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17 / 03 / 2022 | 102 vues
David Ollivier-Lannuzel / Abonné
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Et si on valorisait la singularité du modèle mutualiste affinitaire ?

Consubstantiel à notre contrat social, le système de protection sociale français constitue l’un des grands acquis sociaux du siècle passé offrant garanties et solutions face aux risques et aléas de la vie : maladie, recherche d’un logement, perte d’un emploi et retraite. Si les convictions se confortent dans l’épreuve, la crise sanitaire aura démontré que notre système de protection sociale (toujours appréhendé à travers un prisme réducteur, celui de son coût) est un investissement structurant la cohésion nationale et plus récemment le développement économique depuis sa création.
 

Lorsque le destin frappe, ce bien commun indispensable s’est finalement révélé être un investissement pour l’avenir et un amortisseur de crises sanitaire et sociale. Pourtant, sous couvert de défense du pouvoir d’achat, l’impôt est déjà au secours de la cotisation. Dans bien des cas, la protection sociale fait désormais prévaloir la logique d’assistance universaliste sur la logique professionnelle fondatrice du modèle français. Elle mute ainsi à bas bruits vers un système de plus en plus anglo-saxon : universel, égalitaire, financé par l’impôt et banalisant toutes spécificités socio professionnelles avec une froide détermination.

 

Ces spécificités justifient pourtant une prise en compte pour une protection particulière. Certains corps de métiers ou parties de la population font en effet professionnellement face à des obligations, risques et aléas spécifiques. Leurs attentes en matière de prise en charge, d’offres et d’accompagnement sont donc légitimement nombreuses, diversifiées et avant tout particulières. Les nier serait une erreur, voire une faute.

 

À cet égard, l’exemple des mutuelles affinitaires (connaissant parfaitement les besoins réels des communautés qu’elles couvrent) est à la fois illustratif et instructif. Leur connaissance fine des risques du milieu professionnel et des besoins de leurs membres permet de proposer des garanties de santé, prévoyance, dépendance, épargne et retraites adaptées et de déployer des actions de prévention spécifiques, selon les profils propres à leurs adhérents, en travaillant sur des solutions contractuelles ou extra-contractuelles pour les accompagner au quotidien et leur fournir une prise en charge différenciée de certains actes, pathologies et parcours de vie.

 

Si la logique affinitaire s’exprime par une logique assurantielle, elle s’exprime d’abord dans une dimension résolument humaine et fortement solidaire : on y adhère parce que l’on a des intérêts communs, des activités similaires et un sentiment profond d’attachement à une communauté. Parce que l’on connaît et reconnaît une mission, l’existence de risques particuliers, de besoins spécifiques et de valeurs essentielles telles que la solidarité et l’entraide : précisément celles qui sous-tendent notre pacte social.

 

Cette reconnaissance se traduit notamment à travers la gouvernance de ces organismes appartenant à l’économie sociale et solidaire : ainsi, les adhérents sont le socle du modèle démocratique de la structure protectrice représentant et défendant les intérêts de leurs pairs. Ils sont élus démocratiquement. La possibilité est ainsi donnée aux adhérents de bénéficier de protections et services adaptés à leurs besoins réels, conditions de santé et conditions sociales.

 

Véritable réseau social à vocation affinitaire et non lucratif, le modèle mutualiste revêt donc une importance singulière pour des communautés atypiques marquées par un fort sentiment d’attachement voire d’appartenance à un corps social. Des offres de service sur-mesure, répondant aux réels besoins car élaborées par les bénéficiaires eux-mêmes, sont proposées pour des communautés comme par exemple celle de la sécurité-défense dont les membres mettent leur vie au service de la Nation et aspirent donc à des solutions de prise en charge et d’accompagnement spécifiques.

 

Toutefois, depuis une trentaine d’années, ce modèle à haut degré de couverture et de solidarité tend à devenir l’exception. La volonté toujours plus forte de l’État de standardiser et d’uniformiser a pour conséquence de renier les différences et mène finalement à insidieusement s’arroger le monopole des solidarités est particulièrement inquiétante et préjudiciable pour ces populations clairement définies aux risques et besoins particuliers et pour l’efficacité de notre système de protection sociale collectif.

 

Fort de son savoir-faire et de son caractère démocratique propre, le modèle mutualiste affinitaire, par définition en évolution constante, sait de fait s’adapter aux nouveaux défis et besoins. Ce modèle doit donc être perçu comme un élément consubstantiel de notre pacte social républicain. Y renoncer mènerait à enfermer la population atypique dans un processus d’uniformisation, serait contraire à ses aspirations et l'éloignerait encore plus de la nécessaire proximité d’un collectif humanisé.

 

À l’évidence, il est essentiel que la protection sociale complémentaire des communautés spécifiques telle que celle de la sécurité-défense continue d’être assurée par des acteurs capables de faire ce « sur-mesure » indispensable aux bénéficiaires et sublimant par là-même le modèle social à la française. Si tel n’était pas le cas, la capacité de répondre de façon adaptée à leurs besoins s’en trouvera grandement altérée, voire annihilée.

 

Et si l'on valorisait la singularité du modèle mutualiste affinitaire ? Nous pourrions pérenniser des écosystèmes vertueux pour les solidarités et pour la pérennité de notre pacte républicain et conforter les principes de liberté, d’égalité et de fraternité.

 

Réflexions menées par la commission de sécurité-défense du CRAPS (CRAPS, le think-tank de la protection sociale (thinktankcraps.fr), la France Mutualiste, MCDéf, MGP, Unéo et GMF.

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