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23 / 11 / 2021 | 112 vues
Michel Berry / Abonné
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La résilience économique, une nouvelle mission pour l’État ?

La crise sanitaire a mis la question de la sécurisation des approvisionnements stratégiques au centre du débat public : masques, tests et vaccins ont tour à tour fait la une des journaux en 2020. Mais ces tensions ne se sont pas limitées au secteur de la santé. Depuis 2020, les industriels européens doivent également faire face à des crises d’approvisionnement en bois, en plastique, en semi-conducteurs etc.

 

Les concepts d’autonomie stratégique et de souveraineté économique ont ainsi récemment acquis une popularité étonnante au sein du débat public français (voire européen), avec un nombre croissant de dirigeants politiques adeptes du protectionnisme économique. Alors que les acteurs de première ligne (les entreprises) s’emparent de la question, quel devrait être le rôle de l’État dans la sécurisation des approvisionnements stratégiques ?

 

C'est l'étude à laquelle Léa Boudinet et Nour Khater, ingénieures des mines, se sont livrées. Leurs réflexions font l'objet d'une publication dans le dernier numéro de La Gazette de la Société et des Techniques (*) (publication des Annales des Mines, avec le concours du Conseil général de l’économie et de l’École de Paris du management)

 

Pour les auteures de cette étude, « la question de la sécurisation des approvisionnements stratégiques n’est pas nouvelle. Ainsi, en quinze ans, l’industrie automobile a connu pas moins de quatre crises majeures d’approvisionnement : platinoïdes en 2007, terres rares en 2011, aluminium en 2018 et semi-conducteurs en 2021. Plusieurs facteurs structurels font peser des risques sur la sécurité des approvisionnements stratégiques » et d'abord « l’organisation industrielle actuelle, développée dans le cadre de la mondialisation, génère de nouvelles vulnérabilités ». « Par ailleurs, la montée des tensions géopolitiques génère d’importantes perturbations sur le système de production mondial. Les restrictions imposées aux échanges commerciaux engendrent des potentielles ruptures d’approvisionnements, dont l’industrie européenne est souvent une  victime collatérale ». Enfin, « la double transition écologique et numérique accroît considérablement nos besoins en ressources minérales non énergétiques ».

 

Dans le cadre d’un exercice commun entre des élèves du Corps des mines et de l’ENA, les auteures ont élaboré une grille d’analyse d’un approvisionnement, en s'appuyant sur plusieurs études de cas. Celle-ci comporte les principaux facteurs de vulnérabilité relevant d’analyses macroéconomique (marchés), d’économie industrielle (acteurs) et technico-économique (alternatives au produit) et permettent d’intégrer une approche fondée sur l’analyse de la chaîne de valeur. Cette stratégie de sécurisation doit s’appuyer sur un trilogue entre les entreprises, l’administration et le politique

 

En fait, la définition du périmètre stratégique et l’analyse des chaînes de valeur devraient guider l’action de l’État dans la sécurisation des approvisionnements stratégiques. Cependant, l’État n’est pas ou plus un acteur opérationnel de l’économie ; il a majoritairement davantage un rôle d’encadrement, de redistribution et de réglementation que d’activités productives. Comment pourrait-il seul déterminer ce qui est stratégique et analyser les chaînes de valeur globales alors qu’il n’est pas un acteur industriel ?

 

Les acteurs politiques ne sont compétents que s’ils s’appuient sur les acteurs de l’économie, les entreprises et sur leurs experts, l’administration. Les auteures sont convaincues qu’il faut renforcer le trilogue entre les entreprises privées, l’administration et le politique.

  • Les entreprises, d’abord, car en plus de leur expertise sectorielle, ce sont elles qui, en premier lieu, font face aux enjeux liés à la sécurisation de leurs approvisionnements.
  • L’administration interagit fréquemment avec les industriels mais devrait sortir d’une organisation à guichets mutliples et mieux coordonner, en mode projet, les différents interlocuteurs des industriels, des ministères et des services régionaux et nationaux. Une action coordonnée doit permettre de nouer une relation de confiance avec les entreprises, de rassembler l’ensemble des informations glanées ici et là pour créer une vision globale et réaliser l’analyse fine des chaînes de valeur à sécuriser.
  • Enfin, le politique (alimenté par l’administration et les entreprises) devrait s’emparer de la définition du périmètre stratégique et ne pas laisser cette décision aux seuls technocrates.

 

Et de conclure : « Pour une meilleure sécurisation des approvisionnements stratégiques et parce que la résilience de l’économie sera un thème majeur de l'élection présidentielle à venir, nous appelons à un dialogue et à une collaboration renforcés entre les entreprises privées, l’administration et le politique ».


(*) Pour en savoir plus : Gazette_114_11_21.pdf (annales.org).

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