La cour des comptes s’en prend aux CAF et à leurs personnels
De nombreux articles de presse avaient évoqué ces derniers jours le refus par la Cour des comptes de certifier ceux de la Branche Famille de la Sécurité sociale pour 2022. Ils sont présentés comme étant truffés d’erreurs pour un montant total de 5,8 milliards d’euros... Ce chiffre correspondrait à l’addition du montant des versements indus et de celui des prestations non versées à tort. Il concerne en particulier l’Aide au Logement, le RSA et la Prime d’Activité, pour un total équivalent à 7,6% des sommes versées par les CAF. ( Caisses d'allocations familiales)
Notre fédération dénonce dans un premier temps la présentation d’un tel chiffre par la Cour des comptes. Celui-ci mélange en effet des données qui n’ont rien à voir entre elles puisqu’il cumule des montants qui n’auraient pas dû être versés aux allocataires avec des montants qui auraient dû l’être. A aucun moment par ailleurs, la presse ne donne le détail de l’addition, ni la méthode qui a permis d’en trouver le résultat.
Que cherchent donc les magistrats de la Cour des comptes en présentant les choses de cette façon sinon à donner l’image la plus catastrophiste possible du paiement des prestations sociales par les CAF ? Et dans quel but, sinon celui de rendre responsables de la situation les agents et de remettre en cause l’existence des CAF elles-mêmes ?
En effet, l’institution jugeant le montant des erreurs « beaucoup trop élevé », déplore l’absence « d’actions de redressement à court terme » et a appelé la CNAF à « amplifier ses efforts pour retrouver une meilleure qualité de liquidation ».
Une meilleure qualité de liquidation ?
Mais qui est responsable de la dégradation de la qualité de la liquidation si ce n’est le gouvernement qui a mis en place coûte que coûte la Réforme des Aides au Logement au 1er janvier 2021 afin d’économiser 1 milliard d’euros sur les allocataires, malgré un système informatique totalement défaillant auquel le cabinet MC Kinsey a contribué ?
En réponse à la Cour des comptes, le Directeur de la CNAF, Nicolas Grivel, l’avoue lui-même en citant cette réforme dans une série d’évènements (dont le covid) qui « ont fait exploser les indicateurs d’erreurs ». Et que sont ces « actions de redressement à court terme » évoquées par la Cour des comptes ?...
A court terme justement, la COG famille 2023-2027 va être mise en œuvre sans que nous sachions aujourd’hui quelles seront les répercussions sur les effectifs des CAF.
Ce que nous savons en revanche, c’est que la politique de suppression des postes menée depuis des années par le biais des COG précédentes est également largement responsable de la situation.
En effet, compte tenu des sous effectifs et tandis que les délais de traitement s’allongent, il est impossible de reprendre et de corriger toutes les déclarations inexactes des allocataires évoquées par la Cour des comptes. Impossible aussi de reprendre tous les dossiers touchés par des anomalies informatiques responsables d’indus ou de rappels erronés…
La précarité toujours plus grande des allocataires, l’extension de la prime d’activité, la prise en charge de l’intermédiation financière ou encore les désordres liés à la réforme des Aides au Logement sont autant d’éléments qui ont alourdi considérablement les charges de travail dans les CAF.
Pourtant, dans le même temps, ce sont 807 CDI qui ont été supprimés au cours de la dernière COG selon la CNAF.
Alors, qui est responsable ? Les agents ou le gouvernement ?
Poser la question, c’est y répondre. Au travers cette campagne de presse, il s’agit enfin de justifier la mise en place de la réforme gouvernementale dite de « solidarité à la source » dont les premières expérimentations devraient démarrer en septembre et qui est présentée comme la panacée pour lutter contre le non-recours aux droits.
Rappelons qu’elle est surtout partie intégrante des plans du gouvernement pour supprimer des postes dans les CAF à plus ou moins long terme ce que n’a jamais nié le Directeur de la CNAF lors des dernières Instances Nationales de Concertation. Soulignons par ailleurs que le non-recours aux droits est justement organisé aujourd’hui par ceux qui défendent cette réforme, qui détruisent les accueils et imposent le « tout numérique » qui dissuade bien des allocataires d’effectuer leurs demandes. Cette offensive menée aujourd’hui contre les CAF fait partie d’un ensemble beaucoup plus vaste qui vise l’ensemble de la Sécurité sociale.
D’ailleurs, la cour des comptes en validant sous réserve les comptes de l’Assurance-maladie a mis en avant un taux d’erreur de l’ordre de 10 % sur les remboursements de frais de santé et les arrêts de travail, pour un total d’environ 3,8 milliards d’euros.
Enlever à la Sécurité sociale les moyens d’assumer ses missions, dénoncer ensuite ses dysfonctionnements pour justifier son démantèlement, voilà la feuille de route du gouvernement.
C’est par la défense de ses revendications que le personnel forme un rempart contre ces plans inacceptables.
NDLR: Dans un communiqué du 17 mai, la Direction de la Sécurité Sociale a confirmé qu'au terme de son exercice de certification des comptes de l’année 2022 du régime général de la sécurité sociale, la Cour des comptes avait certifié avec réserves les comptes des branches maladie, vieillesse, recouvrement et autonomie ainsi que les comptes du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants....mais qu'elle exprimait une opinion défavorable sur les comptes de la branche famille du régime général "en raison des risques (erreurs ou non-recours) pouvant affecter l’exactitude des prestations délivrées."