Organisations
EDF : pour une vraie nationalisation
Depuis les dernières annonces de la Première ministre sur EDF, une ambiguïté, sciemment entretenue, s’est installée : celui de la nationalisation d’EDF. Le gouvernement a, en effet, annoncé la volonté de l’État de détenir 100 % du capital d’EDF. Mais il ne faut pas se méprendre. Cette opération est loin d’être une nationalisation. Elle se résume à une sortie de la bourse sous forme d’OPA. Le gouvernement a voulu surtout répondre à l’urgence financière.
L'opération est dictée par la dégradation des comptes de l’entreprise et la mise en place de la nouvelle stratégie de développement du nouveau programme nucléaire. Cette remontée de l’État à 100 % dans le capital, normalement bénéfique pour EDF, cache en fait des réalités plus sombres. Elle augure des transformations au détriment des salariés et de la collectivité nationale.
Pourquoi avoir voulu « étatiser » si rapidement ?
Dans le schéma retenu d’une étatisation d’EDF à 100 %, EDF reste une SA, le marché européen de l’énergie demeure en l’état, la concurrence dont le bilan est désastreux n’est pas remise en question et l’idéologie libérale du tout marché dans l’énergie est sauve…
En revanche, ce qui va changer, même si cela peut paraître anodin, c’est que :
- L’État va pouvoir se «débarrasser» d’actionnaires minoritaires et empêcheurs de tourner en rond (dont les salariés actionnaires font partie). Donc plus de comptes à rendre, ni de risques de retard ou d’obstructions de leur part dans le cadre du prochain processus de réforme…
- Avec le passage de la SA à 100 % par l’État, la réforme pourra se faire encore plus vite et plus forte. Cela conduira à une possible vente à la découpe du Groupe EDF en France. EDF devra obtempérer à l’actionnaire unique sans pouvoir « broncher ».
En résumé, c’est la fin annoncée de l’EDF intégrée, dont la pérennité et la spécificité ont été enviées par de nombreux pays depuis 1946. Ainsi se trouve liquidé l’un des derniers symboles du Conseil National de la Résistance. Or, ce que nous appelons de nos vœux, ce n’est pas cette fausse nationalisation, mais une nationalisation issue d’un réel débat au parlement. Ce dernier doit s’exprimer sur l’avenir du pôle énergétique de la France.
Une véritable loi de nationalisation doit en émerger. Elle serait l’occasion de rendre EDF aux Français et de refaire de cette entreprise un levier économique au service du pays et de la transition énergétique. Elle permettrait ainsi d’éviter la liquidation programmée d’EDF et d’assurer la pérennité du groupe intégré au service du système électrique français. Enfin, cette loi pourrait aussi définir les obligations de l’État envers EDF et réciproquement, par exemple, au travers d’un contrat de service public. Ce dernier devant être décidé au parlement.
Le gouvernement ne prendra pas le risque du débat
Pour l’heure, le gouvernement ne semble pas vouloir prendre le risque du débat parlementaire. Cela ouvrirait une boîte de Pandore sur les choix à opérer sur la politique énergétique de la France aux yeux de tous. Ce risque semble trop important pour le gouvernement, car cela signifierait la remise en cause de décennies de dogmes sur la libéralisation des marchés. Il pourrait conduire à faire tomber les ornières idéologiques de nos gouvernants sur le marché de l’énergie.
Parmi les sujets à débattre, il s’agirait de requestionner la place du Service public, le bilan de la dérèglementation, les investissements sur les réseaux et sur le plan social, l’application du Statut des Industries Électriques et Gazières à toutes et tous. En somme des débats parlementaires doivent avoir lieu pour éviter, par exemple, l’incongruité de voir les prix de l’électricité en France indexés sur le gaz. Ce dernier représente 6 % de la production d’électricité.
Ces échanges parlementaires pourraient aussi mener à la demande d’un bilan des investissements imposés par le Président de la République actuel avec l’aval de la tête de l’entreprise (rachat forcé d’Areva NP devenu Framatome, fermeture de Fessenheim, financement de Hinckley Point sur les fonds propres d’EDF et bientôt rachat de GE on ne sait pas comment...).
Il est urgent de véritablement renationaliser EDF
Une autre alternative existe à cette étatisation : une véritable nationalisation! Et non pas ce que nous prépare le gouvernement, à savoir la gestion d’EDF SA par un service de l’État. Ce dernier se contentera de liquider et de désintégrer l’entreprise préférée des Français. Celui-ci se limitera à continuer la même politique actuelle sur la question de l’énergie qui n’a eu de cesse d’affaiblir EDF.
- L’augmentation du volume de l’Arenh de 20 TWh imposé par l’actionnaire principal fin 2021 en est un exemple flagrant.
N’oublions pas que cette augmentation a produit un manque à gagner de près de 10 milliards d’euros à EDF. Cette manœuvre, fruit des recommandations de la CRE (qui réclame au passage 10 TWh de plus pour 2023), a été concomitante avec les problèmes de mise à l’arrêt de nombreuses tranches nucléaires (phénomène de Corrosion Sous Contrainte), ce qui a d’autant plus pénalisé l’entreprise.
Dans la même veine, l’État continuera à alimenter des alternatifs qui ne produisent rien, spéculent et font grimper les factures via le mécanisme ARENH (C’est non plus ¼, mais bientôt la moitié de la production nucléaire qui ira dans leurs poches à prix non coûtant). Il demandera aussi à EDF de récupérer les clients en déshérence de ses concurrents. Il obligera l’entreprise à racheter de l’énergie au plus fort sur le marché afin qu’ils soient alimentés, comme il le fait actuellement. Il y a fort à parier que cette étatisation ne produise aucun changement de cap ! Les mêmes causes produisent les mêmes effets.
La clé de la réussite et la pérennité de notre système électrique résident dans une véritable nationalisation. L’urgence est donc de changer de logiciel en ce sens. Elle est de questionner sans concession tout ce qui a été réalisé. Elle est de révéler la faillite d’un pseudomarché par un bilan contradictoire, bilan que FO réclame depuis plusieurs années. Tant que ces questions ne sont pas posées et résolues, les Français devront passer à la caisse pour payer la note d’un mécanisme de marché désastreux. Car nous ne sommes pas sur une problématique conjoncturelle, mais bien structurelle.
Ce n’est pas EDF qui a besoin d’être réformée, c’est le marché
Ce n’est pas aux personnels de subir de multiples réformes sparadraps, mais au marché! Il ne s’agit pas de nostalgie ou de repli sur soi de notre part, mais d’instaurer une vision économique et industrielle saine et de revenir à nos fondamentaux. Nous le savons tous : nous entrons dans une crise majeure. Et le marché ne nous sauvera pas. Il est trop sous l’emprise du court terme. Et cette crise risque de durer encore un long moment.
De belles perspectives s’offrent encore à EDF
L’entreprise a besoin d’investir lourdement pour répondre aux besoins des Français. Les nouveaux projets font sens pour les personnels avec la construction d’a minima 6 nouveaux EPR, la prolongation du parc nucléaire, le doublement du parc éolien terrestre, la construction de 50 parcs éoliens en mer, les projets dans l’hydrogène, la multiplication par 10 du photovoltaïque, etc.
D’autres secteurs du groupe intégré ont également besoin de visibilité immédiate en particulier sur l’hydraulique et Cordemais. Planification économique, intérêt national, garantie d’approvisionnement ne sont pas des gros mots et entrent dans la logique de la nationalisation. L’énergie, nécessité absolue, n’est pas un jeu de Monopoly.
Soyons plus raisonnables pour le pays, l’intérêt général et les personnels, et faisons émerger un pôle national de l’énergie à 100 % public et intégré au service des Français. C’est cela la véritable raison d’être d’EDF
Afficher les commentaires
Les propositions fédérales
FO ÉNERGIE PRÉSENTE SES PROPOSITIONS AU GOUVERNEMENT
Mercredi 20 juillet, une délégation FO Énergie a été reçue au ministère de la Transition énergétique. En toile de fond l’avenir d’EDF, mais plus largement celui du Service public de l’Électricité et du Gaz et la nécessaire transition énergétique.
L’occasion pour FO de confirmer à nos interlocuteurs attentifs, notre attachement aux missions confiées par la Nation par la loi de 1946, d’indépendance énergétique, d’efficacité économique, d’égalité républicaine, d’aménagement du territoire.
Nous avons également rappelé que la modernisation de notre secteur doit s’accorder avec des conditions sociales uniformisées par le haut avec l’application du Statut des IEG à toutes et tous.
La Nation doit s’appuyer sur le bilan des 40 dernières années en matière de politique énergétique pour rénover les missions confiées au Service public de l’Énergie et le transformer en atout pour la transition énergétique au service de la lutte contre le réchauffement climatique.
Pour y arriver, notre fédération estime qu’il faut renforcer le caractère intégré amont aval, et prendre en compte la complémentarité du mix Électricité - Gaz - ENR - Gaz renouvelables - Hydrogène en créant un Pôle public nationalisé, au statut d’EPIC « Énergies de France».
Pour nous , la France et la lutte pour le climat méritent le meilleur