Covid-19 : où est passé le principe de précaution ?
Pourquoi, en février, dans la crise sanitaire, n’avez-vous pas appliqué le principe de précaution que préconisait le Conseil scientifique, au prix de 14 000 décès et 160 000 cas de Covid longs supplémentaires ? La santé des Français peut-elle faire l’objet d’un pari ? Ils attendent des explications. Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République
Monsieur le Président de la République,
Vous êtes le garant des principes constitutionnels qui régissent notre République et il me semble démocratiquement opportun et juridiquement fondé que vous expliquiez à nos concitoyens pourquoi vous n’avez pas appliqué, au mois de février dernier, le principe de précaution, dans votre gestion de la crise sanitaire, sans précédent, que traverse notre pays et l’ensemble des Nations..
Le journal Le Monde a révélé dans son édition du 19 juin « le lourd coût humain d’un confinement tardif », précisant que votre décision de ne pas confiner notre pays dès le mois de février 2021 aurait, je cite, « entraîné 14000 décès de plus et 160 000 cas de Covid longs ». Cette information stupéfiante n’a donné lieu à aucun démenti formel de votre part ni à aucune explication que les Français sont en droit de connaitre.
Au contraire, le journaliste Nathaniel Herzberg rappelle dans l’article suscité, votre déclaration du 25 mars : « Je peux vous affirmer que je n’ai aucun mea culpa à faire, aucun remords, aucun constat d’échec ». Faut-il donc comprendre que vous passez par pertes et profits de votre gestion de la crise pandémique, ces 14000 morts et 160 000 victimes du COVID long ?
Il est vrai que les Français ont un besoin impérieux de sortir de cette crise qui les a profondément affectés sur le plan médical et psychologique, qu’ils veulent aujourd’hui passer à autre chose, oublier ces longs mois mortifères. Mais, pour autant, ils ont le droit de savoir pourquoi vous n’avez pas pris la décision de confiner le pays dès le mois de février, comme le recommandait le Conseil Scientifique, que vous avez-vous-même mis en place, pour reporter la décision deux mois après ?
Les médias, et les membres de votre majorité parlementaire ont parlé à cette occasion d’un « pari réussi », mais peut-on accepter que la santé et même la vie des Français soient l’objet d’un pari ? Peut-on parler de réussite lorsque l’on déplorait chaque soir du mois de février et de mars près de 300 morts et de milliers de contaminations supplémentaires ?
C’est vrai que la vague virale évoquée par les spécialistes n’a pas déferlé aussi rapidement que prévu, mais elle l’a fait de façon différée, et vous a obligé le 3 avril à une nouvelle période de confinement avec ses conséquences humaines, économiques, et sociales très délétères. Confiner en février évitait la diffusion virale à un moment où la vaccination des Français n’en était qu’à ses débuts, donnant à la pandémie ses effets sanitaires les plus néfastes.
Le principe de précaution, applicable en matière de santé, a pour fondement d’éviter des méfaits potentiels majeurs, même lorsque les études scientifiques ne sont pas en mesure d’apporter la preuve absolue de leur survenue : face à un certain degré d’incertitude, qui demeure, il oblige à prendre les mesures de protection optimum.
De même le ministère de la Santé a tardé à prendre les mesures de prévention et d’accompagnement des souffrances psychiques liées à la crise sanitaire alors que de nombreux spécialistes, dont je suis, avaient alerté dès le mois de juin 2020 sur leur survenue.
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Personne ne prétend que la gestion de cette crise était facile, personne ne prétend qu’il aurait fait mieux et plus rapidement que vous, mais dans ce nouveau monde, qui vous est si cher, l’information libre et éclairée des citoyens sur les décisions relatives à leur santé et à la santé publique, est un de leurs droits essentiels.
Merci, Monsieur le Président de la République, de répondre à cette demande. Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de ma haute et respectueuse considération.
Michel Debout.
Professeur émérite de Médecine légale
et Droit de la santé.