De sombres perspectives pour le statut général de la Fonction Publique
Il m'est souvent arrivé de traiter des sujets touchant les problèmes des retraités. Mais pouvons-nous nous désintéresser de ceux qui touchent les actifs, d’autant que, sur certains aspects, ils sont susceptibles de nous concerner ?
Notre président, soit en tant qu’inspecteur des Finances- grade qu’il a abandonné lors de son passage dans le secteur bancaire- mais aussi en tant que Ministre de l’Economie, a évoqué à maintes reprises deux sujets qui semblent lui tenir à cœur :
- L’obsolescence du statut actuel des Fonctionnaires
- Le poids excessif, à ses yeux, des sommes affectées aux retraites se référant ainsi au P.I.B. (produit intérieur brut)
L’obsolescence du statut général
Mr Macron avait été très clair sur le sujet, et ce dès 2015, où il avait estimé que le statut actuel était« inadéquat dans une économie moderne », propos qui avaient été désavoués par le Président de l’époque, François Hollande. Mr Macron avait évoqué, à cette date, les termes « d’insiders » (ceux qui refusent le changement, terme qu’il a depuis repris à plusieurs reprises sous d’autres formes) et « d’outsiders » (ceux qui, au contraire, refusent le maintien de statu quo). La référence en était le Statut de la Fonction Publique. Mr Macron condamnait le terme même de statut pour ceux qui « « bénéficient d’un emploi à vie », terme contraire à son esprit « libéral ».
Quelle était la volonté sous- jacente de Mr Macron : le fait que les fonctionnaires, comme aux Etats Unis, soient avant tout à la disposition de ceux qui ont été élus, et soient recrutés pour appliquer les décisions que ceux-ci sont appelés à prendre dans le cadre de leur mandat. En fait, un fonctionnaire -politique à la place d’un fonctionnaire-citoyen, ce dernier actuellement chargé de l’intérêt général c'est-à-dire d’appliquer les lois et règlements votés par le Parlement. Les récentes décisions prises à l’encontre des textes concernant les Hauts fonctionnaires vont dans ce sens.
Un récent séminaire (le 17 février) animé par 2 chercheurs portait sur « les réformes de la Fonction Publique et sur les futurs souhaitables du Statut ».
Les deux estiment que l’on » jugera à travers la loi sur la transformation de la Fonction Publique l’existence ou non d’une rupture de la conception actuelle du fonctionnaire -citoyen avec le fonctionnaire- politique.
L’actuel code de la Fonction Publique, dans son article L120-10,stipule que les fonctionnaires peuvent désobéir à un ordre de leur responsable hiérarchique dans le cas où il serait de nature à compromettre un intérêt public ». Associé à la séparation du grade et de l’emploi, une telle disposition est censée offrir une réelle garantie aux agents et aux citoyens.
Le fait de supprimer à terme le recrutement par concours et le remplacer par le contrat, comme dans le secteur privé ( C.D.D. ou C.D.I.), pose la question de l’indépendance des agents.
En réalité, pour nos gouvernants actuels, même s’ils évitent de l’exprimer clairement, l’Administration doit être gérée comme une entreprise publique, c'est-à-dire avec une recherche de rentabilité.
Les modifications du Statut portant sur la suppression des C.A.P ( Commissions administratives paritaires) ou autres instances paritaires relèvent de cette orientation car elles sont calquées sur ce qui existe dans le secteur privé. Il faut aussi se rappeler que les changements connus sous l’ère Sarkozy, avec la RGPP, ou autres, se sont traduits par une désorganisation des services publics -du fait de la réduction des effectifs et des moyens- mais aussi parce qu’elles furent dictées de l’extérieur (cabinets de consultants), politique poursuivie par la suite ( Kinseys)-dixit nos deux chercheurs-.
Comme pour les retraites le mot « réforme du Statut » relève de la volonté gouvernementale de tromper l’opinion publique en lui suggérant une amélioration de la situation alors qu’il s’agit d’un démantèlement. En fait, toutes les décisions prises depuis quelques années démontrent un certain mépris vis-à-vis des Administrés.
Il faut se souvenir aussi que le gouvernement a fait modifier, par la loi, le Code général de la Fonction Publique (CGFP)- modification intervenue le 1er mars 2022- lequel a supprimé entre autres les CAP et autres organismes et qu’il reste à paraitre la partie règlementaire- en 2025 selon la Direction générale de la Fonction Publique-On sait d’expérience que dans cette partie l’exécutif en profite pour atténuer voire gommer des effets de la loi qu’il estime négatifs.
Rappelons que le premier statut a été créé en 1946 et que le suivant a été élaboré en 1983 c'est-à-dire il y a 40 ans. Obsolète le Statut ? Pourtant des lois, relevant du Code de Napoléon, s’appliquent toujours à l’heure actuelle
Le problème des retraites
Certains ont pensé que les propositions actuelles du gouvernement en matière de retraite (système qu’il qualifie de « paramétrique ») enterraient une réforme « systémique » c'est-à-dire celle avortée momentanément du fait du COVID 19, qui faisait partie du projet dans le précédent quinquennat.
En adoptant la nouvelle orientation, le gouvernement, par la voix de son Ministre de la transformation Publique, Mr Guérini,a fait savoir que le calcul actuel des retraites pour les fonctionnaires ( prise en compte des 6 dernier mois)n’était pas remis en cause.
De toute façon, selon le Ministre, les systèmes de retraite actuels du secteur privé et de la Fonction Publique « n’étaient pas prêts pour la convergence car celle-ci aurait fait des perdants et des gagnants « (problème des primes chez les enseignants, mais pas qu’eux).
Mais, au projet de loi actuel, un député de la majorité- avec l’accord implicite du Chef de l’Etat-a rajouté un article stipulant « qu’un rapport serait fait sur la possibilité, les conditions et le calendrier de mise en œuvre d’un système universel de retraite faisant converger les différents régimes ». En faisant cela il, il estime faire prévaloir les principes de justice et d’équité (sic).
Qui veut-on tromper en affirmant cela sinon les salariés principalement ?
Lors d’un récent entretien avec le Premier Ministre Néerlandais, Mr MACRON soulignait que la France devait « converger » vers la moyenne européenne ». En fait, comme l’a rappelé un sociologue dans le Monde du 3 mars 2023, celle-ci « n’a aucun sens au regard de la diversité des systèmes « qu’ils soient Allemands, Hollandais ou Suédois, pour ne citer que les plus importants. Et de signaler que les bases des compromis de justice sont, avant tout, nationales ». Si l’on avait, continue-t-il,« suivi les recommandations de la Banque Mondiale et de Commission Européenne, nous n’aurions plus de retraites complémentaires par répartition (ARRCO et AGIRC) mais un système par capitalisation individuel, système qui mène, comme on le sait, à un appauvrissement des retraites (actuelles et futures).
En disant cela, le Ministre faisait référence aux travaux de la DRESS et du COR affirmant que la convergence (mot à la mode dans les sphères gouvernementales), c'est-à-dire en appliquant aux fonctionnaires les règles du privé, aurait conduit à une baisse moyenne des pensions des fonctionnaires de 0,5 % cumulée sur la vie de 3,8% (quid ?).En fait, les moyennes cachent de très fortes disparités car les 75% du traitement pour les fonctionnaires sont plutôt de l’ordre de 50% voire plus chez les cadres.
Mais il promet de « mettre cette question sur la table des prochaines discussions sur le chantier des parcours, des carrières et des rémunérations ».Voilà qui va donner du « grain à moudre »à nos représentants syndicaux !!!!
On peut fortement penser que, si ces projets voient le jour, il en résultera des baisses notables du niveau des pensions des fonctionnaires mais aussi des salariés du secteur privé si- comme le Gouvernement l’avait momentanément décidé puis supprimé sous la pression des partenaires sociaux-on intègre dans la future« réforme » les systèmes de retraite actuels de l’ARRCO et de l’AGIRC, gérés par les partenaires sociaux et actuellement excédentaires.
Si Mr Macron persiste, comme il semble vouloir le faire (cf.supra) d’ici la fin de son quinquennat, se référant toujours au système de retraite suédois, pourtant très critiqué- dans son application- actuellement par les syndicats suédois eux-mêmes, nous rentrerons dans un conflit autrement plus sérieux que celui que nous venons de connaître.