqu’aux vacances scolaires.