De l’urgence d’un nouveau cadre législatif pour endiguer les fraudes économiques et fiscales
Depuis la censure de l'Article 60 du Code des douanes, il y a urgence à mettre en place un nouveau cadre législatif !
Dans un pays de droit, les administrations régaliennes, telle que la Douane, effectuent des contrôles pour tenter d’endiguer les fraudes économiques et fiscales.
Depuis la décision du Conseil constitutionnel de septembre dernier, invalidant l’article 60 du Code des douanes, pièce juridique essentielle des contrôles douaniers pendant des décennies, il semble bien que les plus contrôlés ne seront plus les potentiels fraudeurs mais les agents des douanes.
Dans sa rédaction issue du décret 48-1985 du 8 décembre 1948, l’article 60 confère aux agents des douanes un pouvoir général de contrôle : « pour l’application des dispositions du code des douanes et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celles des personnes ».
Par une décision du 22 septembre 2022, soit 74 ans après sa publication, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution cet article fondamental pour les contrôles douaniers.
Le Conseil constitutionnel a donné au gouvernement jusqu’en septembre 2023 pour le réécrire. Durant cette phase transitoire, cet article demeure applicable pour effectuer des contrôles. Malgré cela, certains tribunaux préfèrent casser des procédures en cours, donnant un droit de fraude absolument inadmissible aux trafiquants en tous genres.
D’où l’urgence à procéder à la réécriture de cet article et de le faire voter par le Parlement.
Le projet présenté aux organisations syndicales douanières et présenté en Conseil des ministres le 4 avril, doit être débattu par le parlement avant l’été. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la nouvelle procédure sera complexe à mettre en œuvre pour les agents et offre de sérieuses possibilités de recours juridique pour les fraudeurs et leurs défenseurs.
Droit de visite
Dorénavant, les agents auront deux opportunités non cumulatives d’exercer un droit de visite :
- sur information préalable du procureur sans nécessité d’autorisation préalable,
- au regard de raisons plausibles de soupçonner une infraction.
Sur ce dernier point, rien n’est garanti sur les « raisons plausibles » et il faudra certainement attendre la jurisprudence pour mieux cerner ce que cette notion intègre. De quoi occuper pendant plusieurs années les cabinets d’avocat.
Le droit de visite pourra s’exercer à toute heure, dans des zones géographiques où la présence de la douane se justifie (gares, aéroports, brigades des douanes intérieurs, etc…). Le rayon des douanes sera limité à 40 kms et sera défini dans la loi.
Au-delà, il sera nécessaire de justifier la volonté de commettre une infraction par l'usager pour mettre en œuvre le droit de fouille. La douane devra apporter tous les éléments de preuve permettant de caractériser les infractions douanières.
En résumé, il faudra établir que l'usager est pleinement responsable de la marchandise de fraude qu'il transporte et qu'il est déterminé à commettre une infraction douanière. Le fait de détenir une marchandise de fraude n'apparaît plus suffisant. C'est toute l'activité de contrôle qui sera impactée.
La mise en œuvre du contrôle douanier, avant la découverte de l’infraction, était autonome de l’autorité judiciaire. Avec cette nouvelle procédure, c’est terminé !
Encore mieux, une personne contrôlée pourra demander un PV négatif. De la paperasse rajoutée aux agents, au détriment du cœur de leurs missions de lutte contre les fraudes.
Droit des personnes
Ce droit prévoit la fouille des vêtements et des bagages mais la mise à nu ne sera plus autorisée que dans le cadre de la retenue douanière. Un contrôle ne pourra être supérieur à 12h sur un même lieu et contrainte supplémentaire, au bout de 4h le Procureur devra être informé. Un temps particulièrement contraint, quasiment impossible à respecter dans certains contrôles, comme pour les navires
C’est un changement profond dans les méthodes de travail des agents des douanes de la surveillance auxquels ce projet de loi les astreint. De nombreuses procédures douanières vont devoir être revues.
Si l’administration prévoit une formation et même la création de « référents procédures » dans les brigades, il est fort difficile d’imaginer que tout sera opérationnel au 1er septembre, date limite fixée par le Conseil constitutionnel.
Quelques pouvoirs nouveaux seraient malgré tout octroyés aux agents en matière de techniques de renseignement et en matière de blanchiment, sur les nouveaux contenus sur le net, etc…
Dans un contexte social tendu en Douane où les sous effectifs sont chroniques et où bien des interrogations demeurent sur l’avenir de l’administration douanière, cette judiciarisation des procédures n’est certainement pas un bon signal donné…sauf pour les fraudeurs et leurs défenseurs qui ne manqueront de sauter sur toutes les failles juridiques des procédures.
Ce n’est pas la création envisagée par la Direction des douanes, d’une réserve opérationnelle, composée de jeunes et de retraités, activée sur des évènements ponctuels tels que les Jeux olympiques, qui permettra de sécuriser juridiquement les contrôles douaniers. Plutôt un aveu des sous effectifs à la DGDDI.
La fragilité juridique de l’article 60 a depuis longtemps été mentionnée par de nombreux experts de la matière douanière. Pour autant, la censure constitutionnelle a un effet délétère dans les services, perçue comme une véritable remise en question des procédures et au-delà des missions, mais également une fenêtre ouverte à la fraude et au final un risque de délégitimisation de l’action douanière.
Le parcours parlementaire du projet de loi s’apprête à être sinueux, avec de nombreuses surprises, d’autant plus avec une représentation nationale ne connaissant pour la plupart de ses membres rien dans les missions douanières. Enfin, il n’apporte aucune garantie sur les moyens matériels et encore plus humains octroyés à la Douane.